A son arrivée aux Sables-d’Olonne, jeudi 11 février en 18e position, le navigateur de Boulogne-Billancourt, Stéphane Le Diraison a fait le récit de son tour du monde en solitaire, une "course éprouvante".
Comment avez-vous vécu la course ?
La course a été fidèle à ce que je venais chercher. C’est le défi, c’est le dépassement
J’ai vécu la course avec intensité. Je suis monté parfois très, très haut, au sommet de l’exaltation et parfois j’ai dû faire appel à toute ma préparation mentale pour me remotiver dans des situations qui étaient très éprouvantes. Quand je n’allais pas bien, je me disais, combien de personnes ont la chance de vivre leur rêve et faire le tour du monde ? et ça repartait.
La course a été fidèle à ce que je venais chercher. C’est le défi, c’est le dépassement, c’est d’aller chercher une énergie et des ressources que l’on ne cherche que quand on est dans un tel contexte. Je me suis surpris à avoir une force physique et mentale que je ne pensais pas avoir pour arriver à faire face à toutes les situations. Le parcours est long et exigeant et on est seul. A bord on ne peut compter sur personne.
Heureusement il y a eu une belle solidarité dans le groupe avec lequel je naviguais notamment avec Alan Roura. Il y a eu beaucoup d’échanges quand les situations étaient potentiellement dangereuses. Une belle solidarité des marins !
C’est vrai que c’était cette édition a été éprouvante pour tout le monde. Cela ne s’est pas forcément passé comme prévu même les vainqueurs ont mis plus de temps. On a globalement été tous éprouvés physiquement et moralement et cela renforce les liens.
Quel regard portez-vous sur les mers du Sud ?
La mer est blanche, écumeuse et rageuse.
J’ai eu un peu près tout dans l’Océan Indien. J’ai eu chaud aux îles Kerguelen, j’ai eu des dépressions tropicales. Ce n’était pas du tout conforme à ce que l’on imaginait du Grand Sud. Ce n’était pas du tout conforme à ce que j’ai vécu en 2016 (Ndlr, lors de son premier Vendée Globe interrompu au large de la Tasmanie suite à un démâtage.)
Au risque de briser un mythe, je n’ai jamais vu une si belle houle que dans l’Atlantique Nord. Dans l’Indien, j’ai dû affronter des systèmes dépressionnaires extrêmement puissants. La mer est courte et hachée. Pas de longues glissantes.
J’ai vécu 48 heures de tempêtes dans l’Océan Pacifique où le fichier de vagues était à 8 mètres. Une moyenne. Ce qui veut dire qu’elles peuvent atteindre 10 mètres. Ce ne sont pas des discussions de comptoir pour épater la galerie. Les vagues déferlent, il fallait trouver le moyen de ralentir le bateau. Dans ces tempêtes, ce qui m’a fasciné, c’est la couleur de la mer. Elle était blanche, uniformément blanche, écumeuse et rageuse. On sent qu’elle est puissante et dangereuse.
Le cap Horn, un symbole ?
Le cap Horn, c’est effectivement une délivrance
C’est un rêve commun à tous les Solitaires, qui fait appel à l’imaginaire, à la littérature. C’est extrêmement excitant de rentrer dans ce rêve. Mais le Cap Horn, c’est aussi la fin des mers du Sud avec ses rafales de 60 nœuds, ses averses de neige, le vent qui se met à hurler dans les haubans et un bateau couché sur la mer. Je n’avais qu’une envie, partir de là. Le cap Horn, c’est la porte de sortie des mers du Sud.
Vous avez subi plusieurs problèmes techniques sur le bateau ?
J’ai eu plein d’avaries techniques sur le bateau tout au long de la course. Dès la première nuit. Elles m’ont empêché de rester au contact : problème de hook, fuite de gasoil… Au total, j’ai dû avoir entre 4 à 5000 litres d’eau dans le bateau.
A l'arrivée, il faut réapprendre à vivre avec vos semblables ?
L’arrivée est également très forte et cette absence de transition est particulière. Pendant des jours et des jours, on est dans une dimension parallèle et d’un seul coup on coupe la ligne et cette boîte dans laquelle on a vécu, notre bateau, se remplit : des caméras, des amis… C’est à la fois très agréable à vivre mais il faut gérer les émotions, à l’image du Vendée Globe.
Un troisième Vendée Globe dans 4 ans ?
Construire un bateau moins cher et plus respectueux de l'environnement
Evidemment mon envie c’est de continuer la course au large et de porter le message de Time For Oceans. La préservation des océans.
Surtout, je veux faire la démonstration que l’on peut construire un bateau, la course l’a démontrée, moins cher, plus respectueux de l’environnement. Je suis personnellement assez déçu d’entendre que dans les projets de bateaux à venir, personne n’intègre la contrainte environnementale. On continue comme si de rien n’était. On fait comme si cela ne nous concernait pas. Je serais hyper heureux de concevoir un bateau qui me ressemble et qui correspond à ma façon de naviguer. Revenir sur le Vendée Globe oui mais pas à n’importe quelles conditions.