Lors des Jeux olympiques, la navigation sur la Seine, où auront lieu la cérémonie d'ouverture et des épreuves de nage, sera restreinte voire interdite aux navires transportant des marchandises. Les céréaliers redoutent les conséquences de ces restrictions pour la filière en pleine période de moissons.
"Pendant deux mois, on a environ 800 000 tonnes de céréales qui circulent sur la Seine, si ces grains ne sont pas déplacés, on va avoir des conséquences par effet domino pour toute la filière agroalimentaire, des conséquences qui peuvent amener à des situations les plus graves comme la destruction de marchandises", alerte Jean-Francois Lépy, représentant d'Intercéréales, structure interprofessionnelle de la filière.
Lors des Jeux olympiques à Paris, la navigation sur la Seine sera interdite une semaine avant la cérémonie d'ouverture des JO prévue le 26 juillet. Par mesure de sécurité selon la préfecture de région. Après cette cérémonie pendant "moins de 20 jours" jusqu’à la fin des épreuves paralympiques le 8 septembre, la préfecture annonce également une navigation interrompue "entre 2 h 00 et 11 h 00 du matin" pour permettre les épreuves olympiques de nage dans la Seine.
Alarmés par ces mesures, les acteurs de la filière céréalière redoutent un été "catastrophique" en amont pour les exploitations en Ile-de-France (4 400 exploitations agricoles dont 3 000 produisent des céréales) et en aval pour les transformateurs tel que la meunerie, destinataires de ces millions de tonnes de grains.
Un enjeu majeur
À Corbeil-Essonne au sud-est de Paris, le groupe coopératif agricole Axéréal, collecteur de grains et spécialisé dans la transformation des céréales pour les marchés du malt, de la meunerie, et de l’élevage, exploite un silo en bordure de la Seine qui accueille toute l'année des grains venant en grande partie de la région francilienne.
Pendant la période des moissons, il faut d'ordinaire l'équivalent "12 péniches", pour transborder le grain selon le groupe, le faire transiter par Paris, naviguer jusqu’à Rouen, premier port d'exportations françaises de céréales. L'interdiction annoncée pour le fret fluvial d'emprunter la Seine à Paris pendant une semaine avant la cérémonie d'ouverture "est une énorme épine dans le pied de la filière", confie un membre groupe coopératif. "Il est fondamental que nos clients agroalimentaires, acteurs stratégiques dans ces zones, puissent correctement être livrés en grains", alerte Axéréal,
Un cri d'alarme relayé par les transporteurs de fret sur la Seine. "Le fret fluvial, c'est à peu près 20 % de l'activité des transports marchandises en Île-de-France et ça ne concerne pas uniquement les céréales", indique Didier Léandri PDG d'E2F, la Fédération Entreprises fluviales de France. "On est dans un enjeu économique majeur ; le nôtre bien sûr, puisque moi je représente le transporteur et on a besoin de vivre comme tout le monde, là, on est en train de parler de la filière d'exportation des céréales françaises."
Un surcoût évalué à "500 millions d'euros"
"Il n'y a pas d'autres moyens de transport, que ce soit le camion ou le ferroviaire pour remplacer le fret fluvial", explique Jean-Francois Lépy représentant d'Intercéréales, également PDG de Soufflet Négoce by InVivo, un géant européen du commerce des grains. "Pendant les moissons, ce sont 20 à 25 péniches de 1000 à 1500 tonnes que l'on charge en grains ( .. ) pour une seule barge chargée en grains, c'est l'équivalent de 50 camions sur la route", souligne Jean-Francois Lépy qui fait le calcul si des montagnes de grains devaient rester à quai.
"On a fait un chiffrage qui est de 500 millions d'euros de surcoûts", fait savoir Jean-François Lepy, en raison des surcoûts dans les sites de stockage, des pénalités de retards dues aux retards de livraison de marchandises, du prix du transport.
Selon le groupe AXEREAL, le transfert vers une logistique route serait de toute façon très onéreux mais cela irait surtout "à l’inverse des efforts de réduction de l’empreinte carbone initiés par nos filières, dans un contexte de durabilité pourtant revendiqué par ces jeux", précise la coopérative agricole.
Des négociations toujours en cours
Depuis l'automne dernier, des négociations sont en cours avec la préfecture de région. Les céréaliers demandent "deux ou trois créneaux ouverts de circulation pendant quelques heures pendant la période de 7 à 8 jours précédant la cérémonie d'ouverture". Mais, la préfecture s'y oppose : "Ce n'est pas possible avec tout ce qu'il y a à mettre en œuvre pour la cérémonie d'ouverture en termes de structures, pontons, décors et sécurité", selon elle.
À six mois des Jeux olympiques, le représentant de la filière céréalière qui "n'est pas opposé aux JO" précise-t-il, estime qu'il y a encore assez de temps pour trouver une solution acceptable. Les négociations se poursuivent et une nouvelle réunion organisée par la préfecture doit se tenir le vendredi 19 janvier. "Je pense qu'on a un bon dialogue avec la préfecture de région", déclare, Jean-Francois Lepy, "mais, il est important maintenant que l'on trouve un mode de transport même dégradé pour les céréales".