Plusieurs médecins du Tarn lancent un appel à la population pour le respect du confinement et des gestes barrières. Ils s'inquiètent de la banalisation du virus.
Ce qu'ils constatent dans leur cabinet médical les inquiètent. La banalisation du virus, des patients qui doutent de l'intérêt des gestes barrières. Alors pour rappeler la réalité du terrain, celle de malades touchés par le coronavirus qui vont souffrir et peut-être mourir, des médecins du Tarn ont écrit leur témoignage. Un appel à la population pour respecter le confinement et les gestes barrières.
Les dégâts des thèses complotistes
Etienne Moulin a sollicité ses confrères et coordonné les échanges pour créer ce verbatim et le diffuser. L'idée est née explique le médecin de cette différence entre la réalité et les thèses complotistes qui sèment le doute dans l'esprit des patients. Différentes thèses conspirationnistes relayées sur les réseaux sociaux qui prétendent par exemple que le covid n'existe pas, que c'est un complot mondial, un "truc" des laboratoires pour vendre des médicaments. "De mon expérience dit Etienne Moulin une personne sur 10 à peu près est sensible à ce discours, cela suffit à induire des comportements dangereux avec une moins grande prise en compte de l'autre."On entend dans nos cabinets des phrases du genre : "est-ce bien nécessaire docteur ? j'ai entendu dire que"...Cela banalise le virus.
"Le risque, dit le médecin, c'est de submerger nos capacités de prise en charge. Dans nos cabinets, 1/5 des patients viennent pour des symptômes Covid, c'est énorme. Les hôpitaux du Tarn sont saturés et si cela continue dans 15 jours ce sera une catastrophe."
La réalité du terrain
L'objectif de ce verbatim c'est de témoigner de la réalité de ce que vivent les médecins dans les cabinets et à l'hôpital. "Épargnez-vous, ne portez pas la responsabilité de la contamination de vos parents, de vos grands parents ou amis chers qui développeront une forme grave ou fatale de la covid", dit notamment le président de la Commission Médicale d’établissement (CME) de l’hôpital d’Albi. Le médecin rappelle que la transmission du virus se fait 2 jours avant l'apparition des symptômes et que les séquelles d'un passage en réanimation peuvent être lourdes."Ce virus est pernicieux : il est inoffensif pour les uns mais mortel pour les autres dit un autre médecin. Soyez responsables : observez les mesures barrières".
Voici l'intégralité de ces témoignages :
Épargnez-vous, ne portez pas la responsabilité de la contamination de vos parents, de vos grands parents ou amis chers qui développeront une forme grave ou fatale de la covid.
Je suis le président de la Commission Médicale d’établissement (CME) de l’hôpital d’Albi, et je vois depuis plusieurs semaines la progression inexorable du nombre de patients hospitalisés présentant une forme grave de Covid. Tous ne présentaient pas un facteur de risque (âge supérieur à 70 ans, obésité, hyper tension ou autre) et la plupart n’avaient pas eu conscience de s’exposer à une contamination. Tous ne sortiront pas vivant de l’hôpital, et certains sont déjà décédés. Mettez-vous à la place de leurs enfants, de leurs petits-enfants, de leur conjoint, de leurs amis qui garderont le doute d’avoir été à l’origine de la contamination.
Le virus ne se voit pas, ne s’entend pas, ne se sent pas, ne se touche pas, ne se goute pas. Chacun d’entre nous peut être contaminateur car plus de la moitié des patients contaminés sont asymptomatiques ou développent des symptômes bénins. La transmission du virus débute 2 jours avant l’apparition des premiers symptômes (fièvre, trouble de l’odorat, trouble du goût, toux, diarrhées, vomissement, fatigue).
Épargnez-nous, nous les soignants, car il n’y a aucun traitement miracle, et même si depuis 9 mois, la connaissance du virus s’améliore de jour en jour, même si nous sommes capables de mobiliser les dernières techniques pour vous soigner, pour nous soigner, nous les soignants contaminés, tous ne supportent pas l’épreuve du séjour en réanimation et les séquelles peuvent être lourdes. Les plus âgés d’entre nous, vos parents, vos grands parents, vos amis ou les plus fragiles ont un risque important de ne pas s’en sortir. Je vous laisse imaginer ce que ressent un être humain privé progressivement d’oxygène quand ses poumons sont trop atteints. Tout ce que nous pouvons proposer alors est une sédation afin de rendre supportable le passage de vie à trépas.
