Ninon Forget a perdu la vue suite à un coup de sabot au visage, il y a deux ans. Cette passionnée d'équitation depuis l'enfance vise aujourd'hui une qualification aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Une histoire de résilience à l'occasion de la Journée Paralympique organisée ce samedi à Paris.
"Résilience". Si la vie de Ninon Forget faisait l'objet d'un film, voilà le titre qui pourrait lui être donné. Cette cavalière de toujours a perdu la vue il y a deux ans suite à un accident alors qu'elle s'occupait de son cheval. Loin de la décourager, ce drame ne représente qu'un contretemps dans l'itinéraire de celle qui se rêve aujourd'hui en athlète paralympique.
A l'occasion de la Journée Paralympique qui a lieu ce samedi à Paris, France 3 Paris Île-de-France vous propose le portrait de cette jeune championne qui nourrit de grands espoirs pour Paris 2024.
"L'équitation, c'est toute ma vie"
Le 14 juin 2020, la vie de Ninon Forget a basculé. Alors que la jeune essonnienne s'occupe d'un de ses chevaux, celui-ci rue et lui donne un coup de sabot au visage. La cavalière perd la vue instantanément et souffre de plusieurs fractures. "Lorsque je suis allée voir les médecins, la question de l'équitation s'est posée rapidement, car ce sport, c'est toute ma vie", explique-t-elle.
Pour Ninon, l'équitation commence à l'âge de 4 ans sur des poneys. Lorsqu'elle entre en CM1, elle démarre les concours d'obstacles et intègre peu après, le circuit amateur. "Je savais que c'était ma passion alors je suis entrée en sport-études équitation en seconde". Elle est admise à l'École Diagonale de Paris. Son emploi du temps au lycée est alors partagé entre les cours et la pratique de son sport favori. Peu avant son accident, elle atteint le niveau amateur élite. Nul ne fut donc surpris, lorsqu'à peine trois mois après son accident, elle décide de se remettre en selle. "Les médecins n'y voyaient pas d'inconvénients, mes proches étaient assez inquiets, mais savaient que c'était ma passion, donc ils m'ont soutenue".
"J'ai dû reprendre mes repères"
Remonter à cheval est pour elle, l'occasion de retrouver le milieu qu'elle côtoie depuis son plus jeune âge. "Cela m'avait manquée. Le fait de m'occuper des chevaux, d'être proche d'eux. C'était une première étape importante". A cheval, il lui faut déjà retrouver des repères. "J'ai dû appréhender cette nouvelle donnée", constate-t-elle. Une adaptation compliquée dans un premier temps. "J'étais frustrée de ne pas être aussi indépendante qu'avant", raconte la cavalière. Une fois la frustration dépassée, il s'agit pour elle de trouver une nouvelle façon de monter.
Son objectif : refaire du saut d'obstacles. Elle va y parvenir en apprenant à se fier à son ressenti et à son cheval. "J'ai compris que je pouvais compenser ce que j'avais perdu, parce que mon cheval comprenait lui aussi que quelque chose avait changé." À force de travail et d'abnégation, elle finit par sauter à nouveau et retrouve rapidement des sensations malgré une expérience sensorielle différente. "Au début, c'était très perturbant de ne pas voir l'obstacle puis j'ai appris à me fier à mon oreille pour anticiper les sauts et les tournants."
"J'ai découvert que l'équitation pouvait être un sport d'équipe"
Si Ninon a dû s'adapter pour trouver de nouveaux automatismes à cheval, une période d'ajustement a également été nécessaire pour l'ensemble de son club. Toute une équipe s'est organisée autour d'elle pour l'accompagner dans ce réapprentissage. Notamment Laetitia, sa crieuse.
