A Paris, 1 enfant sur 5 vit en dessous du seuil de pauvreté et ne mange pas toujours à sa faim

Association et mairie s’accordent, à Paris, la crise sanitaire se double d’une crise alimentaire. Avec le confinement, des familles avec enfants, des personnes âgées ou isolées ou encore à la rue ne mangent pas à leur faim. Chacun tente d’y apporter une réponse.

Difficile de se nourrir. Difficile, pour d’autres, de manger trois fois par jour. C’est le constat accablant que dresse Abdel Ghazi, Secrétaire général du Secours Populaire de Paris : "avec la crise sanitaire, le standart téléphonique du Secours Populaire a vu son nombre d'appels augmenter de façon considérable. On est passé de 200 appels téléphoniques quotidiens à 750, dont 400 pour de l'aide alimentaire".

Pour eux la priorité est de payer leur loyer. Manger est secondaire.

Le Secours Populaire de Paris a doublé le nombre de colis alimentaires pour répondre à la demande. L'association livre des repas dans des hôtels sociaux, en partenariat avec le Samu social, ou distribue des colis pour les familles qui peuvent cuisiner. Parmi elles, beaucoup de familles monoparentales, des femmes seules avec enfants et de nouveaux bénéficaires. "Ce sont des publics que l'on ne connaissait pas avant la crise sanitaire, qui avait du travail. Des petits boulots dans la restauration par exemple, plongeurs, serveurs et qui aujourd'hui se retrouvent sans rien, confrontés à des problèmes financiers. Pour eux la priorité est de payer leur loyer. Manger est secondaire. Le budget alimentaire est mis à mal d'autant plus que les marchés populaires, comme celui de Barbès ou de Belleville, sont fermés et que les prix ont explosé dans les grandes surfaces. Ces gens ne mangent pas trois fois par jour".

Même constat du côté de la ville de Paris. Pour Dominique Versini, adjointe à la solidarité, aux familles, à la petite enfance, à la protection de l'enfance, à la lutte contre l'exclusion et aux personnes âgées : "aujourd'hui à Paris, 1 enfant sur 5, vit dans une famille dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté (une personne ayant des revenus mensuels inférieurs à 867 euros, ndrl) et ne mange pas forcement à sa faim".

Pour manger, quand vient la fin du mois, il ne reste pas grand chose

Remplir le frigo, c'est bien le soucis d'Atimad, maman de 5 enfants. La plus grande a 11 ans et le plus petit 2 ans. Séparée de son mari, elle vit du RSA, des allocations familliales et d'une pension alimentaire que son mari lui verse quand il peut. "Il faut bien payer les factures. Mon bailleur m'a déjà envoyé des relances pour payer le loyer. J'ai aussi tous les prélèvements, l'assurance, le téléphone... Alors pour manger quand vient la fin du mois, il ne reste pas grand chose".

Atimad avoue qu'avec cinq enfants, "ça part vite" mais qu'il n'est pas question de priver ses enfants. Elle a juste supprimé le goûter. Alors pour tenir, cette habitante du XXe arrondissement, a fait appel au Secours Populaire de Paris. Ce lundi 28 avril, l'association lui a livré de la nourriture. De quoi manger jusqu'au mois prochain. "Mes enfants ont de l'appétit, je ne veux pas les priver, mais il n' y a plus de goûter pour les enfants. Moi je me fais une assiette des restes, quand ils ne finissent pas leur repas. Et puis comme c'est le ramadan, je ne mange pas dans la journée". "Avec ce que m'a livré le Secours Populaire, je vais tenir jusqu'au 5 du mois prochain. Quand j'aurai une rentrée d'argent, je pourrai à nouveau faire des courses. Je les en remercie de tout mon coeur. Sans eux, je n'y arriverais pas".

Cette maman de 37 ans espère que l'école va reprendre pour que ses enfants puissent aller à la cantine. "Cela va diminuer mes dépenses", affirme t-elle. Mais Atimad est partagé, car elle craint une éventuelle contagion : " Qu'est-ce qui est plus important? Avoir des problèmes financiers ou risquer que mes enfants tombent malades en allant à l'école? Le choix est difficile à faire". "Je suis inquiète. J'ai des problèmes de santé, s'ils ramènent le virus à la maison et qu'il m'arrive quelque chose, moi qui suis diabétique, qui va s'occuper de mes enfants" ? 

Le confinement a fragilisé des familles en situation déjà de vulnérabilité. Précarité alimentaire aggravée par la fermeture des cantines scolaires. "A Paris, un repas à la cantine pour les familles aux faibles revenus coûte 15 centimes d'euros. Impossible de faire un repas à ce prix là dans les familles. Aussi modeste qu'il soit, un repas ne peut pas coûter 15 centimes", explique Dominique Versini. Pour compenser la fermeture de la restauration scolaire, Anne Hidalgo a versé à certaines familles une aide exceptionnelle pour un budget de 3,5 millions d’euros. "28 700 familles dont 52 000 enfants ont reçu une allocation entre150 et 250 euro", explique Dominique Versini.

Le Centre d'action sociale de la Ville de Paris (CASVP) se mobilise également. Des paniers repas sont distribués par les associations, pour les personnes à la rue, ou hébergées dans les hôtels sociaux. Des paniers sont également livrés à domicile pour les personnes dans le besoin. " Quotidiennement 17 000 paniers repas sont financés par la ville alors qu'en temps normal, nous en distribuons 11 000", constate l'élue parisienne. "On sait qu'il y a des gens qui n'ont pas assez chez eux, qui viennent aux distributions alimentaires. Le vrai souci ce sont ces personnes qui ont un logement mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts".
 

Pour lutter contre la précarité alimentaire, Dominique Versini, ancienne directrice du Samu social, a créé une coordination alimentaire qui se réunit chaque semaine avec les acteurs associatifs pour mieux coordonner les différentes actions. "Les dépenses sont en hausse", reconnaît l'élue en charge de la Solidarité mais aujourd'hui "c'est une question de survie pour beaucoup."

Le Secours populaire de Paris souhaite interpeller l'Etat. Ses stocks alimentaires diminuent. Les fruits et légumes commencent à manquer. "Nous alertons les pouvoirs publics. La demande est forte et les réserves baissent. Il faut que l'Etat nous soutienne financièrement pour acheter des denrées alimentaires" alerte Abdel Ghazi. Le Secours populaire de Paris appelle également aux dons.
 

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