La nuit au quartier Pablo Picasso à Nanterre a été agitée après la mort de Nahel, tué par un policier. Fathia Abdouni et les autres membres de l'association "les Mamans de Pablo" sillonnent à la cité à la rencontre des jeunes pour apaiser les tensions.
"Je connais sa grand-mère, je l'ai vu grandir, c'est un drame", Fatiha Abdouni est sous le choc. La mort du jeune Nahel, 17 ans, la laisse dans un état de sidération. Fatiha Abdouni fait partie des membres fondatrices des "Mamans des Pablo". Une association qui se compose de mères de famille de la cité Pablo Picasso à Nanterre.
Depuis 8 ans, cette centaine de mamans se relaie pour accompagner les autres mères du quartier dans des démarches administratives ou des visites dans les établissements scolaires pour leurs enfants. "On est solidaires les unes des autres, car on sait que parfois la vie au sein de la cité n'est pas facile."
Ce mercredi matin, après une nuit de tensions, Fathia et les autres "Mamans de Pablo" sont venues à la rencontre des jeunes du quartier. "Ils viennent nous voir en quête de réponses et se demandent pourquoi la police agit de la sorte", explique-t-elle. Objectif : éviter à tout prix que le dialogue avec les jeunes ne se rompe en ce moment de crise. Elle ont mis en place des espaces de dialogue avec les ados de la cité.
"Cela fait partie de notre rôle. Beaucoup d'entre eux sont en colère et se sentent délaissés par les pouvoirs publics. On crée un espace d'expression dans lequel ils se sentent libres et peuvent nous parler de leurs craintes", estime Fatiha. Elles souhaitent "encourager les jeunes à ne pas traîner dans la cité afin de s'insérer dans la société." Cet accompagnement passe notamment par une aide à l'élaboration de dossiers Pôle emploi ou de demandes de logements sociaux", précise-t-elle.
"Un manque de dialogue"
Depuis ce mardi, elle parle d'ailleurs de ses propres craintes quant à un potentiel embrasement de la situation. "Ce qui est arrivé hier est d'une violence inouïe. Il faut que la justice soit rendue pour permettre à la famille d'avoir des réponses." Depuis la mort du jeune homme, elle note que de nombreuses personnes "sont venues nous voir très en colère. Elles en voulaient beaucoup à la police." Depuis plusieurs années, son association demande davantage de dialogue entre la police et les jeunes habitants du quartier.
"C'est essentiel pour que les choses avancent. Il faut comprendre qu'il y a des torts de chaque côté et que chacun a sa part de responsabilité", déplore-t-elle. Elle se dit très inquiète pour les jours à venir si des évènements comme ceux de mardi soir devaient se répéter.
"Bien sûr nous travaillons chaque jour pour éviter des débordements de la sorte mais lorsque c'est aussi soudain, c'est difficile à arrêter et à prévoir. On a parfois le sentiment que notre travail est vain", explique celle qui tente de raisonner les adolescents du quartier depuis ce mercredi matin. Elle avoue parfois se sentir "impuissante" dans sa mission.
"Il faut trouver une solution"
Au sujet des débordements de la nuit dernière à Nanterre et dans d'autres villes des Hauts-de-Seine, elle regrette qu'entre les policiers et les jeunes "la seule arme qui est utilisée, c'est la violence", soulignant cependant que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé la présence de 2 000 policiers à Nanterre. Elle y oppose l'importance de "la parole pour trouver des solutions pérennes." Selon elle, la violence observée des deux côtés vient du fait "qu'on accumule des choses sans en parler".
Celle-ci appelle la mairie et le commissariat à monter "des projets afin de renouer le dialogue". Pour les prochains jours, elle craint que le même scénario ne se répète si rien n'est fait.
Jeudi, les mères des Pablo participeront à la marche blanche organisée en hommage à Nahel.