La reprise du transporteur Mory Ducros a de nouveau du plomb dans l'aile, hypothéquée par un désaccord autour des critères de licenciement entre l'administrateur judiciaire et le repreneur Arcole, qui a encore menacé mercredi de jeter l'éponge.
Depuis l'annonce en novembre du dépôt de bilan du numéro deux français de la messagerie, l'un des plus importants depuis la faillite de Moulinex en 2001, le dossier a été marqué par une succession de rebondissements, négociations marathon à Bercy et toujours une épée de Damoclès : la liquidation totale.
Arcole Industries, l'actionnaire principal de Mory Ducros, a une nouvelle fois menacé mercredi, lors d'un comité d'entreprise (CE), de retirer son offre reprise.
Assorti d'un sévère plan social, celle-ci prévoit de conserver 50 agences sur 85 et 2.210 salariés sur plus de 5.000. Pour les salariés licenciés, 30 millions d'euros d'indemnités supra-légales ont été négociés. Validé le 6 février par le tribunal de commerce, il doit encore recevoir le feu vert de l'administration.
Or, l'administrateur judiciaire se refuse à transmettre en l'état à l'administration le plan social concocté par Arcole Industries.
"C'est maintenant un combat entre l'administrateur et André Lebrun (le président d'Arcole Industries). L'administrateur ne veut pas présenter son plan à l'administration (chargée de contrôler sa légalité) car il déroge trop au code du travail sur les critères de licenciement", a expliqué à l'AFP Denis Schirm (CFDT).
Selon Jérôme Vérité (CGT-Transports), l'administrateur ne veut pas prendre le risque de voir le plan d'Arcole invalidé ultérieurement par le tribunal administratif. Et le régime de garantie des salaires (AGS) "ne veut pas payer la note", a-t-il expliqué.
Reprise des négociations jeudi à partir de 10h00
De source syndicale, les indemnités pour les salariés qui obtiendraient l'annulation de leur licenciement pourraient atteindre 90 millions d'euros au total.
Les tractations entre l'administrateur, Arcole et l'AGS ont paralysé le CE. Dans l'attente d'une issue, la réunion a été suspendue vers 16H00 à la demande de l'administrateur et devait reprendre jeudi à 10H.
"Nous allons essayer de le convaincre, soit il comprend, il accepte et c'est un sauvetage, soit c'est la catastrophe", confiait à la fin de la réunion une source proche du dossier.
"Il faut espérer que Lebrun plie cette nuit, sinon on est 7.000 sur le tapis" (en comptant les effectifs de sous-traitants), résumait inquiet Jean-Pierre Bizon
(CFTC).
Les critères de "compétence professionnelle" qu'Arcole souhaite inclure pour choisir qui sera gardé ou pas fait l'objet de débats vifs depuis plusieurs semaines. Pour les syndicats, ils permettraient à M. Lebrun de "licencier qui il veut", à commencer par les ex-Ducros, dont les coûts salariaux sont plus élevés.
"C'est le délit de sale gueule qui guette. M. Lebrun veut avoir le droit de vie et de mort sur ses salariés", estime Martial Brancourt, délégué CGT de l'entreprise, fruit de la fusion fin 2012 de Mory Team et Ducros Express, toutes deux déjà en difficultés.
Pendant de longues semaines, Arcole a négocié ce point avec les syndicats en posant comme condition suspensive à son offre le fait d'obtenir un accord majoritaire, qui aurait l'avantage pour l'entreprise de sécuriser juridiquement et financièrement son plan.
Un accord a bien été arraché sous la pression à quatre syndicats (FO, CFTC, CFE-CGC et CFDT). Mais la signature de la CFDT, premier syndicat, n'est pas valide car le patron de la fédération CFDT-transports a signé à la place du délégué syndical central de l'entreprise, opposé aux mesures proposées.
De son côté, la CGT a confirmé mercredi son refus de signer, après avoir sondé ses adhérents sur une trentaine de sites. Lors de cette consultation, le non l'a emporté à "une très large majorité", selon M. Vérité.
"La porte de sortie maintenant, c'est de se remettre autour de la table pour renégocier le PSE (plan social). Il faut que l'actionnaire arrête son chantage et donne enfin des signes concrets de sa volonté de reprendre l'entreprise", estime le porte-parole de la fédération CGT.
Pour faire pression sur Arcole, entre 150 et 200 salariés, de source syndicale, ont manifesté à Melun (Seine-et-Marne) devant l'entreprise pharmaceutique Cooper, détenue par sa maison-mère Caravelle.