Abandon du musée-mémorial du terrorisme : "un véritable mépris pour les victimes" dénoncent les associations

Un grand musée national du terrorisme, qui rendrait également hommage à la mémoire de toutes les victimes françaises, devait être inauguré en 2027 à Suresnes. Mais le gouvernement a décidé d'abandonner ce projet, en réflexion depuis cinq ans. Un choix budgetaire inaudible pour les associations.

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Annoncé officiellement en 2018 par Emmanuel Macron, le Musée-mémorial du terrorisme (MMT) ne verra finalement pas le jour comme prévu. Ce projet mémoriel et éducatif à la portée nationale, pensé comme une réponse aux attentats djihadistes de 2015-2016, devait se concrétiser en 2027 en investissant un bâtiment historique à Suresnes (Hauts-de-Seine), près du Mont-Valérien. Malgré une collection de près de 2000 objets, un programme pédagogique ambitieux et des partenariats internationaux qui promettaient de donner naissance au tout premier grand musée national sur le terrorisme, le gouvernement y a mis un coup d'arrêt, ce week-end. Les associations de victimes sont partagées entre choc, colère, et déception.

"C'est une double déception"

"C'est du mépris pour les victimes du terrorisme, et en plein procès Paty, à quelques jours de la commémoration de l'attentat de Strasbourg et à un mois des dix ans de l'attentat de janvier 2015, ce message est incompréhensible", réagit Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris, association créée après les attentats du 13 novembre. Beaucoup de victimes ont appris dans la presse l'abandon de ce projet, sans discussion préalable, officiellement pour des raisons budgétaires. "C'est une double déception", poursuit Arthur Dénouveaux. "Sur le fond, déjà, parce que ce musée mémorial avait un sens, mais surtout sur la méthode."

Ce dernier déplore en effet l'inaction et l'absence de commentaire d'Emmanuel Macron, qui a pourtant fait référence à ce musée dans chacun de ces discours annuels de commémoration du terrorisme. "On a créé une attente chez nous, et non seulement on nous abandonne, mais on se fait 'ghoster' comme des adolescents. En tant que victimes du terrorisme, on entend toujours de belles promesses, on nous dit qu'on ne nous oubliera pas, mais on choisit pourtant de nous oublier et de ne pas répondre." Son association redoute d'autres renoncements, notamment sur l'allocation d'aide aux victimes. "Les promesses étatiques ne valent plus grand-chose", se résigne-t-il. 

Un lieu de mémoire, mais surtout d'éducation, qui ne verra pas le jour

Ce musée-mémorial prévoyait l'inscription exhaustive des noms de toutes les victimes françaises du terrorisme, mortes sur le territoire national et à l'étranger. Une collection de très nombreux objets liés à des attentats devait y être exposée, que ce soit le panneau de la brasserie "À la bonne heure" criblé de balles le soir du 13 novembre 2015, ou des morceaux de la carcasse du vol UTA 772, victime d'un attentat à la bombe en 1989 au-dessus du désert du Ténéré, au Niger, et faisant 170 morts, dont 54 Français. C'est Guillaume Denoix de Saint Marc, fondateur de l’Association française des victimes du terrorisme (AfVT) et fils de l'une des victimes, qui en a fait don au MMT. Pour lui, ce musée avait une véritable chance de participer à la lutte pour l'abolition du terrorisme.

"Ma première réaction, c'est surtout de la colère. Ce musée a surtout une visée éducative, de prévention de la radicalisation, et ça tombe à l'eau. Au-delà du côté mémorial, il n'est pas destiné aux victimes, mais avant tout au grand public, aux jeunes", grâce à des partenariats avec les écoles, explique-t-il. Le musée aurait permis de se détourner de l'aspect anxiogène et parfois misérabiliste du sujet pour mettre en perspective ce phénomène qui touche particulièrement la France depuis le début des années 70. 

"Ce lieu, c'était l'occasion d'avoir une véritable réflexion sur l'extrémisme violent de tout bord, que ce soit d'extrême droite ou djihadiste. Cela fait des années que l'on réfléchit sur la manière d'atteindre les jeunes, de les immuniser contre un potentiel recrutement. Pour moi, cela passe par un travail de mémoire, pour montrer ce qu'est le terrorisme, qui impose ses opinions par la force, et ce que deviennent les victimes, qui se reconstruisent, et n'entretiennent ni d'esprit de revanche, ni de haine. C'est ainsi que l'on pourra défendre des valeurs démocratiques, comme l'empathie ou le libre arbitre", poursuit Guillaume Denoix de Saint Marc.

Un dernier espoir

Ce renoncement n'est pas totalement une surprise : les travaux, qui devaient commencer en mai dernier, n'ont jamais réellement débuté. Le chaos politique qui a suivi a tout retardé, et le gouvernement nommé à l'automne, soucieux de faire des économies, a pointé du doigt le coût du projet de 95 millions d'euros. Ce budget est notamment dû à la réhabilitation du bâtiment choisi, daté de 1935 et classé monument historique, actuellement en décrépitude. Il s'agit de L’École de Plein Air, qui a longtemps accueilli des enfants tuberculeux qui y étudiaient et s'y soignaient.

"À aucun moment on nous a demandé de réfléchir à une option qui permettrait de faire entrer le projet dans un cadre budgétaire amoindri, ou diminué : il y a eu bien eu une volonté politique d'arrêter ce projet", a réagi l'historien Henri Rousso, qui copilote la mission du MMT avec la magistrate Élisabeth Pelsez. La rénovation du monument architectural devra de toute façon être prise en charge par les autorités publiques. "C'est donc un faux prétexte", estiment les associations de victimes, qui espèrent qu'une municipalité courageuse se proposera pour porter ce projet ailleurs, en lieu et à la place de l'État. 

Si rien ne bouge, le musée du terrorisme restera "hors les murs" et pourrait bien proposer uniquement des expositions temporaires. Le mémorial national aux victimes du terrorisme, lui, reste en suspens. En attendant, un jardin dédié cette fois à la mémoire des victimes du 13 novembre 2015 devrait être inauguré en novembre 2025, juste derrière l'Hôtel de Ville de Paris. 

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