Avec l’arrêt des matchs, les conséquences économiques risquent d’être "catastrophiques" pour les clubs et leurs partenaires, d’après les experts. Mais les situations varient entre le PSG et des formations avec de plus faibles budgets comme le Paris FC et le Red Star.

Si du côté sportif, l’arrêt des championnats professionnels a entraîné de nombreuses tensions avant de fixer les classements finaux, du côté économique, les conséquences de l’épidémie de coronavirus risquent de plonger les clubs dans l’incertitude pour longtemps, notamment parmi les formations franciliennes. Alors que la ministre des Sports Roxana Maracineanu avait indiqué que la Ligue 1, la Ligue 2 et le National ne pourraient reprendre à huis clos qu'à partir d'août, suite aux annonces du Premier ministre Edouard Philippe mardi à l'Assemblée nationale, la fin de la saison de football mène de nombreux partenaires à douter. Quitte à parfois remettre en cause les contrats.

Les sponsors n’ont pas envie de payer, parce qu’aucune communication n’est possible

Sans match et donc sans visibilité, que ce soit sur les maillots ou les écrans publicitaires des stades, "les sponsors n’ont pas envie de payer quand ils font le calcul, parce qu’aucune communication n’est possible", explique Grégoire Akcelrod, intermédiaire et spécialiste du sponsoring sportif. "Ils peuvent activer la clause de cas de force majeure quand le championnat s’arrête, poursuit cet ancien joueur. Après tout dépend des contrats et du paiement. Si les versements sont faits en deux fois, au début et au milieu de la saison, alors le sponsor ne peut rien faire, l’argent est déjà été touché."

Des finances plus ou moins touchées par le sponsoring

16 % du budget total des clubs de Ligue 1 proviennent en moyenne du sponsoring, selon un rapport de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) publié en mars, qui concerne 2018-2019. Mais les situations varient fortement entre les clubs, d’après Grégoire Akcelrod : "Le sponsoring représente près de 40 % des recettes pour un club comme le PSG, et autour de 10 % pour un club comme Bordeaux. Tout dépend des deals signés." Du côté des Girondins, le sponsor maillot Bistro Régent a d’ailleurs été le premier début avril à décider de suspendre provisoirement son contrat, par manque de visibilité.A Paris, le groupe hôtelier Accor, principal sponsor du club avec un contrat d’environ 50 millions d’euros par an, a laissé un temps planer le doute avant de confirmer que la totalité des versements prévus cette saison serait honorée. "Pour le PSG, suspendre ces sommes aurait été symboliquement trop fort, analyse Grégoire Akcelrod. Paris est un club avec une portée internationale, Accor est aussi un groupe de taille mondiale… Vu le buzz négatif que provoque ce genre de décision dans les médias, l’impact aurait été trop important en termes d’image, et ce n’est pas bon pour la relation entre le sponsor et le club pour la suite. Pour moi, ils ont fait le meilleur choix, il fallait mieux payer. Pour les Girondins, ça se joue plus de manière locale sur le marché français, donc ça peut se justifier."

60 % des entreprises sponsors de clubs sportifs pourraient dire stop l'an prochain

Si le PSG peut sembler avoir des moyens financiers illimités, les clubs avec de plus petits budgets risquent de se retrouver à terme en danger, en prenant en compte les autres postes de recettes. "Pour ce qui est de formations comme le Paris FC ou le Red Star, ces clubs vivent beaucoup plus sur la billetterie, donc c’est encore plus concernant, prévoit le spécialiste du sponsoring sportif. D’autant plus si on joue à huis clos pendant des mois et des mois, ça risque de durer un bon moment."

Pour le Red Star et le Paris FC, avec Vinci, c’est bien plus grave

Un avis partagé par Pierre Rondeau, expert en économie du sport et du football, et professeur en école de commerce à la Sports Management School : "Accor a laissé entendre que le partenariat avec le PSG se poursuivrait à l’avenir, parce Paris est une marque reconnue mondialement. Pour le Red Star et le Paris FC, avec Vinci, c’est bien plus grave. Les contrats risquent d’être renégociés à la baisse avec la crise actuelle." Le spécialiste cite d’ailleurs une étude publiée début avril par l'Union sport et cycle sur le sponsoring, menée sur plus de 900 sociétés. Selon ce rapport, 60 % des entreprises qui soutiennent des clubs sportifs indiquent "qu’elles ne seront probablement pas en capacité à maintenir ce soutien à la rentrée" et 27 % "continueront mais déclarent vouloir diminuer leur soutien".

Le risque d'un "effet domino"

Quant au droits télévisés, qui représentent en moyenne près de la moitié des recettes pour les clubs français, soit la principale source de revenus, un accord entre les formations de Ligue 1 et les diffuseurs avec un versement partiel de 37 millions d'euros a été annoncé vendredi dernier. Canal+ et beIN Sports avaient refusé au début du mois de régler environ 150 millions d'euros à la Ligue de football professionnel (LFP), en raison de l'interruption. Pour baisser leurs charges, les clubs, qui pourraient tenter de revendre des joueurs, devraient faire face à un mercato bien plus morne qu’en temps normal. "Il y aura très peu de gros transferts cet été, annonce Grégoire Akcelrod. Et il risque d’y avoir un effet domino. Les joueurs vont devoir aussi accepter des baisses de salaire, parce que personne ne pourra maintenir ces niveaux sans match ni revenus. D’autant que les banques ne veulent plus prêter aux clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, avec un déficit annuel cumulé de 150 millions d’euros au 30 juin dernier. Marseille, c’est 90 millions d’euros de déficit. La dynamique est ultra négative pour le foot français ces dernières années. Le PSG a la chance de pouvoir compter sur un riche propriétaire… Pour les autres, les conséquences peuvent être catastrophiques, avec le risque du dépôt de bilan."

L'occasion de repenser le modèle du foot français ?

"L’épidémie provoque une crise globale qui touche tous les secteurs d’activité et de de la société, avec le confinement", explique Pierre Rondeau, qui rappelle que le sport pèse 38,1 milliards d'euros d’après les chiffres de 2018, soit 1,8 % du PIB, avec près de 450 000 emplois directs et indirects concernés. Le spécialiste souligne ainsi les retombées économiques et sociales que la situation pourraient engendrer, notamment au niveau amateur : "Pour le sponsoring local, si les commerces risquent une faillite, ils vont privilégier leurs salariés plutôt que la communication. Des petits clubs locaux pourraient disparaître. Quid, également, du remboursement des licences ? Sans trésorerie ni rentrées financières, c’est extrêmement inquiétant pour tout un écosystème autour du football, avec des effets pervers possibles sur plusieurs années."

Le sport est essentiel et doit être soutenu. Mais il faut des contreparties.

D’après Pierre Rondeau, la situation pourrait toutefois être "l’occasion de changer de paradigme et de mentalité après cette crise". "L’Etat doit être présent pour aider tous les secteurs quoiqu’il en coûte, même si la dette publique va exploser, alerte l'expert en économie du sport. Y compris les clubs de foot, avec des aides, des prêts garantis… Le sport est essentiel et doit être soutenu. Mais il faut des contreparties. Au niveau professionnel, face à l’inflation au niveau des droits télé, des salaires et des montants des transferts, on doit lancer des réflexions pour faire évoluer le système. On va devoir travailler pour imaginer un sport plus durable et pérenne pour faire face à des crises futures, à l’échelle européenne aussi. Ça peut être une opportunité."
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