Lola Fourcade, pédopsychiatre et médecin praticien à l’Hôpital Necker alerte sur l’ampleur de la crise psychologique chez les enfants et les adolescents du fait de la situation sanitaire et des confinements à répétition.
La santé mentale des enfants et des adolescents fait partie des principales problématiques de la crise sanitaire actuelle. La Société Française de pédiatrie rapporte que les passages aux urgences et les hospitalisations d’enfants pour motifs psychiatriques ont connu une "augmentation sans précèdent" avec notamment une augmentation de 80 % des troubles de l’humeur chez les enfants de moins de 15 ans aux urgences. Face à cette crise psychologique chez les jeunes, Lola Fourcade, pédopsychiatre et médecin praticien à l’Hôpital Necker alerte et craint des conséquences et des actes graves qui pourraient être les résultats d’une année de perte de repères pour la jeunesse.
Quelles sont les conséquences psychologiques du confinement sur les enfants de 3 à 6 ans ?
À cet âge-là, les enfants sont dans un processus continuel de socialisation. Cette socialisation passe notamment par la séparation avec les parents au moment de l’entrée à l’école. L’enfant a besoin d’être loin de ses parents pour travailler la question de son lien social sur lequel travaille l’école maternelle. Ce qui inquiète les enfants dans le cas du confinement, résulte dans le fait que les parents occupent toutes les places. Il n’y a plus de séparation entre les fonctions des parents et du maître ou de la maîtresse puisque les parents sont présents en permanence. Cette impossibilité de la séparation des rôles et d’avoir en l’école un exutoire par rapport à la maison a aggravé entre autres les troubles du sommeil chez les enfants de 3 à 6 ans.
Quels types de troubles psychologiques présentent les jeunes que vous recevez en consultation actuellement ?
Les motifs pédopsychatriques sont variés. Cela peut être aussi bien des troubles anxieux, des troubles du sommeil en allant jusqu’à des tentatives de suicide. On a jamais eu autant de tentatives de suicide par défenestration d’enfants de tout âges que ces derniers temps. Les enfants n’ont plus d’appuis extérieurs pour leur développement psycho-affectif comme peuvent l’être, la culture ou le sport. De plus, la mise en place du couvre-feu a limité notamment chez les adolescents le temps intersticiel entre l’école et la maison. Tous ces facteurs sont propices au développement de troubles psychologiques.
On a jamais eu autant de tentatives de suicide par défenestration d’enfants de tout âges que ces derniers temps.
Comment se traduisent les effets psychologiques du confinement chez les adolescents ?
Le confinement et la fermeture des écoles amène à une restriction du champ social notamment chez les adolescents. A l’adolescence, il y a une nécessité de désidéaliser les parents et de s’identifier en rapport à ses pairs qui devient impossible à réaliser dans le cadre d’un confinement. Pour les familles dysfonctionnelles, le champ social, à travers le recours au sport ou à des sorties culturelles permet souvent de s’extraire des dynamiques familiales dysfonctionnantes. Aujourd’hui, ce recours est impossible.
Quelle est l’ampleur de la crise psychologique chez les jeunes au sein de votre service ?
Il y a une accélération du nombre d’enfants qui arrivent à l’Hopital Necker pour des motifs pédopsychiatriques. À titre d’exemple, nous avons habituellement 5 entrées par semaine pour de tels motifs et nous avons récemment enregistré 5 entrées en une seule journée. Nos équipes sont débordées. Les hôpitaux psychiatriques sont saturées et nous sommes parfois contraints de renvoyer chez eux des enfants dans des situations encore précaires par manque de place et de moyens. Nos agendas de consultations sont pleins pour les mois à venir. Les patients qui arrivent habituellement au fil de l’eau arrivent aujourd’hui tous d’un coup.
Nous sommes parfois contraints de renvoyer chez eux des enfants dans des situations encore précaires par manque de place et de moyens.
Quels sont les recours auxquels les parents peuvent faire appel afin que leurs enfants ne sombrent pas en ces temps compliqués ?
Il ne faut pas hésiter à consulter des professionnels. Faire appel à un psy ne doit pas faire peur aux familles. Bien au contraire, c’est une manière de prévenir contre des dérives qui peuvent être dangereuses et mener à des actes graves. Cette vague psychologique est une des crises majeures en France actuellement. Plus ces problèmes sont traités tôt plus la réponse et les traitements que nous pourrons y apporter seront efficaces. Il faut que les jeunes puissent consulter des psychiatres sans avoir peur pour éviter que plus de drames ne surviennent.