Les étudiants en école d'architecture ont manifesté ce lundi devant leur ministère de tutelle pour dénoncer des conditions d'études dégradées et un sous investissement.
"Archi révolté" , "archi pauvre", "archi clown", sur les pancartes, le diminutif des architectes devient superlatif, symbole d’une colère grandissante. Place Royale à Paris, ce lundi, face au ministère de la Culture, dont ils dépendent, plus d’une centaine d’étudiants et de professeurs des ENSA ( écoles supérieures nationales d’architecture) se sont rassemblés pour dénoncer leurs conditions de travail et crier leur révolte.
"Le gros problème, c’est qu’on a peu de moyens. Le coût de formation est de 7500 euros en moyenne par étudiant en architecture contre 11 000 euros pour la fac, 15 000 euros pour les étudiants en prépa, on est parmi les moins dotés", dénonce Félix, étudiant en deuxième année à l’ENSA de Belleville.
« En amphi, en manteau et gants »
Un manque de moyens qui à La Villette, l’une des deux écoles parisiennes, se constate même sur les murs. Fuites d’eaux à répétition, moisissures… Et cet hiver, c’est même le chauffage qui est tombé en panne. "J’ai relevé 13 degrés dans la salle de travail principale, déplore Solène, étudiante en 3e année. On a passé les cours en amphi en manteau et gants de novembre à janvier", s’indigne-t-elle. "Le ministère ne finance les travaux que quand un plafond s’effondre, ajoute Jodelle Zetlaoui-Léger, urbaniste enseignante dans l’établissement. L’école de La Villette est censée être prioritaire pour une relocalisation depuis 1999 ! " Pourtant, plus de 2000 étudiants continuent d’y étudier, même si depuis le début du mois, les cours sont bloqués en guise de protestation.
Car la liste de doléances est longue. Bâtiments vétustes, trop petits et des dépenses de matériel non subventionnées. "En moyenne, on dépense 800 à 1000 euros par an par étudiant pour le carton, la peinture, l’ordinateur, les licences", énumèrent Julia et Olga, étudiantes à l'Ensa Belleville. Alors certains volent le petit matériel dans les boutiques confie Félix. "C’est ça ou manger des pâtes pendant un mois !"
Manque d’enseignants
La contestation partie de Rouen, il y a un mois, a embrasé depuis presque toutes les écoles – 18 sur 20 sont mobilisés. Mais la révolte date en fait de plusieurs années, selon une professeure. "On a eu une réforme en 2018 qui devait s’assortir de la création de 150 postes mais seuls 80 ont été créés. Il manque aujourd’hui 70 postes d’enseignants titulaires en France, c’est l’équivalent d’une école d’architecture ! ", se désole Estelle Thibault, professeur d'Histoire à l’Ensa de Paris-Belleville. Certains enseignants contractuels sont sous-payés, au smic horaire. Alors, beaucoup renoncent.
Dans l’après-midi, une délégation d’étudiants en architecture et d’étudiants en école de design (également impactées par des problèmes de moyens) a été reçue au ministère de la Culture. Un nouveau rendez-vous a été fixé en avril.
Place Royale, au milieu des pancartes, Maëlle, étudiante en deuxième année manifeste avec une maison en carton sur la tête, recouverte du message "Sans fonds, maisons en carton". "C’est parce que nos études ne sont pas assez financées et sans études satisfaisantes, on ne pourra pas faire les constructions qui vont. On ne pourra pas faire des choses qui répondent aux attentes de la transition écologique", explique-t-elle. Une maison en carton, menace d’un futur avec des architectes sous-formés.