Clamart, Meudon, Rosny-sous-Bois... La liste des villes sous couvre-feu s'allonge. Dernière en date : Châtillon, dans les Hauts-de-Seine. La maire impose une interdiction partielle de l'espace public pour les mineurs. Est-ce légal ?
Seine-et-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis ou encore Val-de-Marne. Dans ces départements, plusieurs villes ont adopté des couvre-feux. Pour ces communes, il s'agit d'une réponse aux dégradations et aux émeutes commises depuis mardi soir.
Le matin même, un policier de la brigade routière a tiré et tué Nahel, 17 ans. Dans la nuit, des commerces et des bâtiments publics ont été pillés. Des voitures et des moyens de transport saccagés. Les forces de l'ordre ont dû faire à des émeutiers.
Ces couvre-feux temporaires et édictés par les maires sont-ils légaux ? On vous explique.
Une mesure encadrée par la loi
Pour la maire (Parti socialiste) de Châtilon, Nadège Azzaz, aucun doute n'est permis. "Les arrêtés de mise en place des couvre-feux sont légaux, car ils sont adoptés en lien avec les services de l'Etat. Ils sont soumis au contrôle de légalité : le cas échéant, s'il y a un problème, le préfet nous aurait alertés. La mesure est en place pour faire face à un cas exceptionnel et sur une durée limitée", justifie l'élue. Cette décision, qu'elle confie "ne pas prendre de gaieté de cœur" pour "pouvoir donner un cadre légal aux polices municipales pour pouvoir relever les identités des mineurs non accompagnés des responsables légaux", est en effet réglementée par la loi. Elle est régie par l'article L2212-1 du Code général des Collectivités Territoriales. Un article relatif au "bon ordre" et aux pouvoirs qui sont confiés aux maires.
Pour l'élue municipale, le fait que les maires doivent prendre cette décision lui pose tout de même problème : "Il faut qu'il puisse y avoir des réponses proportionnelles et adoptées. Qu'on ne laisse pas les maires tout seuls, même si nous sommes accompagnés par les services de l'Etat avec un cadre légal." Nadège Azzaz ajoute : "Nous souhaiterions pouvoir avoir une réglementation harmonisée au niveau national, pour que les maires n'aient pas un fonctionnement différencié. Si on ne le fait pas, il n'y a pas de cadre de restriction pour les mineurs, ceux du moins qui sèment le chaos et qui sont identifiés. Il faut pouvoir restreindre la circulation de ces groupes à ces heures-là. Je me pose aussi la question de la responsabilité des parents : pourquoi un enfant de 15 ans n'est pas en train de dormir à ces heures-là ?"
Restrictions en connaissance de cause
Cette mesure limitée dans le temps est adoptée à Châtillon, comme dans d'autres villes, à cause d'exactions. La commune est actuellement l'objet de "violences urbaines, casse et pillages", depuis "deux à trois jours". D'après la maire de la commune : "Il y a des tirs de mortiers. Un restaurant McDonalds a été endommagé deux fois, au mortier et à coups de barre. Mais ce sont essentiellement des vitrines de magasins endommagées. Il y a aussi des poubelles brûlées. On demande aux habitants de rentrer les poubelles, et quand cela n'est pas fait, nous ramassons toutes les poubelles qui traînent. Il n'y a plus de bacs à ordures, mais la situation le justifie, surtout quand on a averti au préalable." Des faits pour lesquels elle précise avoir engagé "systématiquement des poursuites pénales". Les enquêtes sont en cours.
Elles sont commises par "des petits groupes mobiles d'une ville à autre", et pour beaucoup, "pas issus de la ville". La maire (Parti socialiste) précise les contours de ce couvre-feu : "Il est en place chaque soir, de 22 heures à 6 heures du matin, et court jusqu'au mercredi 5 juillet au matin. Il est reconductible si besoin. Cette mesure concerne exclusivement les mineurs non accompagnés de leurs responsables légaux", détaille l'élue municipale. "Le but pour nous est de contenir les événements violents que nous connaissons actuellement, et d'éviter leur contagion. Dans le sud des Hauts-de-Seine, les villes sont très imbriquées les unes aux autres. Il faut limiter la circulation de ces groupes de mineurs, qui n'ont rien à faire dans la rue à ces heures-là. Il y a certainement aussi des majeurs, mais le couvre-feu permet au moins de resserrer le cadre pour les mineurs, et pour les forces de l'ordre de se concentrer sur le reste", ajoute-t-elle.
La responsabilité des parents
La mesure fait écho aux propos du ministre délégué au Logement et à la Ville Olivier Klein : "Les parents ont une responsabilité : le soir, si on ne veut pas connaître de nouveaux drames, les jeunes et les adolescents doivent rester chez eux pour que le retour au calme soit maintenant notre priorité à tous."
Des déclarations faites lors d'une visite ce samedi 1er juillet, à Persan (Val d'Oise). La mairie et le centre de police municipale y ont été incendiés, au cours de cette quatrième nuit de violences urbaines.
De son côté, en visite au tribunal de Créteil dans le Val-de-Marne, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a tenu à rappeler : "Il faut redire aux parents qu'ils tiennent leurs gosses". Des propos tenus au lendemain de l'envoi d'une circulaire qui détaille la réponse pénale "ferme et systématique" qu'il souhaite à l'encontre des participants aux récentes violences urbaines. "Les parents qui ne s'intéressent pas à leurs gamins et qui les laissent traîner la nuit en sachant où ils vont aller (...) ils encourent deux ans de prison ferme et 30.000 euros d'amende", a-t-il ajouté.