L'annonce de l'installation de l'usine chinoise, Uniconcept, à Gaillac a été présentée par les médias français comme un exemple. Près d'un an plus tard, les machines de production ne sont jamais arrivées, des fournisseurs, des entreprises locales et une poignée d'employés sont en difficulté.
Cela devait être une réussite, c’est un fiasco. En mai 2017, la mairie de Gaillac annonçait en grande pompe la délocalisation de l'entreprise chinoise Uniconcept à Gaillac et créer une centaine d'emplois. Pour fabriquer des coques de téléphones portables. Le rêve était trop beau. Ce made in china a viré à la contrefaçon.
Le cabinet de recrutement, Ademus, de Sandrine Court, a été sollicité par le maire de Gaillac pour s'occuper du recrutement. 24 personnes ont été embauchées mais toutes ont déjà quitté la société. Les machines de production ne sont jamais arrivées dans le Tarn. Le patron d'Uniconcept, Eddy Belefdil, est actuellement au Maroc et a laissé 27 000 euros d'ardoise à Sandrine Court :
« Ce projet je l’ai trouvé passionnant. Après la fermeture d’Alphacan, c’était une belle opportunité de créer de l’emploi sur le territoire. Moi travaillant dans les ressources humaines cela faisait écho. C’était aussi une mission techniquement passionnante : partir de zéro, élaborer l’organisation, les profils de postes. J’ai adhéré très vite au projet et j’ai dit au maire de Gaillac que je mesurais bien les enjeux, dont il m’avait fait part, et que je me sentais totalement en phase. De plus, Monsieur Belefdil a la chance que je sois référencée auprès de la Dirrecte qui a mis en place un programme qui se nomme « appui conseil TPE PME » et nous avons pu faire bénéficier à Uniconcept d’une subvention de 15000 euros qui lui a été versée au démarrage de ma mission.
Tous les feux étaient donc au vert pour que je me sente en confiance. Aujourd’hui cette confiance est à zéro envers Monsieur Belefdil dans la mesure où j’ai un impayé qui s’élève à 27 800 euros sur un total facturé de 37 800 euros. Cet impayé représente une part très significative de mon chiffre d’affaire annuel et me met en difficulté.
Ma confiance est également mitigée vis-à-vis du maire de Gaillac Monsieur Gausserand. Aujourd'hui, la communication avec lui est difficile sur ce dossier. Je ne me sens pas soutenue dans la quête de transparence que je recherche. Lorsque la question de la facturation s’est posée, je l'ai interpellé directement dans la mesure où il portait depuis le début ce projet. Il a tenté, une première fois, de faire un peu de médiation avec Monsieur Belefdil mais désormais aucune aide ne m’est proposée.
Je n’ai pas l’impression que Monsieur le maire se sente concerné par cette histoire qu’il a pourtant porté à bout de bras au démarrage. J’attends que justice soit faire car Monsieur Belefdil a fait beaucoup de dégâts auprès de nombreux partenaires. Il a mis dans l’embarras des fournisseurs, puisque personne n’a été réglé à ma connaissance. Il doit donc rendre des comptes auprès de la justice. J’attends également que Monsieur le maire de Gaillac, Patrice Gausserand, sache mener ce projet jusqu’au bout car je me sens trompée, abusée.»
Marie (prénom d'emprunt) est la seule employée d'Uniconcept encore en poste. Elle est sans salaire depuis trois mois.
« J’ai été embauchée comme assistante commerciale et achat en septembre 2017 par Uniconcept. Nous avons commencé avec mes collègues d’infortune dans un espace de coworking, la pépinière d’entreprise Granilia de Gaillac. Nous n’avions pas de bureaux affectés. On nous a aussi demandé de venir avec notre matériel de travail personnel, ordinateur, téléphone, accessoires de bureaux sur un démarrage d’activité qui devait être provisoire puisque des machines de productions, selon les dires de Monsieur Belefdil, expédiées depuis la Chine au mois d’août devaient arriver d’un jour à l’autre. L’usine devait être implantée dans les anciens locaux des meubles Delmas. Ça c’était le projet.
Les machines ne sont jamais parties au mois d’août, je ne les ai d’ailleurs jamais vues. L’entrepôt de Monsieur Delmas n’a jamais servi de bureau. Le bail a été annulé. Notre premier salaire a été payé à tous avec plus de 20 jours de retard.
Le projet a changé en court de route. On nous a dit « finalement on ne produira pas tout de suite de coques mais on va faire du négoce » de produits qui étaient déjà arrivés sur le territoire en 2016. Nous avons découvert ainsi qu’il y avait une antériorité d’activité. Monsieur Belefdil nous a expliqué qu’il n’avait pas touché les subventions qu’il escomptait, qu’il fallait commencer par du négoce et une fois qu’il y aurait de la trésorerie, le véritable projet pourrait être lancé. Mais quand il a annulé le bail des locaux, cela m’a paru assez compliqué.
Il a licencié tout le personnel, sauf la comptable, fin novembre, soit 5 personnes au total. Ayant démissionné d’un précédent emploi, je ne pouvais pas me permettre de partir. Je suis donc restée seule. Lorsque je dis seule, c’est seule puisque Eddy Belefdil est reparti au Maroc. Je suivais des instructions de travail par Skype ou par e-mail pour réaliser des factures, des tableaux de pilotage de stock. Cela ne l'a pas empêché durant cette période de m'offrir des places pour le Festival des Lanternes dont il était le partenaire (sous le nom de Swiss charger).
Depuis décembre, je ne suis plus payée. J’ai mené une action en justice pour récupérer mes salaires. En mars, Mr Belefdil s’est engagé devant le tribunal à me les verser. Je n’ai toujours rien reçu mais pas contre j’ai réceptionné une convocation pour licenciement. Le motif évoqué « refus de réaliser des documents », en l’occurrence des factures à l’export vers le Maroc, et « insubordination ».
Je me retrouve piégée et arnaquée dans quelque chose que je n’avais pas imaginé au départ. S’il n’y avait pas eu toute cette médiatisation et ce soutien politique sur le démarrage de cette activité, je n’aurais pas pris le risque de m’engager dans cette histoire. J’attends désormais qu’Eddy Belefdil réponde de tout ce qu’il a fait pendant ces 8 mois d’activité, qu’il paye ses dettes auprès de tout le monde, fournisseurs, clients, salariés. Et peut-être que l’on fasse un peu de lumière sur le lien entre la mairie et cet homme-là. »
Interrogé le 30 mars 2018 au conseil municipal de Gaillac, le maire de la commune, Patrice Gausserand, s'est montré très évasif sur ce dossier (passage de 2:55:54 à 2:57:29)
Reportage : Sylvain Duchampt - Matthieu Chouvellon