Professions de foi, bulletins de vote, affiches… Alors que des "dysfonctionnements" autour de la distribution des documents électoraux suscitent la polémique, comment la "propagande électorale" est-elle gérée ?
La forte abstention observée au premier tour des élections régionales et départementales s’explique-t-elle (en partie) par un manque de communication autour de l'événement ? Lors de l’annonce des résultats dimanche, Jordan Bardella a déploré un scrutin "qui n'était pas forcément lisible" selon lui. La tête de liste du RN pour les régionales en Île-de-France a ainsi accusé le gouvernement d’avoir mal communiqué, pointant du doigt des problèmes dans l’accès aux professions de foi et aux bulletins de vote.
Quelques jours avant le premier tour, plusieurs élus et responsables politiques avaient déjà fait part de critiques similaires. C’est notamment le cas du député de Seine-et-Marne et président du groupe LR à l'Assemblée nationale Christian Jacob, qui avait déploré des "professions de foi non distribuées", des "bulletins de vote manquants" et des "graves dysfonctionnements" dans "de très nombreux départements".
À la veille du scrutin, dans de très nombreux départements, professions de foi non distribuées, bulletins de vote manquants...ces graves dysfonctionnements menacent la bonne organisation démocratique. Alerté depuis plusieurs semaines, le @gouvernementFR ne semble pas avoir réagi. pic.twitter.com/L18R2RcXrg
— Christian JACOB (@ChJacob77) June 19, 2021
Les critiques visant le gouvernement sont également venues de la gauche. Alors que le premier secrétaire du PS Olivier Faure a appelé à "assurer la distribution de second tour dans des conditions parfaites comme dans toute démocratie digne de ce nom", LFI a aussi de son côté pointé des difficultés liées entre autres aux distributions mais aussi aux affichages. Raquel Garrido, candidate LFI en Seine-Saint-Denis pour les départementales, a même laissé entendre que l’abstention était "organisée".
L’abstention est organisée. https://t.co/WnNc10ZY8A
— Raquel Garrido (@RaquelGarridoFr) June 14, 2021
Dans un communiqué commun, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et Régions de France ont par ailleurs déploré des dysfonctionnements dans la distribution des documents officiels de propagande électorale dans "de nombreuses communes". Le communiqué évoque même un risque de "défaillance du service public national des élections", qui ne pourrait "qu’alimenter l’abstention", en parallèle d'une campagne compliquée en raison du contexte de crise sanitaire.
La distribution des enveloppes électorales : un processus en partie privatisé
Derrière ces accusations, c’est surtout une société privée, Adrexo, qui est ciblée. La distribution des enveloppes jusqu'aux boîtes aux lettres des électeurs, qui reposait par le passé uniquement sur les préfectures et La Poste, a en effet été en partie privatisée. A noter toutefois que le marché remporté par Adrexo ne concerne pas l’Île-de-France, mais d’autres régions.
Face à la polémique, Gérald Darmanin a en tout cas réagi lundi en expliquant avoir convoqué Adrexo et La Poste au ministère de l’Intérieur "à la suite des dysfonctionnements inacceptables". "Je leur ai rappelé l’obligation de résultats qui les liait et demandé de garantir que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas dimanche prochain. Tous les enseignements des erreurs commises seront tirés au lendemain du second tour de ces élections", a annoncé le ministre sur Twitter.
Je leur ai rappelé l’obligation de résultats qui les liait et demandé de garantir que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas dimanche prochain.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) June 21, 2021
Tous les enseignements des erreurs commises seront tirés au lendemain du second tour de ces élections. https://t.co/WbKQ0oYtHd
La semaine dernière au Sénat, Gérald Darmanin avait déjà accusé Adrexo d’avoir "particulièrement mal distribué une partie de la propagande électorale". Dans un communiqué, la société a de son côté reconnu "des perturbations en mai" dans la "gestion opérationnelle" de sa mission, en expliquant avoir été alors "victime" d’une "cyberattaque". Elle a toutefois affirmé avoir résolu l’incident depuis, tout en assurant avoir "stabilisé ses systèmes d’information" pour le second tour.
Dans quelques communes, la propagande électorale a été mal distribuée par la société Adrexo.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) June 16, 2021
Nous condamnons ces dysfonctionnements et le gouvernement s’en excuse auprès des candidats concernés.
A ma demande, la société Adrexo sera convoquée dans les jours prochains. pic.twitter.com/4RwGMHE1Ug
Mais au-delà des polémiques, comment sont organisés ces aspects du scrutin ? Si l’acheminement des enveloppes est déléguée à des prestataires, ce sont les préfectures via des "commissions de propagande" qui, en amont, sont chargées d’adresser aux électeurs dans chaque circonscription "une circulaire et un bulletin de vote de chaque candidat, binôme de candidats ou liste".
Trois types de "propagande électorale": les professions de foi, les bulletins de vote et les affiches
Pour faire valider les professions de foi et les bulletins de vote, les candidats doivent soumettre les documents aux commissions de propagande, composées notamment de membres de la préfecture, à l’occasion de "réunions consultatives". Les commissions ont ainsi pour mission de contrôler la conformité des documents.
Les bulletins de vote doivent en effet respecter une série de caractéristiques (avec, par exemple pour ces régionales, "un grammage compris entre 70 g et 80 g" pour le papier, comme l’explique la préfecture de la région Île-de-France). A noter que les bulletins peuvent aussi - à condition de respecter les formats demandés - être mis à disposition sur internet pour que les électeurs les impriment eux-mêmes.
Les professions de foi (aussi appelées circulaires électorales) sont également soumises à plusieurs règles formelles. L’'utilisation de l'emblème national et la juxtaposition des trois couleurs bleu, blanc et rouge sont par exemple interdites sur les circulaires, afin d’éviter toute confusion.
Les circulaires et les bulletins de vote doivent ensuite être déposés avant une date limite chez les "routeurs". Ces derniers sont chargés de mettre les documents dans les enveloppes. Place ensuite aux distributeurs, dont le rôle se limite à déposer les plis aux adresses des électeurs.
Troisième type de "propagande" défini par le code électoral : les affiches. Dans le cadre des départementales et des régionales cette année, les communes devaient installer à côté de chaque lieu de vote des panneaux électoraux avec des dimensions réglementées, dès l’ouverture de la campagne officielle le 31 mai dernier. Ces panneaux métalliques ont pour but de permettre aux candidats d’y coller leurs affiches. Un emplacement est réservé à chaque candidat, et le nombre d'affiches apposées n’est pas limité. Quant à l'attribution de ces panneaux, un tirage au sort est effectué en préfecture.
Si l’impression des documents électoraux est à la charge des candidats, un remboursement par l’Etat des frais d’impression et d'affichage est prévu, à la condition d'obtenir au moins 5% des suffrages exprimés à l’un des deux tours de scrutin.