Aujourd'hui sort dans les salles de cinéma un fil événement : "Bâtiment 5". Tourné en Île-de-France, plus précisément en Seine-Saint-Denis, le long-métrage aborde le sujet du mal-logement dans les quartiers prioritaires mais aussi la rénovation urbaine et l'engagement des jeunes des quartiers pour la vie publique. Pour en parler, Jean-Baptiste Pattier accueillait Ladj Ly le réalisateur et l'une des actrices.
Anta Diaw vous incarnez le personnage d'Haby, présentez-le nous
Anta Diaw : C'est une jeune femme, figure de son quartier. Elle est présidente d'une association, elle aide les personnes dans leurs démarches administratives et décide de s'engager en politique pour aider les siens.
Qu'est-ce qu'une Française aujourd'hui ?
Anta Diaw : Une Française aujourd'hui, c'est Haby. Une jeune femme qui est fière d'être Française, qui a des convictions, qui se bat, qui connaît ses droits et qui veut les appliquer.
Dans ce film, on est du côté des jeunes du quartier, des habitants qui vont être expulsés, mais aussi d'un maire qui est assez méprisant vis-à-vis de ses administrés. Personne ne se comprend, personne ne s'écoute réellement, est-ce que c'est votre constat de la société Ladj Ly ?
Ladj Ly : Bien sûr, on s'en rend compte avec ce personnage de maire qui est parachuté, sans vraiment être élu, qui est amené à prendre des décisions dramatiques pour les habitants. C'est un vrai problème dans notre société, le fait que les gens ne se parlent plus, ne s'écoutent plus.
À l'étranger ce film s'appelle "Les Indésirables", pourquoi est-ce qu'en France il se nomme "Bâtiment 5" ?
Ladj Ly : J'ai voulu rendre hommage à ce fameux bâtiment 5 dans lequel j'ai grandi. Je me rends compte que, dans toutes les cités de France, on a un bâtiment 5. C'est une façon de rendre hommage à tous ces quartiers en France.
Vous avez grandi à Montfermeil en Seine-Saint-Denis. Ascenseur en panne, restaurant clandestin, est-ce que tous les faits qui sont relatés dans ce film vous les avez vécus ?
Ladj Ly : Tout est inspiré de faits réels [...], je pars du principe que mon cinéma c'est avant tout de décrire ce que j'ai pu vivre, ce que ces habitants du quartier ont pu vivre donc oui, tout est inspiré de la réalité.
Le thème de la violence revient également, dans la réponse du maire, dans la réaction des habitants. En quoi, selon vous, notre société est-elle violente ?
Anta Diaw : Ce que je trouve intéressant justement dans le film c'est comprendre comment est-ce que la violence du maire, par exemple, peut amener les habitants à se cloîtrer sur eux-mêmes, à éviter tout dialogue et à aboutir à des scènes de violence.
Côté politique, le constat est assez difficile : le maire est méprisant, l'ancien maire était corrompu, un autre homme du quartier, engagé, est clientéliste. Quelle est votre image de la vie politique ?
Ladj Ly : La politique de la ville reste quand même un échec ces 20-30 dernières années. On se rend compte que les choses n'évoluent pas, on a perdu confiance en nos politiques alors qu'ils sont censés apporter quand même des solutions. Il y a une méfiance vis-à-vis de nos politiques et c'est ce que le film dénonce parce que, malheureusement, ce sont beaucoup d'arrangements, de compromis, de magouilles.
Il y a aussi un message d'espoir à travers le personnage d'Haby
Anta Diaw : Ce qui est important, c'est qu'on a tous cette colère mais l'idée c'est d'utiliser cette colère à bon escient et de ne pas tomber dans le piège de la violence. Ce que je trouve intéressant c'est justement de comprendre à la fin que certes, on vit des situations difficiles mais qu'à un moment, c'est peut-être aussi à nous de s'interroger sur notre combat et d'essayer de faire bouger les choses.
Il y a beaucoup d'abstention dans les quartiers mais il y a aussi un fort engagement associatif
Ladj Ly : L'associatif c'est bien beau mais il faut aussi s'engager politiquement, c'est pour ça qu'on encourage toute cette nouvelle génération à aller chercher sa carte d'électeur, à créer des partis et à s'impliquer politiquement. C'est un devoir de le faire aujourd'hui.
Vous êtes actuellement en tournée pour les avant-premières, quels sont les retours du public ?
Anta Diaw : On a rencontré plus d'une Haby. À chaque avant-première, on a une personne qui vient nous dire qu'elle a l'impression qu'on décrit vraiment sa vie.
Ladj Ly : On a de très bons retours, on est agréablement surpris. On se rend compte que le film touche, que les habitants des quartiers arrivent à se reconnaître dans cette histoire et on se rend compte que ça ne touche pas que les quartiers. Le problème du logement concerne plus de 6 millions de mal logés en France donc c'est un problème national. C'est un film qui doit être vu et c'est un film qui est important.