Que retiendrai-je du Salon de l'agriculture ? La cohue ? les odeurs étourdissantes parfois jusqu'à l'écoeurement ? La démesure ? Non, un rendez-vous étonnamment humain pour ce qui ressemble à une gigantesque foire.
Drôle d'endroit que le Salon de l'agriculture. C'est un peu l'antithèse du monde paysan. On vit en vase clos, on ne voit pas la lumière du jour, Les animaux sont immobiles, coincés dans leurs périgrinations par des barrières même pas en bois. Le teint est blafard, pas très naturel, à force de néons et autres éclairages industriels. Et puis quand-même : vous en connaissez beaucoup, vous, des fermes coincées entre un périphérique, des immeubles, des commerces et des zones résidentielles?
Et pourtant, on s'attache. D'abord par nécessité. En nul autre endroit on voit autant de gens qui se tiennent par la main, vieux couple, mère et fille, frère et soeur, amis. Certes, c'est souvent pour ne pas se perdre, dans la foule. Mais l'image a quand même quelque chose de tendre, et surtout d'inhabituel.
On s'attache aussi dans les vapeurs de rhum, quand on vacille dans un nocturne parisien, ou dans des émois de jeunesse. Quand on travaille sans compter sur un stand, ça rapproche. Des couples se forment, et se cachent pour échanger quelques baisers.
Mais on s'attache surtout à un monde paysan. On a beau le connaître, le côtoyer, il nous surprend toujours par sa force et sa simplicité, qui ressortent plus encore dans des conditions si peu naturelles. Peut-être n'avez vous tenté l'expérience, visiteurs, et c'est bien dommage : il suffit de s'arrêter à côté d'un de ces professionnels, ou lycéens, d'échanger quelques mots simples, de poser une ou deux questions, pour enchaîner sur un échange passionnant.
Non, le paysan n'est pas avare de ses mots. Et il a plus à dire sur l'état de la nature, sur le monde économique, ou sur le contenu de vos assiettes, que nombre de spécialistes qui accaparent trop souvent l'espace médiatique. Pour autant, ils ne revendiquent pas de devenir vos héros, seulement d'être écoutés, et respectés. ils ne sont pas archaïques. Ils sont connectés au monde réel, font évoluer constamment leurs pratiques.
Alors attachez-vous encore un peu plus à ces voisins ruraux. Ils ont beaucoup à vous apprendre, à vous offrir. Ils ont fait le premier pas, en venant en ville, au salon, souvent avec grande fidélité, chaque année. Venez à eux, à votre tour. La campagne y est sans doute plus verte que dans votre municipalité ;)