La cour d'assises des mineurs de Paris a condamné en appel cinq accusés à des peines allant de 6 à 18 ans de réclusion et en a acquitté huit autres. Ils étaient jugés pour l'agression violente de policiers à Viry-Châtillon (Essonne) en 2016. Une bagarre générale a éclaté à l'issue du verdict.
Après 14 heures de délibération et six semaines d'audience à huis clos, les cinq condamnés ont été reconnus coupables de tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique.
Trois d'entre eux ont été condamnés à 18 ans de prison, un à 8 ans de prison, et le dernier à 6 ans. Ils encouraient la réclusion criminelle à perpétuité. Les huit autres accusés ont été acquittés.
La lecture du verdict a été interrompue par une bagarre générale dans le box des accusés, qui a nécessité l'intervention d'une trentaine de policiers et gendarmes. Les heurts se sont ensuite étendus dans la salle d'audience, où étaient présentes les familles des accusés. Le calme est revenu au bout d'une dizaine de minutes.
"Nous venons d'assister à un naufrage judiciaire (...) alors que l'on sait qu'il y avait 16 assaillants, on se retrouve avec cinq condamnations", a dénoncé Me Thibault de Montbrial, avocat de l'une des victimes, "effondrée", selon lui, par ce verdict en appel. "C'est un naufrage car au moment du verdict, le naturel a repris le dessus, une bagarre générale a éclaté, des accusés se sont pris à partie", a-t-il ajouté, expliquant n'avoir "jamais vu ça en 25 ans de cour d'assises".
Agression très violente
Les 13 jeunes, âgés de 16 à 21 ans au moment des faits, étaient accusés d'avoir fait partie de la vingtaine de personnes encagoulées qui, le 8 octobre 2016, avaient pris d'assaut en pleine journée deux voitures de police stationnées à proximité du quartier de la Grande Borne.
Selon l'enquête, les accusés, membres d'une bande dans cette vaste cité d'habitat social considérée comme l'une des plus sensibles d'Île-de-France, avaient planifié quelques jours auparavant de "niquer des keufs". En quelques secondes, ils avaient brisé les vitres et jeté des cocktails Molotov dans les habitacles.
Dans une première voiture, un adjoint de sécurité de 28 ans et une gardienne de la paix de 39 ans avaient pris feu. Le pronostic vital de l'adjoint avait été un temps engagé et il avait été plongé dans le coma pendant plusieurs semaines. Plus de quatre ans après les faits, il porte encore les marques de l'agression sur son visage.
Sa collègue avait été touchée par des pierres une fois sortie de la voiture transformée en torche, alors qu'elle avait le haut du corps en flammes. "J'ai des enfants, aidez-moi", l'avait entendu dire un de ses agresseurs présumés, qui avait confié plus tard à une amie que ça lui avait fait "un pincement au cœur".
Deux autres agents avaient été blessés plus légèrement.
"Il y a de la colère, beaucoup de déception"
Ce verdict "est incompréhensible et laisse les victimes et de nombreux policiers très amers et en colère", a réagi le syndicat Unité SGP Police, partie civile. "Il y a de la colère, beaucoup de déception. Avec les mêmes preuves, on se retrouve avec moins de coupables et des peines moins lourdes qu'en première instance", a poursuivi Grégory Joron, secrétaire général du syndicat policier.
Le syndicat a appelé à des rassemblements mardi à 12h30 devant le palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité, ainsi que devant tous les tribunaux judiciaires de métropole et d'outremer. La ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé qu'il recevrait "personnellement la semaine prochaine" les policiers blessés.
"Ces policiers qui étaient dans les voitures, on leur crache à la figure après les avoir brûlés une première fois", a quant à lui dénoncé Me Laurent-Franck Lienard, avocat de deux des policiers.
Au contraire des parties civiles, l'une des avocates de la défense, Sarah Mauger-Poliak, a salué "un soulagement pour la défense", et un "démenti total de l'enquête". "C'est la fin du cauchemar judiciaire pour mon client", déjà acquitté en première instance, a pour sa part déclaré Me Arnaud Simonard.
Cinq acquittements au premier procès
Au premier procès, huit jeunes avaient été reconnus coupables et condamnés à des peines allant de 10 à 20 ans de prison. Cinq autres avaient été acquittés.
Le parquet général de Paris avait fait appel du verdict alors que les avocats des parties civiles avaient dénoncé des peines "qui ne tiraient pas les conclusions" de la "gravité du crime" commis.
La cour n'a pas suivi les réquisitions de l'avocat général qui avait demandé mardi un acquittement et des peines de 12 à 25 ans de réclusion criminelle pour les 12 autres accusés, âgés aujourd'hui de 21 à 26 ans.