Les soignants battent le pavé ce mardi à Paris pour réclamer plus de moyens pour l'hôpital. Après trois mois de pandémie passés au chevet des malades, ils refusent un retour à leur condition d'avant la crise. Témoignages.
Après 3 mois de pandémie, Corine Jac confie être "très fatiguée physiquement et moralement". Pourtant pas question de rater la manifestation ce mardi 16 juin. "Là, les limites sont atteintes !". Cette aide-soignante qui travaille depuis 30 ans à l’hôpital Saint-Louis et depuis 20 ans aux urgences a vu ses conditions de travail se dégrader ces dernières années. " Je vois le grand écart au niveau des effectifs. Même dix ans en arrière, on n’était pas si pauvre en lits, en effectifs.", constate-t-elle. Une situation qui l’a poussée à rejoindre le collectif inter-urgences il y a an et demi.
Augmentation des effectifs
Pour elle, l’augmentation des effectifs est primordiale. "Pendant la pandémie, on était nombreux, c’était fluide. Plein de bonnes volontés sont venues nous renforcer, des externes venus de Bordeaux... grâce à eux on a pu gérer cette crise.", raconte Corinne Jac. Mais aujourd’hui les renforts sont partis et l'aide-soignante refuse un retour en arrière.
Ce « retour à l’anormale », c’est ce que voit déjà arriver Laurent Rubinstein, membre du collectif inter-hôpitaux et infirmier à Robert Debré dans le XIXe à Paris. "Pendant le covid, on avait des moyens, on avait des lits ouverts. Là il y a à nouveau des fermetures de lits qui se projettent. Pour les directeurs d’hôpitaux, c’est bon, on est retourné dans la pratique normale !", dénonce–t-il.
Revalorisation des salaires
A Saint-Louis dans le Xe arrondissement, il manquerait 5 ou 6 postes d’aides-soignants aux urgences selon Corinne Jac. Pourtant certains postes ont été créés après la mobilisation du service l’été dernier. "Mais ces postes ne sont pas pourvus. On n’arrive pas à recruter et si le gouvernement ne fait pas un geste au moins pour les salaires pour attirer la nouvelle génération, ça va être difficile pour nous".
Constat partagé par Laurent Rubinstein : "Les jeunes diplômés ne vont pas forcément aller dans l’hôpital public parce que les salaires sont bas et les évolutions au niveau du salaire sont peu rapides. C’est pour toutes les catégories confondues", affirme l’infirmier. "Il faut que ce soit maintenant parce que l’hôpital craque et on est tous fatigués !", prévient-il.
On rentre chez soi la boule au ventre et on se dit que notre travail, on ne le fait pas comme il faut.
"L’humain doit être remis au cœur du soin", plaide Laurent Rubinstein qui dénonce la logique de rendement au sein de l’hôpital. "On va enchainer les soins pour avoir une rentabilité et on se transforme en robots !", dénonce cet infirmier qui 5 ans après l’obtention de son diplôme reconnaît avoir désenchanté sur son métier. "En hématologie pédiatrique par exemple, on pose la chimiothérapie et parfois on n’a même pas le temps d’expliquer à l’enfant ce qu’on lui pose. C’est horrible ! On rentre chez soi la boule au ventre et on se dit que notre travail, on ne le fait pas comme il faut.", confie-t-il.
Inquiétudes sur le Segur de la santé
L’impression de ne pas vraiment être entendu, pour l’infirmier qui a rejoint le collectif inter-hôpitaux il y a un an et demi et qui tous les jeudis, se mobilise devant l’hôpital Robert Debré pour faire entendre ses revendications. L’organisation d’un «Segur de la santé » ne l’a pas vraiment rassuré. "Il n’y a pas eu de présentation d’enveloppe, pour l’instant, il n’y a rien", s’inquiète Laurent Rubinstein.
Après avoir été applaudis à 20 heures pendant le confinement, Corinne Jac et Laurent Rubinstein espèrent aussi que les gens se joindront à leur mobilisation. "C’est cette présence d’usagers qui va peut-être faire comprendre à l’Etat qu’on n'est pas que des soignants, qu’on demande la santé pour tous et l’égalité. ", conclut Laurent Rubinstein.