13-Novembre : une première journée de procès sous haute surveillance

Le procès des attentats du 13 novembre 2015, qui ont fait 131 morts et des centaines de blessés, s'est ouvert ce mercredi 8 août dans le palais de justice historique de Paris. Encadrement policier omniprésent, forte couverture médiatique… Récit de la première journée d’audience.

Des points de contrôle à chaque coin de rue, des équipes de CRS et de gendarmes armés un peu partout pour encadrer la zone, de nombreux véhicules de police stationnés, des chiens renifleurs... Le quartier de l'île de la Cité a été bouclé dès 7h du matin ce mercredi, pour l'ouverture du procès des attentats du 13-Novembre. Près de 140 médias ont été accrédités pour l'événement. Dans la file d'attente qui s'allonge depuis 8h, des dizaines de reporters attendent, équipés de caméras et de micros.

L'entrée réservée à la presse et aux avocats, du côté de la rue de Harlay, est quadrillée par des barrières vauban, sous haute surveillance. "Je n'avais pas encore reçu mon badge, mais heureusement j'ai réussi à convaincre les policiers de me laisser passer... Avec tout le matériel que j'ai, ils n'auraient pas dû, mais tant mieux pour moi", glisse toutefois un technicien, dans la queue. Malgré le calme ambiant, on entend de temps en temps des sirènes et des sifflets, notamment lors de l'arrivée du convoi de fourgons transportant Salah Abdeslam, le principal accusé, transféré depuis la prison de Fleury-Mérogis.

Vers 10h, l’accès au palais de justice est ouvert, alors que le préfet de police de Paris, Didier Lallement, passe devant les grilles, accompagné d'une dizaine de membres des forces de l’ordre. A l'intérieur, il faut suivre une série de couloirs pour accéder à la salle des pas perdus, où se situe la "salle grand procès" de 550 places construite spécialement pour accueillir les débats. Mais avant ça, journalistes, avocats et parties civiles doivent se soumettre à un nouveau contrôle, avec cette fois-ci une fouille systématique.

Une gigantesque salle d’audience et une dizaine de salles de retransmission

L’immense "salle grand procès", d’ailleurs, compte une trentaine de places réservées à la presse, attribuées dans le cadre d’un tirage au sort. Juste en face, se trouve la salle de retransmission dédiée aux médias, d’une capacité de 130 places. Un espace déjà presque plein, une heure avant l'audience. Ici, devant les trois rangées de bancs, on peut visionner un grand écran, entouré de six autres plus petits. Un dispositif installé pour diffuser le flux réalisé dans le cadre de l’enregistrement historique du procès, par dix caméras.

Assis le long des rangées, les yeux rivés sur leur téléphone, leur carnet de notes ou leur ordinateur, certains journalistes parlent allemand, d'autres anglais. Beaucoup se plaignent d'une mauvaise connexion internet, sans doute causée par l'affluence. Avec une dizaine de salles de retransmission au total, le tribunal est censé pouvoir accueillir simultanément 2000 personnes. Environ 1800 parties civiles et plus de 330 avocats sont attendus.

A 12h30, l’horaire initialement prévu pour l'ouverture de l'audience, une foule d'avocats en robe - venus avec des piles de dossiers - discutent encore debouts dans la "salle grands procès". 45 minutes plus tard (un retard causé par un "problème technique"), une sonnerie retentit : le procès commence enfin. Quelques journalistes ont d’ailleurs le réflexe de se lever brièvement dans la salle de retransmission face aux écrans montrant les magistrats. Un silence s’installe.

"J'ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l'Etat islamique"

Après la présentation des interprètes, pour certaines visiblement stressées lors de leur prise de parole, suit la présentation de l’état civil des accusés. Un total de 20 personnes sont jugées, mais seuls 14 sont présent : 11 détenus placés dans le box, encerclés par une escorte policière, et trois sous contrôle judiciaire. Les six autres accusés, absents, sont visés par un mandat d’arrêt et jugés par défaut (cinq sont présumés morts en zone irako-syrienne).

Salah Abdeslam, vêtu d’un polo noir, et dont le visage est couvert d’une épaisse barbe, est le premier à parler. "Il n'y a point de divinité à part Allah et Mohammed est son serviteur et messager", affirme le seul survivant des commandos, avant même de se présenter. "J'ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l'Etat islamique", ajoute-t-il, après avoir refusé de confirmer le nom de ses parents. Dans la salle de retransmission, le bruit des claviers ne s'interrompt pas. Derrière le plexiglas du box et à travers l'écran, difficile de percevoir précisément les réactions et les émotions. D'autant que tout le monde doit rester masqué dans le palais de justice, en raison du contexte sanitaire (aucune règle de distanciation sociale n'est toutefois mise en place).

"Une organisation militaire" du procès

S’ensuit, en guise d’introduction, un propos du président de la cour d'assises spéciale Jean-Louis Périès. "Nous commençons ce jour un procès qualifié d'historique, hors norme", souligne-t-il, évoquant l’"intensité dramatique" des faits, qui font partie selon lui "des événements historiques nationaux et internationaux de ce siècle". Le reste de la journée est consacrée à l’appel des parties civiles.

Croisé à la sortie de la salle d’audience, Me Bruno Lombard, un avocat du barreau de Marseille qui représente "les parents d’un garçon assassiné sur une terrasse", salue une "organisation militaire" et "une véritable fluidité des débats". "Le président mène ça de façon très intéressante, de manière à ce que l’on puisse avancer sur le chemin de la vérité dans ce dossier", ajoute-t-il.

A noter tout de même une suspension de l'audience vers 17h, suite au malaise de Farid Kharkhach, l'un des accusés présents dans le box. Puis une reprise mouvementée, les avocats de Farid Kharkhach pointant du doigt le traitement de leur client, qui "a subi deux fouilles à nu" et qui a une "symptomatologie dépressive". "Vous ne faites pas attention aux gens. Dangereux ou pas dangereux, on est des hommes, des êtres humains. On a des droits. On est comme des chiens", lance alors Salah Abdeslam. Et d'ajouter : "Ça fait plus de six ans que je suis traité comme un chien... Je me suis jamais plaint, pour une unique raison : parce qu'après la mort, je serai ressuscité". Le tout avant d'être interrompu par le président, déclarant : "On n'est pas dans un tribunal ecclésiastique".

L’audience doit encore durer 140 jours. Alors que le procès devrait s’étaler sur plus de huit mois, chaque jour du mardi au vendredi ainsi que certains lundis, le verdict - envisagé pour le 25 mai 2022 - semble encore bien lointain. Pour assister à l'interrogatoire de Salah Abdeslam, il faudra attendre début janvier.

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