Depuis le 24 septembre dernier et l'arrivée de dealers et toxicomanes dans leur quartier, les riverains et commerçants manifestent de leur ras-le-bol tous les mercredis. Ils se sont rassemblés pour la première fois un samedi pour augmenter la pression sur les élus et exiger du gouvernement des solutions de long terme.
"Rien ne change... rien !", plein de colère, Mohamed Bader détaille les revendications de son collectif Anti-crack 93, créé en septembre dernier suite au déplacement de plusieurs dizaines de dealers et de consommateurs de crack (cocaïne), du jardin d'Éole (18e) vers la porte de la Villette (19e). Ceux-ci occupent donc à présent un square proche de la place Auguste Baron, à proximité des villes de Pantin et d'Aubervilliers. Il s'agit de leur énième déplacement, après avoir été évacués de la Porte de la Chapelle à Stalingrad, puis de Stalingrad au jardin d'Éole.
A 14h aujourd'hui au métro Quatre Chemin (Pantin), Mohammed avait rejoint quelques dizaines de riverains et d'autres mécontents pour faire part de son ras-le-bol. Il demande des solutions de long termes, pour les consommateurs de crack comme pour les habitants.
Sentiment d'insécurité
C'est "un secteur sans riverain", avait pourtant précisé le préfet de police de Paris Didier Lallement. Ce lieu d’évacuation avait été proposé à Anne Hidalgo début juillet lorsqu’elle avait décidé d’interdire le Jardin d’Eole aux toxicos, une proposition qu’avait alors rejetée la maire de Paris. Le préfet avait donc agit, « à la demande du ministre de l’Intérieur ».
Aujourd'hui à la Porte de la Villette, Mohammed et ses camarades du collectif pointent du doigt les agressions et intimidations constantes des toxicos et des dealers envers les habitants. "Même les gens qui passent simplement en voiture ne sont pas tranquilles". Ce collectif a interpellé les élus qu'ils estiment enclins à l'immobilisme. "Pécresse est venue ici, Hidalgo à Éole, on a écrit à Darmanin aussi, et été reçus à la région. Mais rien ne change... rien !".
"Nous n’avons aucune capacité à absorber ces nouveaux problèmes"
Alors qu'un tunnel du quartier des Quatre Chemins a même été muré en urgence pour empêcher les toxicomanes de l’emprunter, les associations interpellent les pouvoirs publics : "Arrêtez de déplacer les problèmes. Nous n'avons pas la capacité de les absorber ici. Il faut trouver des endroits dignes pour que ces personnes puissent suivre des traitements".
De son côté, Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis "n’accepte pas la méthode choisie qui consiste à simplement déplacer le problème aux portes du département. Aubervilliers et Pantin connaissent déjà un grand nombre de difficultés qui requièrent toute la mobilisation des autorités publiques."
La demande d'un véritable parcours de soins
"La réponse doit être double, à la fois envers ces gens malades, les toxicomanes, et envers les habitants qui veulent vivre paisiblement", affirme Mounir Mahjoubi, député de la 16e circonscription de Paris (19e arrondissement). "Il faut une action coordonnée pour ouvrir des lieux dédiés au suivi psychologique et social de ces personnes, et en terminer ainsi avec les scènes ouvertes que l'on connaît". Une position partagée par le député insoumis Bastien Lachaud, même s'il déplore que "la majorité ne fait rien, justement celle à laquelle appartient M.Mahjoubi".
En septembre dernier, le maire PS de Pantin, Bertrand Kern soulignait la "méconnaissance totale" du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin concernant la "géographie parisienne". "Cet endroit est un des quartiers les plus pauvres de France. Par cette décision, le ministre de l’Intérieur piétine les élus locaux".
La maire UDI d'Aubervilliers Karine Franclet et le maire socialiste de Pantin Bertrand Kern ont quant à eux déposé un recours d'urgence contre cette installation à quelques mètres de leur ville respective. Un recours que le tribunal administratif de Paris a rejeté fin octobre.