Laetitia Dano est devenue du jour au lendemain une des crieuses qui accompagne la cavalière. "Notre boulot est de prévenir Ninon lorsqu'elle s'approche d'un obstacle par un "la" et quand elle entame un virage complexe, nous crions "hi" ", raconte celle qui est aide-soignante de nuit dans la vie de tous les jours. Avec l'arrivée de Ninon au Haras de la Forêt à Seine-Port en Seine-et-Marne, il y a un an, Laetitia Dano a appris une facette de l'équitation qu'elle ne connaissait pas auparavant. "J'apprends ce travail avec ce qu'elle me dit, ce qu'elle me dévoile de ses ressentis à cheval", souligne-t-elle.
Ninon Forget découvre alors que l'équitation est un sport d'équipe. "Notre sport est collectif parce que nous collaborons avec le cheval, mais depuis l'accident nous sommes devenus une équipe, chacun a un rôle et lorsqu'on gagne, on gagne tous ensemble, cela apporte un regard nouveau sur notre sport."
En concours, tout le centre équestre est mis à contribution. "On s'organise via un groupe de discussions et ceux qui peuvent être là, viennent. Si nous n'avons pas un crieur par obstacle, on sait qu'il va falloir courir. C'est du sport pour nous tous !", sourit Laetitia Dano.
Des admirateurs au plus haut niveau de la discipline
Comme dans tous les sports d'équipe, il y a un coach. C'est Virginie Isquierdo, monitrice au centre équestre qui assume ce rôle. "C'est elle qui m'accompagne sur l'ensemble du parcours, et qui me conseille pendant les entraînements. Son travail est complémentaire de celui des crieurs", explique la jeune femme de 19 ans. Son parcours, empreint de résilience, suscite l'admiration de sa coach, "Elle n'a jamais abandonné malgré les épreuves qu'elle a subies", raconte-t-elle.
Pour Virginie Isquierdo, le fait que Ninon Forget ait perdu la vue, n'a rien changé aux méthodes d'entraînement. "Pendant un temps, on utilisait de la musique pour qu'elle se repère dans le manège, mais elle a une telle facilité à retrouver ses repères qu'elle n'en a plus besoin", note-t-elle admirative, a-t-elle point qu'elle peine à lui trouver des défauts. "Peut-être qu'elle est trop perfectionniste, et que cela la paralyse parfois", concède la monitrice. Au sujet des ambitions sportives de sa protégée, elle ne doute pas : "Ninon est capable de tout, elle a l'ambition, et le talent pour réussir à haut niveau."
Des admirateurs, Ninon en a également au plus haut niveau de sa discipline. Depuis plusieurs années, Roger-Yves Bost, un des meilleurs cavaliers mondiaux, conseille la jeune fille. "Son parcours est exemplaire, je l'ai connue avant son accident et déjà elle donnait l'impression de se sentir à l'aise sur le cheval en toutes circonstances", se souvient le médaillé d'or aux JO de Rio en 2016. Il imagine d'ailleurs lui aussi un avenir fait de médailles et de titres pour celle-ci. "Elle peut aller loin. Paris 2024 est l'un de ses objectifs et elle peut y décrocher une médaille. La qualité de son équitation est très bonne", affirme-t-il. Depuis l'accident, le quinquagénaire continue de distiller sa science de la discipline à Ninon. "C'est important pour moi de transmettre aux plus jeunes, et lorsqu'il s'agit de quelqu'un d'aussi résilient, cela a d'autant plus de sens", conclut-il.
"Participer à Paris 2024 serait un rêve"
Pour l'avenir, l'étudiante en philosophie à l'université Catholique de Paris vise haut. Son rêve, participer aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. "Ce serait génial et une sorte de consécration de tout le travail accompli depuis plusieurs années", raconte-t-elle.
Le saut d'obstacles n'étant pas proposé au programme paralympique, la jeune femme s'entraîne depuis quelque temps au para-dressage, seule discipline proposée. "J'ai commencé cette année. L'apprentissage demande des adaptations, mais on fait des progrès", souligne l'ambitieuse essonnienne. Elle espère pouvoir rapidement participer à des compétitions officielles et pouvoir prétendre à une qualification paralympique.