Pas question d'être juste un nouveau "bad boy" de service dans le rap français. Lacrim, avec ses textes crus et ses sons lourds, perpétue certes une imagerie violente à base d'armes, d'argent et de prison, mais l'ex-détenu laisse aussi percer ses "regrets" dans un premier album attendu lundi.
Dans ces quinze titres, qui doivent lui permettre de tourner la page prison, "tout est vrai", dit Karim Zenoud, soit le vrai nom de ce rappeur de 29 ans, dont la voix posée en interview tranche avec celle qui gronde dans cet album publié par le prestigieux label hip-hop Def Jam. "Vrais", ces armes et cet argent omniprésents dans les textes et qui furent son quotidien d'adolescent délinquant, explique le jeune homme originaire de Chevilly-Larue (Val-de-Marne). "Vrai" aussi, ces séjours en prison pour des vols à main armée, "plus de cinq ans en tout".
S'il est sorti en février, avec bracelet électronique et horaires imposés jusqu'en juin, le rappeur, désormais installé à Marseille, explique être encore sous contrôle judiciaire "jusqu'en mars 2015". C'est depuis cette sortie de prison que l'intéressé a écrit et enregistré l'album. "J'ai beaucoup écrit en prison, mais c'était une sorte d'entraînement pour ne pas perdre la main. Je n'ai finalement écrit qu'un seul titre en prison", souligne-t-il.
Avec ce passé, Lacrim bénéficie d'une "grosse street credibility", cette fameuse "crédibilité" tirée de la rue, propre au monde du rap, explique le spécialiste Olivier Cachin. Pour autant, "nous ne sommes plus à l'époque où un CV prison suffit pour faire un album, aujourd'hui il faut autre chose", ajoute le journaliste, histoire de dire que Lacrim a aussi une plume.
A l'encontre du 'cliché'
Loi du genre "hardcore", le rappeur perpétue une imagerie violente, entre armes, drogues et filles, par exemple avec son premier single "Mon Glock te mettra à genoux". Adopté par les radios spécialisées, le titre a peu de chances de tourner en boucle sur les ondes généralistes même si son auteur n'y voit qu'un "morceau rigolo" avec "un peu de folklore"...
Lacrim se défend de "glorifier" les armes et affiche sa distanciation. Peut-être pour éviter d'être pris pour un nouveau "bad boy" du rap français, marqué ces derniers mois par la rivalité entre Booba et Rohff. La rivalité a pris en avril une tournure dramatique avec l'agression d'un vendeur distribuant les vêtements de la marque de Booba pour laquelle Rohff a été mis en examen.
Dans le titre "Oz", racontant son expérience de détenu, le rappeur estime ainsi aller à l'encontre du "cliché" de la chanson de prison. "J'ai fait un morceau grave émotionnel sur ce que j'ai ressenti. Quand ta mère vient au parloir, qu'elle pleure, c'est dur. Je voulais expliquer tout ça", dit-il, estimant que "la prison, c'est la plus grosse perte de temps que j'ai connue".
"Vrais", ses "regrets" le sont donc tout autant dans cet album, assure-t-il. "Ma propre analyse, je n'ai pas besoin de la musique pour la faire. Je sais très bienque ce que j'ai fait avant était très con. J'ai fait beaucoup d'argent, mais l'argent ne construit pas une vie." Mais ne lui parlez pas pour autant de rédemption: "Je reste un être humain, je ne dis pas que demain je ne puisse pas retomber dans quelque chose, mais aujourd'hui j'aime ce que je fais."