Alors les restaurateurs continuent d’appeler les sociétés d’assurance à faire davantage d’efforts face aux pertes d'exploitation, le président du groupe Eclore a décidé d’assigner le groupe AXA devant le tribunal de commerce.

Alors que de nombreux gérants de commerces touchés par la crise sanitaire restent dans l’incertitude, lui affirme être le premier restaurateur à lancer une telle action en justice dans le contexte de confinement. Stéphane Manigold, le président du groupe Eclore, a décidé d’assigner son assureur AXA devant le tribunal de commerce de Paris. D’après l’entrepreneur, dont les quatre établissements parisiens – La Maison Rostang dans le XVIIe arrondissement, Substance dans le XVIe, Contraste dans le VIIIe, et Le Bistrot d’à côté Flaubert dans le XVIIe – sont fermés depuis le 14 mars dernier, le groupe "se soustrait à ses obligations" en refusant d’exécuter la garantie contractuelle couvrant l’indemnisation au titre de ses pertes d’exploitation.Et ce, alors "qu’aucune exclusion ne s’applique" selon lui : "J’ai rempli ma déclaration de sinistre. Mais pour s’exonérer de son obligation contractuelle, alors même que ma police d’assurances prévoit "une extension pour les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité", AXA ne reconnait pas le pouvoir de police du ministre des solidarités et de la santé. Ce qu’on conteste."

Ça va au-delà d’un combat personnel

Pour la grande majorité des entreprises en France, les garanties ne couvrent que les baisses de revenus liées à un dommage matériel, ce qui n’inclut ainsi pas la pandémie de coronavirus. Mais même s’il fait partie d’une minorité, Stéphane Manigold – dont les restaurants rassemblent 52 salariés – souligne qu’il est loin d’être le seul concerné par son type de contrat : "J’espère que mon assignation profite aux 6 000 entreprises qui disposent d’une police d’assurance identique à la mienne". Le restaurateur, qui dit avoir rédigé une tribune signée par près de 2 000 chefs d’entreprise, a également lancé un site pour aider les entrepreneurs à effectuer leurs déclarations de sinistre. "C’est la première chose à faire, selon lui. Ça va au-delà d’un combat personnel". "Mais on ne veut bien entendu pas encourager un engorgement des tribunaux en pleine crise sanitaire, et faire prendre des risques inutiles pour des contrats commerciaux, c’est ridicule", précise Stéphane Manigold. "La communication des assureurs répète depuis le début que les garanties ne sont pas mobilisables, et ça rentre dans la tête des chefs d’entreprise, explique le restaurateur. Quand on gratte derrière le vernis, les digues tombent. La MAAF, contrairement à AXA, a commencé par exemple à indemniser pour un total de près de 300 millions d’euros les hôtels et restaurants fermés. Certains jouent le jeu." L’entrepreneur conteste aussi l’idée qu’une forte participation des assureurs mettrait à terre leur secteur : "C’est une plaisanterie. Ils parlent de risque systémique mais ce n’est pas documenté. Les assureurs ont des liquidités disponibles : leur chiffre d’affaires a atteint 220 milliards d’euros en 2018, et le total des encours en assurance vie recensé est de 1 700 milliards d’euros."

Quand un gouvernement prend une décision de fermeture d’entreprises, on ne peut pas parler d’aléa

Contacté, AXA se dit "conscient des difficultés du Groupe Eclore" mais explique ne pas avoir intégré dans ses garanties contractuelles "d’éléments pouvant amener à la prise en charge de la perte d’exploitation lors de décisions par arrêtés ministériels consistant à interdire de façon généralisée l’accès au public à certains établissements pour lutter contre la propagation d’un virus". "Nous ne pouvons déroger au principe même de l’assurabilité d’un risque qui repose sur la mutualisation et l’aléa, poursuit le groupe. En ce qui concerne une pandémie, par son caractère systémique et global, elle empêche toute mutualisation puisque l’ensemble de la population est touché en même temps. De plus quand un gouvernement prend une décision de fermeture d’entreprises, de restaurants, de commerces on ne peut pas parler d’aléa."

Un régime d’assurance des pandémies en préparation

Lundi soir lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron avait en tout cas envoyé un message aux assureurs, souhaitant que le secteur soit "au rendez-vous de cette mobilisation économique". Et Matignon a depuis annoncé que les assureurs avaient pris de nouveaux engagements, en portant collectivement à 400 millions d’euros leur contribution au fonds de solidarité lancé par le gouvernement pour soutenir les très petites entreprises et les indépendants.

C’est un effort de guerre

Les assureurs promettent également des gestes commerciaux en faveur de leurs assurés pour un montant estimé à 1,35 milliard d’euros, de soutenir la relance de l’économie avec un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros, mais aussi de travailler sur un régime d’assurance des pandémies. D’après Stéphane Manigold, "ce n’est pas à l’Etat de voler au secours des assurances" : "C’est un effort de guerre, sinon on risque une casse économique terrible. Le président devrait regarder ce que l’Allemagne a obtenu mardi de la part des assurances après un bras de fer, les assureurs vont devoir participer pour indemniser les commerces fermés et touchés par la crise." De son côté, AXA explique s’être "fortement engagé" notamment via la contribution au fonds de solidarité, en affirmant être "le premier contributeur" du dispositif avec 54 millions d’euros. Le groupe avance aussi avoir "pris cette semaine de nouvelles mesures exceptionnelles" avec au total, 200 millions d’euros qui seront redistribués à ses clients, en évoquant notamment un gel du niveau des cotisations "sur l’ensemble des contrats Multirisques Professionnels, Multirisques agricoles, Matériel agricole, et Responsabilité Civile Professionnelle à compter du 14 avril et jusqu’à la fin de l’année 2020". Enfin, la société rappelle avoir lancé d’autres actions, comme un soutien financier à la recherche portant sur le coronavirus, et un don de deux millions de masques à l’AP-HP. La Fédération française de l'assurance, elle aussi, défend la profession. Maintien des garanties malgré les retards de paiements, indemnisations journalières des personnes fragiles… Florence Lustman, la présidente de la FFA, avait ainsi publié une tribune dès le 2 avril pour mettre en avant les mesures prises par les assureurs, en évoquant un impact – en prenant en compte aussi des effets directs de la crise – chiffré alors à "plus de trois milliards d’euros" pour le secteur.

Stéphane Manigold, lui, explique "ne pas avoir attendu pour être solidaire". "Mes chefs préparent tous les jours des plats pour le personnel soignant, raconte le restaurateur. Ils produisent une centaine de repas, chaque matin."

 
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