Notre système de santé est d’ores et déjà à la limite de ce que nous pouvons absorber. Ne nous obligez pas à choisir entre les soins que nous devons prodiguer. Tous les patients que nous prenons en charge méritent d’être soignés. Je suis chirurgien et dès mon entrée en chirurgie on m’a appris qu’il n’y avait pas de petite chirurgie. Il n’y pas de sous-patients. Nous allons devoir choisir les patients que l’on prend en charge et la déprogrammation des activités chirurgicales non essentielle est la traduction de ce choix. Certains vont souffrir, certains ne seront pas dépistés, certains auront des problèmes d’incontinence, certains auront un inconfort extrême, certains vont voir leur état de santé se dégrader de façon parfois irrémédiable car collectivement nous n’avons pas pu contrôler la transmission du virus. Choisir c’est renoncer et dans notre métier c’est parfois condamner. Voyez quel poids repose sur nous soignants, quelle responsabilité collective et individuelle nous devons supporter. Car nous savons que vraisemblablement nous laisserons quelques-uns d’entre nous au bord de la route malgré tout notre engagement et notre volonté.
Ce virus est un virus des rassemblements. Il se transmet lors des rassemblements tels que les fêtes, tels que les repas de famille, tels que les repas amicaux, tels que les mariages, tels que les baptêmes, tels que les concours de cartes, tels que les activités sportives……
Tous les pans ne nos activités sociales peuvent être à l’origine d’une contamination. Il suffit d’être deux et de ne pas respecter les gestes barrières. Déjà nous avons des difficultés à prendre en charge tout le monde, nous sommes épuisés, contaminés et nous ne savons pas combien de temps nous pourrons mener tous les soins. Quelques jours encore….. Et puis ….
Épargnez-vous, épargnez-nous, appliquez les gestes barrières, respectez le couvre-feu, réduisez vos interactions sociales, soyez responsables. L’efficacité de toutes ces mesures dépend de chaque effort individuel. Chacun d’entre nous doit maintenant se mettre au service de tous pour réduire le rythme des transmissions et nous permettre de soigner tout un chacun de façon adaptée et conformément à notre éthique.
Épargnez-vous, épargnez-nous, évitez nous d’avoir à choisir qui pourra avoir les justes soins. Ne mettez pas notre système de santé à terre.
Dr Pascal CARIVEN-Président CME Hôpital Albi.
Dans mon quotidien de médecin généraliste je rencontre tous les jours de nouveaux cas d’infections à la COVID-19. Le virus se transmet à grande vitesse parmi les jeunes. La plupart n’ont que des symptômes légers et je comprends que l’on puisse banaliser cette maladie. Parmi ces jeunes patients certains expriment aussi avec tristesse le regret d’avoir contaminé un parent ou un proche qui lutte à présent pour survivre dans un service de pneumologie ou de réanimation. Ce virus est pernicieux : il est inoffensif pour les uns mais mortel pour les autres. Soyez responsables : observez les mesures barrières, respectez le couvre feu, limitez les réunions familiales et amicales. Si vous ne le faites pas pour vous, faites le pour vos proches...
Florent CANAL, médecin généraliste au Sequestre.
Aujourd’hui dans le Tarn, La Covid 19 devient pour nous médecins Généralistes une réalité dramatique puisque elle s’immisce au coeur des familles de nos patients. Transmise dans l’intimité des maisons, entre les générations, elle fera des victimes chez les plus fragiles, parents et grands parents. C’est d’ors et déjà le cas, mais l’augmentation rapide des contaminations chez nous à Albi nous fait craindre encore plus l’avenir. Il est urgent de prendre soins les uns de autres en respectant les gestes barrières.
Dr Benoit Gavoille, Albi.
C’est tous les jours en consultation que nous constatons à quel point il y a un décalage entre le respect des mesures barrières imposées en milieu professionnel, et la réalité au quotidien dans le milieu familial et de loisir, où règne le plus grand laisser-aller comme si le virus y était absent. Les tragiques décès suite à la Covid19 après un simple repas de famille qui aurait dû rester un moment de fête doivent nous convaincre (s’il en était besoin) que seul un sursaut collectif de strict respect des mesures barrières sera à même de limiter cette nouvelle vague mortifère.
