ROUTE DU RHUM 2022 : la course au large est-elle un sport propre ? par le navigateur Stéphane Le Diraison

Stéphane Le Diraison est un navigateur engagé. A la barre de Time For Oceans, il milite pour la préservation des océans. Signataire d'une pétition tout comme les skippers François Gabard, Roland Jourdain ou Catherine Chabaud, il appelle le monde de la course au large à se réinventer pour lutter contre le dérèglement climatique.

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France 3 Paris-Île-de-France donne carte blanche à Stéphane Le Diraison, à l'occasion de la 12e édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Le marin qui navigue entre Les Hauts-de-Seine et la Bretagne mais qui ne participe pas à la transatlantique cette année, nous fait partager son expérience de la course au large et son expertise sur les enjeux à venir.

La Route du Rhum est lancée depuis plusieurs jours. Tandis que les skippers affrontent les éléments, la COP 27 se tient en Egypte à Charm-el-Cheikh. Les dirigeants du monde entier (ou presque…) se réunissent pour tenter de faire face à un enjeu majeur : contenir le réchauffement climatique. A cette occasion Joe Biden a prononcé un discours ambitieux, affirmant que les Etats-Unis atteindront leur objectif 2030 de réduction des émissions de CO2. C’est l’occasion de s’interroger sur les enjeux de la course au large : quel est l’impact environnemental de notre sport ? Les marins peuvent-ils faire l’impasse sur une évolution ?

Les océans, théâtre de jeu des marins, sont au cœur de tous les équilibres (climat, biodiversité) et nécessaires à la vie. Pourtant ils sont menacés par les activités humaines sur terre qui génèrent de nombreux dérèglements et pollutions : fonte de la banquise, pollutions chimiques (engrais, pesticides) à l’origine de la prolifération des algues vertes ou brunes (sargasses), déchets plastiques, pêche industrielle …

Quel est l’impact environnemental de notre sport ?

Stéphane Le Diraison, skipper

Lorsque les voiliers de compétition s’élancent à l’assaut de l’océan leur empreinte carbone est très faible. Le vent souffle dans les voiles et permet de les propulser. Des panneaux solaires, des éoliennes ou encore des hydrogénérateurs produisent une énergie verte (même si certains utilisent des génératrices diesel). Le skipper dessale l’eau de mer pour produire de l’eau douce, les déchets sont triés et collectés à l’arrivée. Voltaire pourrait-il affirmer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? On peut sans doute nuancer un peu…Notamment en ce qui concerne la construction des voiliers de plus en plus grands et performants.

"La course à l'échalotte"

Pour financer leurs projets, les skippers ont besoin du soutien de leurs sponsors qui en contrepartie doivent avoir un retour sur investissement : la visibilité de leur marque. Or les médias communiquent presque exclusivement autour des leaders des différentes courses, la visibilité est donc directement proportionnelle à la performance sportive et technologique.

S’en suit donc une course à l’échalotte pour avoir un bateau toujours plus rapide que celui des autres compétiteurs. Un développement qui implique architectes, ingénieurs, chantiers, équipes techniques, passionnant, et qui génèrent de nombreuses innovations. Mais qui participe à l'emballement du système avec l’exposition médiatique de la discipline croissante depuis quelques années.

Depuis 10 ans, les émissions de CO2 pour la construction d’un prototype ont bondi de 100%.

Stéphane Le Diraison, skipper

Le nombre de bateaux neufs augmente donc exponentiellement tout comme leur emprunte carbone. Depuis 10 ans, les émissions de CO2 pour la construction d’un prototype ont bondi de 100% ! Alors que l’objectif est de les réduire de 30% d’ici 2030. Cette envolée est due notamment aux foils qui permettent d’accroitre la performance au dépend du bilan environnemental.

Une performance environnementale ?

Les skippers réunis en association fixent leurs propres règles pour la construction des bateaux (« la jauge »), ne pourraient-ils pas modifier leur cahier des charges et viser une performance qui soit aussi environnementale ?

Pour que cela fonctionne, il faudrait que cette évolution soit valorisée. Les organisateurs des courses pourraient jouer un rôle important, peut-être en instaurant un classement spécifique, ou un label « bas carbone ». Les médias pourraient aussi s’adapter à ces enjeux et mettre en lumière les bateaux plus vertueux, mettant ainsi un point final à ce cercle... non vertueux.

2 millions de visiteurs à Saint-Malo

La course au large est un sport très populaire, sans doute parce que la mer passionne, intrigue et permet de vivre par procuration de formidables aventures humaines. Le public vient en nombre déambuler sur les pontons, admirer les bateaux, rencontrer les skippers et rêver tout simplement. Près de 2 millions de personnes sont venus à Saint Malo !

Les départs de course sont des évènements hors norme qui nécessitent peut-être des ajustements pour être préservés. Est-il raisonnable aujourd’hui de continuer à distribuer des goodies en plastique (la plupart du temps importés d’Asie), souvent inutiles et jetés à la poubelle ? Pourrait-on adapter les transports et permettre au public de venir en train ? L’offre SNCF est aujourd’hui insuffisante pour faire face à un tel afflux, malgré la mise en place d’une tarification spéciale pour venir en train dans la cité corsaire.

Les nombreux bateaux accompagnateurs alimentés par des énergies fossiles pourraient-ils être remplacés par des bateaux à voile ou rester ancrés près de la ligne de départ ou au passage de marques de parcours ? Les équipes utilisent de nombreuses embarcations surmotorisées, ne pourrait-on pas en limiter le nombre et/ou la puissance ?

L’utilisation de matériaux bio sourcés (fibres de lin par exemple) et/ou recyclables permettra d’atteindre une réduction de 30% du CO2 émis.

Stéphane Le Diraison, skipper

A titre personnel, lors de ma première participation au Vendée Globe en 2016, j’ai pris conscience de l’ampleur du réchauffement climatique en observant les glaces à la dérive autour de l’Antarctique. En réaction, j’ai créé « Time For Oceans », un message porté par mon projet, et diffusé grâce à mon bateau afin de témoigner, sensibiliser, et travailler sur des solutions alternatives permettant de réduire l’impact carbone de la construction des bateaux. Le changement du process de fabrication (limitation des outillages, des consommables, des températures de cuisson,…) et l’utilisation de matériaux bio sourcés (fibres de lin par exemple) et/ou recyclables permettra d’atteindre une réduction de 30% du CO2 émis.

Il s’agit finalement de relever le même défit que les entreprises : intégrer le paramètre environnemental en préservant la compétitivité et la performance. Il est urgent d’agir collectivement et je fais confiance au bon sens et à la solidarité des marins pour relever le défi.

 

 

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