Le bureau du Sénat a levé mercredi sans surprise l'immunité de l'avionneur et sénateur français Serge Dassault, demandée par la justice dans le cadre d'une enquête sur des achats présumés de voix dans la ville de Corbeil-Essonnes.
Les 14 membres de gauche du bureau du Sénat ont voté à main levée pour la levée de l'immunité de l'industriel également propriétaire du Figaro, les autres "refusant de participer au vote", a précisé le président socialiste du Sénat, Jean-Pierre Bel. Le bureau est composé de 26 membres, dont Jean-Pierre Bel, 14 de gauche et 12 de droite. Deux membres de droite du bureau, dont 'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, étaient absents.
Serge Dassault avait pris les devants en demandant lui-même lundi cette levée, retirant ainsi tout suspense à la réunion. "Je demande la levée de mon immunité parlementaire", avait annoncé l'industriel et propriétaire du Figaro, expliquant vouloir ainsi démontrer par cette démarche exceptionnelle qu'il n'avait "rien à (se) reprocher. Je pourrai de ce fait avoir accès à la procédure et me défendre contre ces accusations. Je pourrai démontrer ma totale innocence de ces soi-disant achats de votes, accusations inventées de toutes pièces par certains de mes adversaires politiques".
La levée de l'immunité permettra aux magistrats du pôle financier de Paris, Serge Tournaire et Guillaume Daïeff, de placer le sénateur de 88 ans en garde à vue dans le cadre d'une affaire d'achats présumés de voix à Corbeil-Essonnes (Essonne).
Les réactions
Pour Bruno Piriou, opposant historique du sénateur et candidat soutenu par le PCF aux municipales à Corbeil-Essonnes, "c'est une victoire pour la démocratie, Serge Dassault a cru pouvoir jouer avec les Corbeil-Essonnois, avec la toute puissance de son argent, comme un marionnettiste qui tirait des fica-t-il déclaré à l'AFP.
"C'est là un pas de plus vers la vérité, et une nouvelle victoire de la justice de ce pays contre ceux qui pensent que l'argent peut tout acheter", a affirmé de son côté Carlos Da Silva, candidat PS à Corbeil-Essonnes.
"Nous tenons à assurer notre collègue et ami Serge Dassault de toute notre confiance et de notre profond attachement. C'est un homme qui contribue au rayonnement industriel de la France dans le monde entier", ont indiqué pour leur part les sénateurs UMP.
Les faits
Dans cette instruction ouverte depuis mars pour achat de votes, corruption, blanchiment et abus de biens sociaux, les magistrats s'intéressent aux élections municipales organisées en 2008, 2009 et 2010 à Corbeil-Essonnes, remportées par M. Dassault, puis par son bras droit, Jean-Pierre Bechter. Les juges s'intéressent aussi à d'importants mouvements de fonds depuis le Liban vers la France. En annulant le scrutin de 2008, le Conseil d'Etat avait tenu pour "établis" des dons d'argent aux électeurs, sans se prononcer sur leur ampleur et bien que des témoins se soient rétractés. Mi-septembre, les avocats de M. Dassault avaient estimé que leur client était "l'objet, depuis plusieurs années, de demandes pressantes de remise d'argent par divers individus qui avaient été informés de sa générosité". Il lui est arrivé "d'accorder un soutien financier, mais toujours en dehors de toute démarche électorale", avaient-ils affirmé.
Le 8 janvier, un précédent vote concernant l'immunité de M. Dassault avait déclenché un tollé, lorsqu'il avait manqué deux voix de gauche - anonymes - pour lever l'immunité de l'avionneur et propriétaire du Figaro.