Suite à un contrôle de l’inspection du travail, la préfecture du Tarn a ordonné la fermeture d’un hébergement collectif au-dessus du restaurant à volonté Saveurs Gourmandes, à Albi. Six employés étaient logés dans des chambres insalubres. L’un d’eux témoigne.
En avril dernier, le comité opérationnel départemental de lutte anti-fraude (Codaf) effectue une inspection dans un hébergement collectif situé au-dessus du restaurant à volonté Saveurs Gourmandes, à Albi. Les découvertes qu’ils font sont accablantes.
Dans un rapport, ils dénoncent des chambres de 5m2 dissimulées derrière un placard. Chambres, salle d’eau… Le tout, sans fenêtres, ni dispositif d’aération et moyen de chauffage/climatisation. Matelas à même le sol, détritus, bouteilles d’urine… témoignent de l’insalubrité des lieux proposés par l’employeur. Six employés hébergés sont d’origine Sénégalaise, Guinéenne et Bangladaise, travaillaient depuis plusieurs mois dans le restaurant.
"Si tu n’as pas de travail, tu ne peux pas vivre"
Après l’inspection et la décision de la préfecture du Tarn, les employés sont venus chercher de l’aide auprès de la CGT du Tarn. Pour Laure Malleviale, secrétaire générale de l’union départementale, cette situation édifiante.
Nous sommes choqués. Je ne pensais pas qu’en France, cela puisse encore exister.
Laure Malleviale, secrétaire générale de l’union départementale CGT du Tarn
Parmi les travailleurs, Khouassou, originaire du Sénégal. Il se livre sur son arrivée. "J’étais à Paris, dans un réseau et on m’a dit qu’un patron cherchait des employés pour un restaurant à Albi. L’employeur savait très bien que nous avions des faux papiers", assure-t-il, puisqu’il a fait appel à un "rabatteur" appartenant à un réseau de recrutement fournissant préalablement de faux documents d’identités aux salariés ainsi embauchés.
Embauché, il prend alors le train direction Albi, et le patron lui-même vient le chercher à la gare. Khouassou découvre alors sa "chambre", sans chauffage, sans fenêtres, sans rien. Une fois le service du soir terminé, les employés ne pouvaient plus sortir du bâtiment, fermé à clé. Leur seule possibilité de rejoindre le dehors, est d’emprunter une porte de secours, qu’ils ne peuvent pas rouvrir de l’extérieur.
"C'était sale, il y avait des fils électriques, on dormait à même le sol... Je savais que ce n’était pas acceptable comme situation, mais il fallait que je travaille. Si tu n’as pas de travail, tu ne peux pas vivre. Et j’ai ma famille derrière", témoigne le jeune homme de 30 ans.
Des conditions de travail et de rémunération indignes
En plus des conditions d’hébergement insalubres, Khouassou nous raconte qu’il travaillait 12 heures par jour, six jours sur sept. "On était payé 1 800 euros par mois, mais il nous enlevait la nourriture et l’hébergement sur le salaire". Pourtant, ils ne mangeaient pas à leur faim. "On mangeait les restes du buffet. Mais la dame nous disait souvent qu’il ne fallait pas en prendre beaucoup, alors que ça finissait pourtant à la poubelle", poursuit-il.
Après cette inspection, deux de ces travailleurs sont maintenant sous le coup d’une OQTF délivrés par les services de la préfecture et pour certains, ils sont inquiétés pour utilisation de faux documents d’identité. "Ce sont des victimes, et on les traite comme des coupables", se désole Laure Malleviale.
"Je regrette d’être venu ici"
La secrétaire générale indique qu’ "une plainte collective pour traîte d’êtres humains va être déposée auprès du procureur de la République. On attendra que la justice se prononce, mais tous ces éléments sont caractéristiques d’une traite d’être humain", déclare-t-elle. Temps de travail, aucune liberté de mouvement, logement indigne, procédure de recrutement... Pour elle, il n'y a pas de doute. "Il a profité de notre vulnérabilité, regrette Khouassou. Je ne me sens pas très bien et je regrette d’être venu ici. Je ne m’attendais pas à ça."
La CGT loge aujourd’hui ces travailleurs dans un hôtel. "Après ce qu’ils ont vécu, la moindre des décences est de leur apporter un peu de chaleur humaine, un logement digne et suffisamment de nourriture", explique Laure Malleviale. Au vu de l’impact psychologique, la CGT a pris la décision de mettre en place un suivi médical ainsi qu’une cellule afin de les aider sur le plan administratif.