Il y a très exactement 34 ans, le toro Velador de la ganadería Victorino Martín était gracié à Madrid. C'était la première fois qu'un tel événement avait lieu à Las Ventas. À ce jour, c'est aussi la dernière.
19 juillet 1982. Madrid. Corrida de la presse. Au cartel, deux andalous : Manolo Cortés, José Antonio Campuzano. Et ce torero de Cartagena qui commence à faire parler de lui après des années d'oubli : José Ortega Cano, 29 ans.
Cette "corrida de la presse" est un concours de ganaderías. On a sélectionné 6 toros dans les ganaderías les moins aimables du pays : Hernández Plá, Fermín Bohórquez, Victorino Martín, Guardiola, Cuadri et Miura.
Victorino Martín est l'élevage à la mode à Madrid en ce temps-là comme l'explique Joaquín Vidal dans son fameux article de "El País". Velador (quelquefois appelé Belador) n'est certes pas le meilleur toro que Victorino a lidié dans la capitale. L'an dernier (en 1981) pour San Isidro, on en a vu de meilleurs. Et surtout, il y a un mois et demi, le 1er juin 1982, la "corrida du siècle" à Madrid avec Ruiz Miguel, Esplá et Palomar a été l'occasion d'applaudir 4 Victorino exceptionnels (sur les 6).
Mais voilà. Il fait chaud, très chaud. On est en plein dans les "trois mois d'enfer" du dicton. L'arène est comble. Les gens sont d'excellente humeur. Et surtout, Velador prend une première pique formidable, dans le terrain du 4. Il s'élance avant même que le picador ait fini de se placer, il renverse le cheval. L'arène jubile. Une deuxième pique. Une troisième.
Le président ordonne le changement de tiers. Le public proteste, il aurait voulu voir une quatrième pique.
La faena commence. Ortega Cano est spécialement prudent. Mais les gens s'en fichent. Ils n'ont d'yeux que pour ce toro qui charge en rythme et avec une merveilleuse noblesse. Dès le milieu de la faena, ils demandent la grâce.
Ils l'obtiendront.
Velador se trouve bien en piste. Mayoral, toreros, cabestros : il faut batailler deux heures avant qu'il accepte de regagner les corrales. Un chien de troupeau, dêpéché en dernier recours, a bien failli y laisser la vie.
Ortega Cano pour sa part, n'a pas coupé la moindre oreille, fût-elle symbolique comme on dit dans le jargon.