"Je suis obligé d'aller au travail en Uber" : à Cergy-Pontoise, les usagers des bus en galère après 18 jours de grève

Aucun bus ne circule sur le réseau Cergy-Pontoise Confluence depuis maintenant 18 jours. En cause, une grève des conducteurs, qui craignent de voir leur rémunération baisser et leur condition de travail se détériorer. Alors que le dialogue social s'enlise, côté usagers, on se débrouille comme on peut.

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C'est une grève d'une ampleur rare pour ce territoire. La mobilisation des conducteurs de bus du réseau de Cergy-Pontoise Confluence bloque depuis 18 jours tous les véhicules qui circulent habituellement sur les 32 lignes desservant 80 000 voyageurs chaque jour. Les négociations avec la nouvelle direction, l'entreprise privée Francilité Seine et Oise (FSO), n'ont même pas véritablement commencé qu'elles se sont déjà enlisées dans une relation conflictuelle, tandis que les usagers, eux, galèrent sans transport en commun. 

Des salariés contraints de prendre un taxi

"Comme souvent dans les cas de grève des transports, les usagers ont plusieurs solutions : soit ils reprennent la voiture, soit ils s'entraident entre voisins, soit ils organisent du covoiturage entre salariés", liste Michel Babut, vice-président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT). À Cergy, immanquablement, les embouteillages ont redoublé d'intensité, confirme le maire et président de l'agglomération, Jean-Paul Jeandon. "Il faut bien voir dans les rues les bouchons qu'il peut y avoir depuis quelques semaines parce que les gens reprennent leur voiture."

L'absence de bus est cependant difficile à gérer pour les travailleurs qui ne sont pas véhiculés. "Je suis obligé de venir au travail et de repartir en Uber, témoigne un employé à notre micro. Au total j'ai déjà payé 60 € depuis le début de la grève, alors que sur une demi-journée, je suis payé 30 €. Ça me démotive, et même si je comprends le mouvement, malheureusement c'est nous qui en pâtissons" 

Plusieurs internautes se disent aussi bloqués depuis le début de la grève, sans possibilité de se rendre au travail autrement qu'en taxi. "Malgré du télétravail mis en place, ça commence à avoir des répercussions sur mon entente avec mes responsables, je vais finir par me faire virer", indique une habitante de l'agglomération. "Je suis sur la sellette et je ne peux pas payer des taxis tous les jours ni perdre mon travail", ajoute une autre. 

Des lycéens stressés

Les lycéens et les collégiens, eux, n'ont parfois aucune autre solution qu'aller en cours à pied. "C'est très compliqué, car nos parents ne peuvent pas forcément nous déposer. À 8h ils peuvent, mais aujourd'hui par exemple, j'ai dû marcher pendant une heure avec ma sœur pour venir au lycée car c'était le seul moyen de venir", raconte une lycéenne d'un établissement du secteur. Les parents discutent sur des groupes Whatsapp, et la solidarité s'organise, mais ce n'est pas toujours suffisant. "Il y a une énorme fatigue, morale et physique, chez les lycéens qui regardent tous les jours s'ils vont pouvoir ou non aller à l'école", déplore la représentante FCPE d'un lycée de l'agglomération. "Sur Parcoursup, tout est inscrit, y compris les retards, et on retrouve des lycéens très fatigués et extrêmement stressés, car ils ont peur que la grève des bus entache leur parcours."

Des solutions basées sur la solidarité

Pour les personnes âgées, heureusement, un service de la mairie de Cergy propose des trajets pour les déplacements nécessaires du quotidien. "Notre service de transport à la demande dédié aux personnes valides de plus de 65 ans a doublé en fréquentation depuis le début de la grève", rapporte l'édile, qui assure que sa commune "se mobilise" pour répondre à tous les appels. C'est ainsi que, moyennant deux euros l'aller, Jean, un habitant de Cergy de 80 ans, a pu aller à la pharmacie, faire des courses, ou chez le médecin depuis qu'il n'y a plus de bus. "C'est quand même très intéressant, on nous prend chez nous et on nous emmène directement à notre destination. C'est presque gratuit quand on sait qu'un trajet de taxi équivalent coûterait entre 12 et 15 euros", témoigne-t-il. 

Malgré les péripéties, et même si les voyageurs interrogés espèrent bientôt revoir passer les bus dans les rues, les messages de soutien aux grévistes sont nombreux. Sur les réseaux sociaux, certains internautes soulignent la dégradation du service de bus depuis quelques mois. "La STIVO nous manque tellement", signale un commentaire sur Facebook sous une publication de l'Agglomération, tandis qu'un autre déplore un "manque de respect des usagers, avec des changements d'arrêt de bus et de parcours sans aucune communication et des bus qui ne passent même plus et sont supprimés sans explications".

Amorce de discussion sous haute tension

Usagers comme élus espèrent en tout cas voir les négociations enfin s'amorcer, après des semaines de blocages. De son côté, le syndicat FO, qui représente les intérêts d'environ 500 salariés grévistes des dépôts de bus de Saint-Ouen l'Aumône et de Conflans-Sainte-Honorine, assure n'attendre que ça. Mais ces derniers se disent inquiets pour leur rémunération, leurs conditions de travail et dénoncent des bus défectueux depuis que la société FSO a repris les rênes en début d'année. "En 34 ans de syndicalisme, je n'ai jamais vu d'entreprise aussi irresponsable", lance Vincent Vilpasteur, de la section FO du Val-d'Oise. 

Alors que des accords dits de substitution, qui fixent ces conditions sociales, doivent obligatoirement avoir été trouvés dans quelques mois (sous peine de repasser à des accords de branche moins avantageux) les conducteurs n'ont pas l'impression d'avoir été écoutés. "FO n'émet pas de revendications qui dépassent les acquis sociaux déjà gagnés avant la reprise par FSO, mais demande leur maintien", poursuit Vincent Vilpasteur.

"Cependant, si les demandes changent au niveau des horaires, des temps de pause, ou au niveau du travail de nuit, les attentes des salariés changent, c'est bien normal." La société, elle, assure que "le projet social proposé par la direction est en tout point conforme au cahier des exigences sociales d’Île-de-France Mobilités, négocié et validé en avril 2022 par les partenaires sociaux" et "garantit à tous les salariés (...) un maintien de leur rémunération".

Malgré la nomination d'un médiateur par les autorités régionales, les deux parties s'accusent mutuellement de bloquer les négociations. La tension est à son comble depuis ce vendredi 25 novembre, où un incident se serait produit entre des salariés syndiqués et le directeur. Ce dernier dénonce "des actes de violences et de menaces caractérisées", ce que dément FO, et annonce déposer plainte. Dans une optique de "reprendre l’exploitation, négocier un protocole de fin de conflit et un accord de substitution équilibré, dans un climat apaisé", selon la société, une réunion devait avoir lieu ce lundi 28 novembre dans l'après-midi, en présence de la direction, des salariés grévistes et du médiateur.

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