Ce jeudi 28 février, Edith Waton-Chabert est la "rédactrice en chef" de france3.fr sur le salon de l'agriculture. Cette oléicultrice de Provence nous a demandée un coup de projecteur sur le woofing ou wwoofing, une expérience qui lui tient à cœur et une vraie découverte pour nous aussi.
Si on devait être bref, le woofing c'est des vacances gratuites à la ferme si l'on met la main à la pâte. Mais, c'est un peu plus.
Certes, le gîte et le couvert sont offerts contre une participation aux travaux agricoles, mais c'est aussi une belle occasion de rencontrer et partager avec "les locaux" d'une région, voire d'un pays, d’apprendre la langue, la culture...une super technique d'immersion.
Une idée venue du Royaume-Uni
Créé en Angleterre dans les années 70, le woofing (mot francisé pour dire Wwoofing) s’est depuis développé dans le monde entier. Wwoofing signifie World Wide Opportunities on Organic Farms, littéralement: des opportunités mondiales dans des fermes biologiques.
Un mouvement qui a pignon sur net avec un site international et officiel www.wwoof.org.
Partager le quotidien d’une famille de fermiers de Nouvelle-Zélande tout en apprenant la culture biologique, voilà qui peut titiller notre esprit globetrotteur mais on peut aussi passer ces "vacances constructives" dans une exploitation en France.
Prêts, partez!
Sur le site internet wwoof.org (en anglais), on choisit sa destination. Il faut ensuite devenir membre de l'association locale en achetant le guide qui référence toutes les fermes biologiques acceptant des woofers. Il n'y a plus qu’à contacter les fermiers.
Attention, suivant les pays, il faut penser au visa, touristique ou autre, le mieux est de fouiller sur le net pour trouver des témoignages de "vacanciers travailleurs" déjà passés par là.
Des témoignages font part d'expériences difficiles, de fermiers qui "exploitent" les woofers. Là encore, le "bruit" du net peut être intéressant pour éviter les mauvais plans.
L'échange travail contre découverte passe aussi par d'autres sites internet pour d'autres approches pas forcément en agriculture biologique comme the7interchange.com ou voluntourism.org.
Qu'en disent les agriculteurs comme Edith Waton-Chabert?
"Nous avions besoin d’aide, on nous a parlé du woofing. Un grand mas où loger tout le monde, l’habitude de préparer de gros repas pour de nombreux convives et puis la curiosité..il n’en fallait pas plus.
Les inquiétudes
La première année nous avons eu quelques inquiétudes: notre activité hors saison (novembre-décembre) allait-elle tenter de jeunes postulants?, n'allions-nous pas hériter de tout ce que la planète compte de globetrotteurs crasseux, beatniks chevelus, hippies?
Le tri
Sur internet (il a fallu que je m’y mette…), j’ai reçu des dizaines de demandes de séjours et vite appris à déjouer les pièges des CV: trop parfait (20 ans et il a tout vu), bizarroïde (il veut bien aider deux heures par jour contre les repas mais être payé au "black" s'il travaille plus!), optimiste (cinq jeunes suédois pleins d’énergie. Avez-vous une piscine, une voiture, où est la mer, on souhaite faire la fête dans les villages tous les soirs…), démoralisant (mange pas de viande, allergique au poisson, déteste l’huile d’olive, craint le soleil, dos en compote, exige une baignoire…).
Malgré le tri, il y a eu en 5 ans quelques CAS! Des erreurs (et des horreurs), des malpolis, des indifférents, des colériques, des ramolos, des glandeurs, des accros aux écouteurs. Mais dans tous les cas, exit les traîne-savates et autres cracras redoutés.
Des rencontres EXTRAORDINAIRES
J'ai reçu des jeunes (de 18 ans) et moins jeunes (jusqu’à 65 ans) avec des vies et des cursus impressionnants.
Du prof d’histoire de l’art (anglo-italien) à la 4ème année de médecine (Islande), du biologiste (Seattle) au postulant agriculteur (Québec, installé depuis), du Fac de maths et philo (Arizona) à la praticienne de médecines douces (Autriche), de l’agricultrice en fruits exotiques (Costa Rica) à l’écrivain (Londres), de la violoniste country (Sacramento) à l’étudiante en journalisme (Texas), de la forestière (Hollande) à la paysagiste (Japon) et même une jeune et jolie blonde, liane aérienne et diaphane, diplômée de l’école de danse de l’opéra et qui se recyclait dans des concours et championnats (très sérieux !) de striptease !!! Il fait chaud à Anchorage… en Alaska.
Bref, que du beau monde. Des repas animés, des conversations passionnantes, des soirées délicieuses. Nous avons chanté dans les oliveraies (Yann, Allemagne, une voix de baryton, Günnar qui reprenait tous les tubes de Queen, toute ma jeunesse) et je leur ai appris « Dans la soupe à ma grand-mère » (j’aimais bien les pommes de terre, mais j’aimais pas les oignons) devenue année après année, une sorte d’hymne mille fois repris en chœur.
La "maman de France"
Ils m’ont installé un compte « Facebook » pour que nous restions en contact, et depuis, leurs messages égayent mes fins de journées harassantes. J’ai été leur confidente, leur confesseur, j’ai soigné des bobos aux mains et aux cœurs (parfois, des amourettes se dessinent avec les inconvénients, les minauderies, les séparations…).
J’ai donné de multiples cours de français: débutant pour certains (ça prend 3 semaines pour faire dire BÖNJYOURR à un coréen), humour, jeux de mots, étymologie pour d’autres plus calés (ah, expliquer la contrepèterie à un américain… au fait, ça s’appelle spooning chez eux!).
Je leur ai fait découvrir la gastronomie française, provençale, méditerranéenne : pot au feu, daube, ratatouille, barigoule, aïoli, couscous, moussaka. On m’a même demandé des escargots (New-Yorkais), et ils y ont tous goûté!
Ils m’ont surnommée "ma maman de France". Ils m’ont adoptée, choyée, et je les aime.
J’aime cette élite qu’ils vont devenir, suite à ces voyages, ces rencontres, ces expériences, mais surtout grâce à leur bienveillance, leur humilité, leur désir d’apprendre et leur universalité.
Alors MERCI à mes "pioupious", à tous mes enfants du bout du monde!"