Dr Étienne Moulin, médecin du travail
Chères Tarnaises, Chers Tarnais, vous savez que vous pouvez compter sur nous. Médecins généralistes, infirmiers libéraux, pharmaciens d’officine, laboratoires d’analyses médicales, nous sommes mobilisés avec tous les partenaires concernés depuis le mois de mars pour éviter une catastrophe sanitaire. Sollicités en première ligne, nous sommes une digue qui protège l’hôpital de la saturation afin qu’il reste disponible et réactif pour les cas les plus graves. De manière agile et avec peu de moyens, nous avons mis en place des dispositifs COVID ambulatoires sur les différents territoires du Tarn. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer l’énergie employée pour mettre en place tout cela, le temps passé, les réunions quasi-quotidiennes, en journée et en soirée, la difficulté à obtenir les moyens nécessaires à la concrétisation de nos missions, la pression de la responsabilité et l’angoisse d’être submergés.
Nous avons eu une éclaircie. Comme vous. Les mois d’été se sont plutôt bien passés. Nous avons revu nos patients chroniques en tentant de les sensibiliser le plus possible aux gestes protecteurs et à la nécessité de rester vigilants. Nous recevions certes quelques tests positifs mais les malades symptomatiques étaient rares. Tant mieux. L’automne est d’un autre acabit. Quoi qu’en aient dit certains devins auto-proclamés, l’épidémie est bien de retour.
Sur le terrain, les médecins généralistes tarnais réalisent environ 5000 consultations par semaine pour des symptômes évocateurs de la COVID. Ils prescrivent des tests et reçoivent des résultats positifs de plus en plus nombreux. La tâche de recherche de contacts à risque est ensuite laborieuse mais indispensable pour tenter de freiner la propagation de l’épidémie. Les explications sur la conduite à tenir, sur les signes d’alarme, sur l’isolement prennent aussi beaucoup de temps. La téléconsultation est à privilégier en première intention, mais un examen clinique médical est souvent utile voire indispensable au cours de l’évolution de la maladie. Les médecins et les autres soignants doivent songer à protéger leur santé, pour eux-mêmes, pour leurs proches, pour leurs patients. Consulter avec un masque FFP2 est épuisant car il faut respirer contre le masque, les changements de tenue, la désinfection incessante des mains et des surfaces prend également beaucoup de temps. La fatigue peut mener au découragement et à l’épuisement. Seule une solidarité sans faille peut nous permettre aujourd’hui de tenir. De voir briller une petite lumière au bout du tunnel. Nous nous organisons en Communautés Professionnelles Territoriales de Santé. C’est l’avenir. Mais cela prend également du temps et de l’énergie, notamment pour aller chercher les financements dont nous avons besoin pour développer nos actions et nos services. Nous ne pouvons pas tout attendre de l’Etat et des pouvoirs publics, nous le savons bien. C’est pour cela que nous, professionnels de santé de terrain, prenons toutes ces initiatives. C’est pour cela que nous avons besoin de VOUS. La meilleure façon de freiner l’épidémie qui aujourd’hui se diffuse à grande vitesse dans la population, c’est que nous tous nous considérions comme potentiellement porteur du virus, ceci que nous soyons symptomatiques ou non, testés positifs ou non, car aucun test ne peut être complètement rassurant sur la contagiosité de chacun d’entre nous. Une fois ceci bien compris, il faudrait en tirer des conséquences de bon sens et s’approprier les outils de protection de soi-même et des autres qui existent :
- Garder les distances physiques autant que possible
- Ne plus serrer la main ni faire la bise
- Ne plus se rassembler en grands groupes dans des lieux fermés
- Aérer les lieux fermés
- Porter le masque en présence d’autrui (hors personnes du foyer)
- Se laver les mains ou se les frictionner au gel hydroalcoolique fréquemment
- Désinfecter systématiquement les surfaces ou les objets touchés par plusieurs personnes…
En étant extrêmement vigilants pendant les quelques semaines, nous pouvons avoir une chance de ralentir l’épidémie et toutes ses conséquences.
Nous comptons sur vous, comme vous pouvez compter sur nous.
Docteur Théo COMBES, médecin Généraliste, URPS des Médecins Libéraux