La plus ancienne fonderie de France, basée à Albi dans le Tarn, mise sur l’expérience et le savoir-faire. 2 anciens ouvriers, partis à la retraite, ont ainsi repris du service pour aider et former les plus jeunes au métier. Reportage.
En 2014, la fonderie Gillet basée à Albi dans le Tarn a connu comme une renaissance. Après un dépôt de bilan quatre années plus tôt, la 4e entreprise la plus ancienne de France est reprise par ses salariés sous forme d'une SCOP. Mais entre-temps, certains sont partis à la retraite. Deux d'entre eux ont choisi de resigner un Cdi avec la nouvelle fonderie. Histoire de transmettre leur savoir-faire.
Astuces et subtilités du métier
"T’as confiance ? lance, marteau en main, Nicolas. Face à lui, Henri lache un "oh p..." en retirant sa main. Mais ils éclatent de rire. Les deux ouvriers modeleurs ont 41 ans de différence. L'un est parti à la retraite quand l'autre a commencé à travailler. Les voilà de nouveau réunis dans l'atelier car Henri Palzy, âgé aujourd'hui de 73 ans, a choisi de revenir il y a déjà 7 ans.
Ce retour s'est fait "un peu par hasard" raconte le directeur de la fonderie. Après le rachat par ses salariés en 2014, Nicolas Pomarede se souvient des ateliers qui s'étaient vidés. "On était 47 le vendredi et le lundi on a redémarré à 22. Vous imaginez tout le savoir-faire qui s'est perdu en l'espace d'un week-end." Les anciens repassaient de temps en temps pour garder le contact et donner quelques conseils.
Petit à petit, ils ont pris des contrats CDD. Et à un moment donné, c'est venu d'eux. Les CDD ça nous plait, mais y a pas mieux ? Et je leur ai dit si vous voulez un CDI, on en refait.
Nicolas Pomarede, directeur de la nouvelle fonderie Gillet
Aujourd'hui, Thomas Bouchentour est ravi de pouvoir travailler avec Henri et de profiter de "ses petites astuces et subtilités du métier" dont les jeunes n'ont pas connaissance en sortant de l'école. Le modeleur se souvient d'un socle qu'il avait à faire. "J'arrivais pas à faire quelque chose de carré sur 1m60 presque 2 mètres. Et il est arrivé et il m'a dit, mais non, là t'emmerde pas. Hop, il m'a posé une réglette et en un quart d'heure on a réussi à tracer un carré parfait, avec des angles droits... Moi je me suis pris la tête avec des compas, des équerres. Et lui, juste avec une réglette..."
Osmose entre générations
Pour Thomas, l'échange avec les plus expérimentés est primordial. Et le "mélange" des générations apprécié. "L'expérience des anciens qui se mêle à la fougue des jeunes entre guillemets, c'est ce qui fait qu'on avance tous", estime le modeleur.
Personne ne reste bloqué sur ses positions. On échange et c'est comme cela qu'on arrive à avancer et à faire des pièces de plus en plus de bonne qualité.
Thomas Bouchentour, modeleur au sein de la nouvelle fonderie Gillet
Un autre retraité revient aussi régulièrement à la fonderie. Agenouillé sous une pièce de plus de 150 kg, Manuel De Queiros, 68 ans, fabrique des moules. Il compte plus de 50 ans de métier à son actif et il a choisi, une fois par semaine, de venir donner un coup de main à ses collègues. "C’est un métier qui est en train de disparaître et il ne faut pas. C'est un métier où on peut tout faire, il faut avoir la passion et l'amour du travail", justifie l'ouvrier expérimenté qui se sent toujours plein d'énergie.
"Une vie au travail. 40 ans à la fonderie. 40 ans de savoir-faire sur des métiers spécifiques qui partent du jour au lendemain", Nicolas Pomarede a accusé le coup, en 2014, lors de la seconde liquidation judiciaire de la fonderie avant la reprise par les salariés.
La scop, c'est aussi une volonté de créer une équipe, de créer un groupe multigénérationnel. D'avoir des gens qui sont dans la vingtaine ou la trentaine et des anciens. Et de créer une osmose.
Nicolas Pomarede, directeur de la nouvelle fonderie Gillet
Et osmose il y a. Henri et Manuel, tous les deux en CDI, profitent d'une seconde jeunesse. Pour le moment, pas question pour eux de repartir à la retraite.