Retards, annulations, manque de conducteurs… Depuis la mise en service de la ligne T12 - exploitée par une filiale de Keolis - en décembre dernier, les usagers font face à de fortes difficultés au quotidien. Les élus de gauche pointent du doigt les conséquences de la privatisation des transports franciliens.
Pourquoi l’offre proposée aujourd’hui sur le T12, censée bénéficier à 40 000 voyageurs quotidiens en Essonne selon Île-de-France Mobilités (IDFM), suscite-t-elle autant de critiques ? "Sur l’ensemble de la ligne : trafic perturbé", trams supprimés, larges retards… Depuis le lancement de la ligne il y a plus d’un mois, les usagers rencontrent des problèmes quotidiens.
"C’est marqué 39 minutes de retard, donc on ne sait pas à quelle heure il va arriver", s’inquiète ainsi une voyageuse rencontrée ce vendredi matin. "Le soir après 20h, il faut attendre 30 minutes, et les samedis et dimanches c’est pareil", déplore un autre.
Même constat sur les réseaux sociaux. Sur X, de nombreux usagers témoignent de délais interminables,
Journée banal pour l'horrible T12 pic.twitter.com/K0rCx7ENsN
— Sayyid Paha 🇰🇲🇰🇪🇹🇿 (@ComoroShafi) January 19, 2024
A noter que le T12, qui dessert 16 stations entre Évry-Courcouronnes et Massy - Palaiseau, remplace notamment la ligne C du RER entre Petit Vaux et Massy-Palaiseau.
Il manquerait entre 25 et 30 conducteurs
Principal point noir : le manque de personnel. L’entreprise Transkeo, une filiale de Keolis qui exploite la ligne, explique qu’elle n’arrive pas à recruter. Antonicinho Untemba (CGT), conducteur de tram et secrétaire du CSE T12-T13, pointe du doigt des changements de planning intempestifs et des problèmes de sous-effectifs. De quoi pousser les agents à démissionner.
"Les conséquences, c’est plus de tours, plus de fatigue, moins de pauses et un travail beaucoup plus difficile. Il y a plus de charges, et les usagers sont mécontents", décrit le conducteur, qui évoque également des difficultés pour allier vie professionnelle d’un côté, et vie privée et familiale de l’autre.
Selon Transkeo, 30 conducteurs assurent aujourd'hui le service sur le T12, alors qu’il en faudrait 55 pour réaliser le service prévu dans le contrat avec IDFM, l’autorité organisatrice des transports franciliens. Avec, pour effet, la suppression de plusieurs dizaines de trains tous les jours.
Selon la CGT, il faudrait même 60 conducteurs sur la ligne pour assurer le service.
"Cette privatisation des transports nuit gravement à la qualité de service"
Philippe Rio (PCF), le maire de Grigny, attendait beaucoup de ce tram. Mais il déplore les conséquences de la mise en concurrence : "Cette privatisation des transports nuit gravement à la qualité de service. On est en grande couronne, et on se dit qu’on est en train d’être le test de la privatisation à grande échelle des transports."
"Comme si dans ce pays, on n’avait pas compris que la privatisation des biens communs comme l’énergie était la plus grosse bêtise. On fait la même chose pour les transports, de manière rampante et accélérée", ajoute l’édile.
Fabien Guillaud-Bataille (PCF), conseiller régional et administrateur d’IDFM, pointe également du doigt un manque d’anticipation : "Ce souci-là, on l’a déjà vécu avec le T9 à Porte de Choisy, avec Keolis. Apparemment, on n’apprend pas de ces expériences. On le vit également à chaque fois qu’il y a une mise en concurrence d’un lot de bus."
D’après l’élu, "le système de privatisation des transports franciliens mis en place par Valérie Pécresse doit être interrogé". "On cherche à faire des économies et à privatiser, soi-disant pour donner la main à IDFM, qui en fait la perd. Car à chaque fois, ce sont des entreprises dédiées - par ligne, par lot de bus par exemple - qui sont créées, et qui ne s’occupent que de leur sillon. Et on se retrouve avec les mêmes dysfonctionnements : à chaque fois, il faut recruter, reformer… Et on déconnecte les transports les uns des autres", déclare-t-il.
"Les entreprises cassent la masse salariale, et n’arrivent pas à recruter. Et à la fin, à chaque privatisation, les usagers trinquent", déplore Fabien Guillaud-Bataille. Face à la galère vécue aujourd’hui par les usagers, Transkeo promet de son côté un tram toutes les 10 minutes, mais pas avant le printemps prochain.
Avec Mathilde Laban, Anaëlle Blanchard et Pierre-Julien Quiers.