Un projet controversé de traitement par filtration de l'eau conduit par le Sedif, le syndicat des eaux de France d'Ile-de-France, va se "poursuivre". Le syndicat estime qu'"aucune recommandation n'impacte le projet" à l'issue d'un débat public de trois mois consacré au sujet.
Le SEDIF, le syndicat des eaux d'Ile-de-France, qui rassemble 133 communes autour de Paris, souhaite installer une nouvelle technique de traitement dans ses trois principales usines d'eau potable, qui alimentent plus de quatre millions d'usagers. Cette technologie de filtration par membranes "haute performance" à 870 millions d'euros qui équipera les usines de Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise, vise une eau "pure" (en réduisant la présence de micropolluants), "sans chlore" et "sans calcaire".
Pour le Sedif, "aucune recommandation (du débat public, NDLR) n'impacte le projet membranaire : le cahier des charges de la consultation prenait déjà en compte les problématiques posées en matière de traitements des rejets, avec des justifications détaillées à apporter quant au niveau des rejets". Lors d'une réunion jeudi de son comité, présidé depuis 1983 par André Santini, la poursuite du projet a été votée à main levée à une très large majorité, avec trois voix contre et quatre abstentions sur 85 votants, a constaté l'AFP.
Rare voix discordante, Séverine Delbosq, élue de l'Ile-Saint-Denis en Seine-saint-Denis, a déclaré que "les réponses aux préconisations de la CNDP (commission nationale du débat public, NDLR) restent dans le registre d'une écologie de façade". L'élue a souhaité davantage d'efforts en amont pour préserver l'eau des pollutions.
Quel impact environnemental ?
Lors du débat public obligatoire, la question de "l'impact environnemental global" de ce projet avait été soulevée, ces usines devant prélever 15% d'eau supplémentaire, consommer bien plus d'électricité (avec un raccordement au réseau à haute tension), accroître la facture des consommateurs, et rejeter dans les eaux de surface un "concentrat" issu de la filtration fort en micropolluants et matières organiques. Le Sedif indique que dans l'ensemble du cycle, le rejet du concentrat n'ajoute pas de substances polluantes aux eaux de surface.
Affirmant sa volonté de "traiter ces concentrats", il reconnaît cependant qu'à ce jour, "aucune solution technique, à un coût supportable, n'a été trouvée". Une trentaine de militants d'Extinction Rébellion ont manifesté jeudi aux abords de l'usine de Choisy-le-Roi, où se réunissait le comité, pour dénoncer la "menace" à leurs yeux de ces "polluants rejetés dans la Seine en aval du système" et le caractère énergivore de cette technologie.
Un marché de 4,3 milliards d'euros en plein renouvellement
Le marché des eaux d'Ile-de-France, d'un montant colossal de 4,3 milliards d'euros sur 12 ans, est en plein renouvellement de concession. Depuis le printemps, il est cependant perturbé par un problème informatique, qui a fait atterrir chez Veolia des documents confidentiels destinés au concurrent Suez. En attendant de déterminer l'origine du couac, le Sedif a décidé de relancer la procédure de l'appel d’offres, une décision contestée devant la justice administrative par Suez.
Jeudi, le Sedif a rappelé son intention de maintenir le calendrier initialement prévu, avec la désignation d'un lauréat au cours du premier semestre 2024, "ce qui aura lieu sauf si une situation imprévue venait à apparaître", a déclaré Jean-Louis Sciacaluga, en charge de l'appel d'offres.