Stéphane Gatignon, maire EELV de Sevran était l'invité de Samedi Politique. Il a publié le récit de sa grève de la faim du mois de novembre et s'interroge sur une nouvelle candidature pour rester maire.
Stéphane Gatignon six mois après.
"Je devais tourner la page"
En novembre, pendant six jours, il campait devant l'assemblée nationale, réclamant 5 millions d'euros à l'Etat pour mener à bien ses projets à Sevran. C'est le récit de cette grève de la faim qu'il nous livre dans "La bourse ou la ville" qui paraît cette semaine
"Ce n'est pas un livre apaisé. C'est un livre qui dit les choses. C'est un exutoire. C'était nécessaire pour moi, pour tourner la page de ce moment là qui est un moment très dur sur soi-même et y compris pour la vie familiale. L'écriture m'a permis de le faire. Un expérience comme celle là vous change automatiquement. C'est une rencontre avec soi-même. On se découvre. Je m'étais préparé mentalement à la faim. Par contre, je n' étais pas prêt à vivre dehors sous la tente. C'est cela qui a été le plus dur", confesse-t-il sur notre antenne.
Ce livre est-il aussi une façon de se justifier alors que cette grève de la faim a été critiquée par d'autres responsables politiques comme un chantage à l'émotion et de la politique spectacle ?
"Ce n'est pas tant cela. Si c'était à refaire, je recommencerais. Mon acte ce n'est pas un acte normal. C'est ce que j'essaye d'expliquer. L'idée c'est de dire que ça fait aussi partie de la crise démocratique que l'on connait. Q'un élu soit obligé d'aller jusque là alors qu'on en parle depuis dix ans de cette question. Quand je vois le débat qu'il y a eu au moment de ma grève de la faim à l'Assemblée et quand je vois que depuis il n'y a quasiment rien eu, là ça me met en colère contre la classe politique", répond le maire de Sevran.
La colère ou l'impuissance ?
Gatignon, un homme en colère. A l'exemple de la photo de couverture du livre, avec une grande dureté dans le visage, cette image lui colle à la peau et se retourne aujourd'hui contre lui alors que la ville de Sevran est à nouveau sous les feux de l'actualité en raison des conséquences des trafics de drogue sur la vie quotidienne des habitants.
"Je suis comme cela. C'est aussi la vérité", explique-t-il. Mais du coup, certains habitants lui reprochent de masquer, par des coups de gueules, son impuissance.
"Il a fallu, il y a deux ans, que je tape du point sur la table pour avoir des renforts de police qu'il y a eu. On devrait pas en arriver là. Il devrait y avoir une prise de conscience de la classe politique, qui devrait discuter avant toute chose de cela". Depuis les CRS sont repartis et la drogue, trafic comme consommation, ont augmenté à nouveau sur la ville. Les policiers sont à nouveau de retour. "On est dans la même situation que Marseille et depuis que les CRS patrouillent dans les quartiers nord, il y a beaucoup moins de problèmes ou du moins on en entend moins parler", commente Stéphane Gatignon qui propose de légaliser la vente du cannabis pour mettre fin à l'économie parallèle.
"On ramasse entre 350 et 500 seringues par mois. On a formé le personnel de la ville à ce ramassage. Mais, il y aura toujours des risques d'accident. C'est clair. Après, il faut assumer. Tu es élu, t'assumes", assène Stéphane Gatignon.
Le maire courage, découragé ?
Du coup, sera-t-il candidat aux municipales l'année prochaine pour un troisième mandat ? Aura-t-il toujours envie d'assumer ?
"Franchement je n'ai pas de réponse. Si je vous en donnais une aujourd'hui, je la regretterais peut-être dans les semaines qui viennent. Ce n'est pas certain. Faut y croire et il faut tous les matins avoir le jus pour y aller. La première émission télé que j'ai faite c'était chez vous en 2005. Quand je revois cette émission, je me dis que c'est quand même compliqué", juge l'élu de Sevran, laissant apercevoir un peu de lassitude et de désillusion par rapport à il y a huit ans.
Cette lassitude est-elle aussi liée au contexte politique, que certains décrivent comme proche de celui des années 30 ? L'historien de formation répond "que c'est un peu une tarte à la crème et qu'on n'est pas dans le même contexte historique".
"On est en pleine crise de civilisation.On rentre dans une civilisation très urbaine. Les gens vont vivre énormément dans les zones urbaines, ce qui crée de nouveaux rapports sociaux et démographiques. On a un problème au niveau de la classe politique pour appréhender et analyser cela. C'est là où il y a un rapport avec les années 30, car à cette époque, on a aussi eu du mal à donner des réponses et le populisme a monté", poursuit-il.
Stéphane Gatignon réclame un changement à la tête d'Europe-Ecologie. "Europe-Ecologie a un souci pour se faire entendre dans la société et doit retravailler sur un projet qui permette de se faire entendre" juge le conseiller régional d'Ile de France.
Mais, il n'ira pas manifester aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, comme Eva Joly, le 5 mai, alors qu'il réclame également des réformes institutionnelles. "La VI ème république de Mélenchon c'est quoi ? Ayons déjà un débat avant de manifester pour. Ses propos actuels sont extrêmement violents et sont en rupture. Son air du tous pourris est insupportable", juge Stéphane Gatignon qui a été nourri au lait de Pif Gadget et des colonies de vacances du PC mais qui a rompu avec le parti en 2009.