Lors d'un comité d'entreprise mercredi 26 février 2014, le repreneur a de nouveau menacé de retirer son offre. Depuis l'annonce de dépôt de bilan en novembre dernier, le dossier ne cesse de rebondir. Une nouvelle réunion est prévue ce jeudi 27 février pour éviter la liquidation totale.
La reprise du transporteur Mory Ducros a de nouveau du plomb dans l'aile, hypothéquée par un désaccord autour des critères de licenciement entre le repreneur Arcole et l'administrateur, qui espère présenter une issue positive aux salariés ce jeudi 27 février 2014. Depuis l'annonce en novembre du dépôt de bilan du numéro deux français de la messagerie, l'un des plus importants depuis la faillite de Moulinex en 2001, le dossier a été marqué par une succession de rebondissements, négociations marathon à Bercy et toujours une épée de Damoclès: la liquidation totale. Arcole Industries, l'actionnaire principal de Mory Ducros, a une nouvelle fois menacé mercredi, lors d'un comité d'entreprise (CE), de retirer son offre de reprise.
Assortie d'un sévère plan social, celle-ci prévoit de conserver 50 agences sur 85 et 2.210 salariés sur plus de 5.000. Pour les salariés licenciés, 30 millions d'euros d'indemnités supra-légales ont été négociés. Validé le 6 février par le tribunal de commerce, le projet doit encore recevoir le feu vert de l'administration. Mais l'administrateur, Philippe Blériot, refuse de le transmettre car "il déroge trop au code du travail sur les critères de licenciement", explique Denis Schirm (CFDT). "Il ne veut pas prendre le risque de voir le plan invalidé ultérieurement par le tribunal administratif", observe Jérôme Vérité (CGT-Transports). Si les licenciements sont reconnus nuls, le régime de garantie des salaires (AGS) "ne veut pas payer la note", ajoute-t-il. De source syndicale, la facture pourrait atteindre 90 millions d'euros. "C'est maintenant un combat entre l'administrateur et André Lebrun (le président d'Arcole)", affirme M. Schirm. Interrogé en marge d'une conférence de presse sur la filière ferroviaire, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, très engagé dans ce dossier, n'a pas dit autre chose: "c'est à eux de se mettre d'accord maintenant".
Les tractations entre l'administrateur, Arcole et l'AGS ont paralysé le CE. La réunion a été suspendue vers 16H00, mercredi 26 février, à la demande de l'administrateur et devait reprendre ce jeudi 27 février 2014 à 10H. "Nous allons essayer de le convaincre, soit il comprend, il accepte et c'est un sauvetage, soit c'est la catastrophe", confiait à la fin du CE une source proche du dossier. "Il faut espérer que Lebrun plie cette nuit, sinon on est 7.000 sur le tapis" (en comptant les effectifs de sous-traitants), résumait inquiet Jean-Pierre Bizon (CFTC).
Les critères de "compétence professionnelle" qu'Arcole souhaite inclure pour choisir qui sera gardé, ou pas, font l'objet de débats vifs depuis plusieurs semaines. Pour les syndicats, ils permettraient à M. Lebrun de "licencier qui il veut", à commencer par les ex-Ducros, dont les coûts salariaux sont plus élevés. "C'est le délit de sale gueule qui guette. M. Lebrun veut avoir le droit de vie et de mort sur ses salariés", estime Martial Brancourt, délégué CGT de l'entreprise, fruit de la fusion fin 2012 de Mory Team et Ducros Express, toutes deux déjà en difficultés.
Pendant de longues semaines, Arcole a négocié ce point avec les syndicats en posant comme condition suspensive à son offre le fait d'obtenir un accord majoritaire, ce qui aurait sécurisé juridiquement et financièrement son plan. Un accord a été arraché sous la pression à quatre syndicats (FO, CFTC, CFE-CGC et CFDT). Mais la signature de la CFDT, premier syndicat, n'est pas valide -le patron de la fédération CFDT-transports a signé à la place du délégué syndical central de l'entreprise, opposé aux mesures proposées-, et l'accord reste minoritaire.
La CGT a confirmé mercredi son refus de signer après avoir sondé ses adhérents sur une trentaine de sites, écartant toute possibilité d'accord majoritaire. "La porte de sortie maintenant, c'est de se remettre autour de la table pour renégocier le PSE (plan social). Il faut que l'actionnaire arrête son chantage et donne enfin des signes concrets de sa volonté de reprendre l'entreprise", estime M. Vérité, le porte-parole de la fédération CGT.
Pour faire pression sur Arcole, entre 150 et 200 salariés, de source syndicale, ont manifesté à Melun (Seine-et-Marne) devant l'entreprise pharmaceutique Cooper, détenue par sa maison-mère Caravelle.