A "Sarcelles-en-Chaldée", prière et mobilisation pour les chrétiens d'Irak

Il y a la "peur" pour les proches restés dans la région. Et puis la "frustration", face à l'inertie de la communauté internationale. A Sarcelles, principale ville chaldéenne de France, les chrétiens d'Orient s'inquiètent pour leurs "frères d'Irak", aujourd'hui menacés par les jihadistes.

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"Les nouvelles sont mauvaises", "il n'y a pas de sécurité": dans le salon des époux Dayet, orné de napperons et de figures de la Vierge, ils sont une demi-douzaine à s'être réunis autour d'une tasse de thé, de tranches de fromage et de gâteaux aux noix, pour échanger les informations recueillies sur le terrain.

"Depuis l'arrivée des jihadistes, on est sous le choc", confie Raad Sako, lunettes rectangulaires, chemise à rayures et moustache poivre et sel. "Les chrétiens sont pris pour cible, ils sont pourchassés".

Originaire de Mossoul, cet Assyro-Chaldéen de 51 ans, bagagiste à l'aéroport de Roissy, a quitté l'Irak après la première guerre du Golfe -- "voilà près de 20 ans" -- pour s'installer dans le Val-d'Oise. Ce qui ne l'empêche pas d'appeler régulièrement ses tantes et sa cousine restées sur les rives du Tigre.

Depuis la chute de Mossoul, tombée le 10 juin aux mains de l'Etat islamique (EI), "elles ont quitté la ville", raconte M. Sako. En cause: un ultimatum leur ordonnant de se convertir à l'islam, de payer un impôt ou bien de fuir. "Elles se sont réfugiées dans un village chrétien. Mais on craint pour leur vie", glisse le quinquagénaire.

Les mains jointes sur la table du salon, Antoni Yalap, coordinateur du comité de soutien aux chrétiens d'Irak (CSCI), acquiesce lentement. "C'est une épuration ethnique et religieuse. Tout le monde ici est très inquiet", estime ce traducteur de 35 ans, fortement investi dans la vie de la communauté chaldéenne.

Ces catholiques de rite oriental, arrivés en France par vagues successives à partir du milieu des années 1970 depuis le sud-est de la Turquie ou bien l'Irak, sont aujourd'hui 20.000 en France. Dont environ 8.000 dans la seule ville de Sarcelles, ville populaire de banlieue parisienne, où vit également une forte communauté juive d'Afrique du nord.

La messe en araméen, langue de Jésus

"La diaspora chaldéenne est très bien intégrée et très soudée", assure Stefen Salam-Kyriakos, informaticien de 29 ans originaire de Bagdad. "A Sarcelles, tout le monde se sent solidaire des chrétiens d'Irak. La peur qu'ils ressentent, on la ressent aussi", ajoute le jeune homme.

Ciment de cette communauté: l'église Saint-Thomas Apôtre, plus grande paroisse chaldéenne d'Europe, où les membres de la diaspora se pressent pour écouter la messe dite en araméen, la langue de Jésus. L'occasion de "se recueillir" et de "prier pour la paix", explique le père Sabri Anar, qui dénonce une situation d'"urgence humanitaire".

La disparition des chrétiens d'Irak? Face aux coupoles byzantines de l'église, d'où s'échappent des chants aux sonorités orientales et des odeurs d'encens, beaucoup disent la redouter. "Les islamistes massacrent notre patrimoine. Leur but, c'est de ne laisser aucune trace de notre présence", soupire Antoni Yalap.

"On nous dit qu'il faut quitter l'Irak. Mais l'Irak, c'est notre patrie", rappelle de son côté Daniel Auguste, 41 ans, qui dit ressentir une certaine "frustration" face à "l'inaction de la communauté internationale". "Il y a des paroles, mais ça n'est pas suffisant. L'ONU pourrait envoyer des casques bleus".

Avant l'invasion américaine de 2003, plus d'un million de chrétiens vivaient en Irak, dont plus de 600.000 à Bagdad. Mais en raison des violences meurtrières qui ont secoué le pays depuis 10 ans, ils ne sont aujourd'hui pas plus de 400.000 sur l'ensemble du territoire. Une délégation de plusieurs écclésiastiques français s'était rendue la semaine dernière en Irak pour rencontrer les communautés chrétiennes affectées par les violences.

Les bras croisés à la sortie de l'église, Raad Sako confie son amertume. "L'Irak, c'est notre terre ancestrale. Si les derniers chrétiens d'Irak s'en vont, c'est
le peuple chaldéen qui disparaîtra".

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