C'est une une note confidentielle de la Cour des comptes dévoilée par le Parisien. Elle pointe des irrégularités dans le financement de la Cité du Cinéma créée par Luc Besson et installée à Saint-Denis.
Selon le quotidien, les juges financiers affirment, dans cette "note d'alerte", que "le financement public de la Cité du cinéma, décidé par quelques hauts responsables publics (...) a été effectué pour permettre l'aboutissement du projet qu'une société privée portait pour son bénéfice, le caractère général du projet restant à démontrer".
La société EuropaCorp de Luc Besson, à l'origine du projet, est visée.La Cour des comptes insiste sur le "souhait de la présidence de la République", pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, de voir le projet "aboutir". "La proximité de M. Besson et de certains de ses collaborateurs avec les plus hautes autorités de l'Etat a pu favoriser une intervention concertée des acteurs publics", ajoute-t-elle, soulignant que le directeur général d'EuropaCorp Christophe Lambert avait "travaillé auprès de Nicolas Sarkozy pendant la campagne de 2007".
"Les conditions de montage et de financement de l'opération (...) sont susceptibles de caractériser le délit de détournement de fonds publics et de recel de ce délit", affirment les auteurs de cette note, selon le quotidien.
Le Parisien écrit que ce rapport de la Cour des comptes a été transmis "à la justice" et se trouve sur le bureau de la garde des Sceaux Christiane Taubira.
Aucune confirmation de l'existence de ce signalement n'a pu être obtenue samedi auprès des parquets de Bobigny et de Paris, compétent en matière de délit financier.
Interrogés par nos confrères de l'Agence France Presse ni la a Cour des Comptes, ni le ministère de la Justice, n'ont souhaité faire de commentaire.
Le groupe Europacorp, "surpris et indigné" par ces révélations
Europacorp, le groupe de Luc Besson a réagi dans un communiqué publié ce samedi après-midi. Le groupe s'est déclaré surpris et indigné des informations publiées dans la presse. "EuropaCorp n'a eu aucune connaissance d'un éventuel rapport de la Cour des comptes. Elle n'a d'ailleurs été interrogée par personne".
"Il est à rappeler Europacorp n'a bénéficié d'aucune aide financière publique d'aucune sorte pour sa réalisation", souligne le groupe.
Europacorp a rappelé que la Cité du cinéma, "a été financée par un partenariat public-privé (La Caisse des Dépôts et le Groupe Vinci) et c'est ce modèle de financement qui a permis sa réalisation - sans l'intervention financière de la Seine-Saint-Denis".
Enfin "EuropaCorp déplore que cette magnifique réalisation soit prise en otage pour des règlements de comptes politiques", selon le groupe "qui ne saurait tolérer que de telles mises en cause soient proférées sans qu'il y soit donné les réponses judiciaires appropriées".
Hollywood à la Française
Installée dans une ancienne centrale thermique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la Cité du cinéma avait été inaugurée en septembre 2012 en grandes pompes mais en l'absence remarquée de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, critiquée à l'époque pour avoir "séché" la réception.
Ses concepteurs affichaient l'ambition d'en faire un "Hollywood à la française", le complexe permettant la sortie en France de films de A à Z.
Autour d'une nef centrale, s'articulent toutes les autres structures : neuf plateaux de tournage (de 600 à 2.100 m2) à l'acoustique ultra-moderne, des ateliers de peinture, menuiserie, serrurerie, les locaux de École nationale supérieure Louis Lumière ainsi que l'école créée par Luc Besson qui accueille une soixantaine d'élèves, sans conditions de ressources ni de diplômes.
"Aurélie Filippetti avait été vivement critiquée l'an dernier pour ne pas être allée à l'inauguration, aujourd'hui l'histoire semble lui donner raison", selon
une source proche du dossier qui évoque "des soupçons pendant la campagne électorale d'intervention du cabinet de Sarkozy au plus haut niveau, du fait qu'il ait tordu le bras des services de la Caisse des dépôts et des consignations".
Le montage financier de la Cité du cinéma avait été bouclé en 2008 : 170 millions d'euros, dont 140 millions pour l'achat du foncier, détenu à 100% par la société Nef-Lumière (75% pour la Caisse des dépôts, 25% pour le groupe Vinci) et 30 millions pour la construction des plateaux de tournage via différentes société de Luc Besson (Front line, EuropaCorp, Euro Média group) et Quinta communications, le groupe du producteur de cinéma et homme d'affaires tunisien Tarak Ben Ammar.