La SNCF dénonce le scénario proposé par les experts judiciaires pour expliquer la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne). Elle parle d'incohérences et de carences de raisonnement. La SNCF réclame de nouvelles analyses.
"Le scénario des experts judiciaires fait apparaître un certain nombre d'incohérences et de carences dans leur raisonnement", affirme l'avocat de la SNCF, Me Emmanuel Marsigny, dans des observations envoyées le 29 février aux juges d'instruction. (Il y a eu de nombreux rapports dans cette affaire, qui n'ont pas tous la même valeur dans la procédure d'enquête sur le déraillement du Paris-Limoges. Le rapport dont il est question ici, est celui qui sert de référence principale, celui qui a été diligenté à l'initiative des juges d'instruction. L'essentiel de ses conclusions a été rendu public début juillet 2014. NDLR)
Dans ses grandes lignes, le rapport établissait le scénario suivant : un défaut de maintenance sur un assemblage vétuste de la voie ferrée, qui aurait cédé au passage du train, provoquant son déraillement. Ainsi, à l'origine A l'origine de l'accident, qui avait fait sept morts et des dizaines de blessés le 12 juillet 2013 à Brétigny-sur-Orge, le désassemblage progressif d'un aiguillage de pièces complexe de la voie ferrée, qui n'avait "pas fait l'objet de mesures de surveillance et de remise en l'état adaptées", selon les auteurs de l'expertise contestée. Une éclisse, sorte de grosse agrafe sur cet aiguillage, sur laquelle une fissure avait été détectée en 2008 et dont trois des quatre boulons s'étaient cassés ou dévissés, avait alors pivoté, provoquant l'accident.
Et les experts concluaient donc qu"Une surveillance efficace aurait sans doute permis d'éviter la catastrophe".
Une réponse point par point, très technique
Dans son courrier à la justice, la SNCF met d'abord en cause "la qualité" du rapport, évoquant "des raisonnements incomplets", "des erreurs" ainsi qu'"un scénario" qui "ne repose que sur des hypothèses inexactes et des explications inabouties ou contestables".Aux experts, qui évoquent "une danse importante" des rails, c'est-à-dire l'affaissement des voies au passage d'un train, qui aurait contribué à abîmer l'assemblage incriminé, la SNCF répond, documents à l'appui, qu'il n'y en "avait pas".
A propos du désassemblage successif des boulons, que les ingénieurs mandatés par les juges tentent de dater avec précision, la SNCF affirme que leurs résultats sont "incohérents" et même "contraires aux lois physiques". Selon elle, ce "désassemblage ne s'explique pas".
Enfin vient la question de la fissure découverte en 2008. Selon les experts, elle se serait progressivement agrandie au fil des ans, à cause d'un défaut de maintenance. L'entreprise ferroviaire avance pour sa part une autre hypothèse, celle d'une "fissuration rapide".
Elle évoque à l'appui une visite de suivi du 30 août 2012: la fissure en question avait alors été mesurée, mais n'avait que légèrement évolué en quatre ans. Cela laisse penser, selon la SNCF, qu'elle "a évolué ensuite très rapidement pour conduire à la rupture" quelques mois plus tard.
Pour étayer sa thèse, la compagnie réclame aux juges un nouveau complément d'expertise. Objectif: déterminer si des anomalies métallurgiques peuvent être détectées sur certaines pièces mises en cause, ce qui expliquerait leur détérioration rapide.
"Le déraillement du 12 juillet 2013, qui reste inexpliqué, est un événement inédit, imprévisible et exceptionnel", affirme l'entreprise dans sa lettre.