Être fonctionnaire et vivre à Paris : l'impossible défi ?

Nouvelles constructions, mutualisation des ressources existantes : le gouvernement planche mercredi à Bordeaux sur des remèdes aux difficultés de logement des fonctionnaires, dont le salaire de base a longtemps été gelé tandis que les prix de l'immobilier grimpaient en flèche. Avec l'Île-de-France en tête.

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"Pendant deux ans, j'ai habité chez mon frère sur le canapé", raconte Anne-Marie, une conservatrice de bibliothèque revenue travailler à Paris en 2019 après plusieurs années dans les Alpes-Maritimes. "Quand je suis arrivée, je gagnais moins de 2 500 euros", poursuit-elle. Avec ce salaire, "je n'aurais pu me loger que dans un studio, à plus de 45 ans", déplore Anne-Marie, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille. 

La délivrance est finalement venue d'un changement de situation familiale : "j'ai rencontré quelqu'un, on s'est installés ensemble et j'habite maintenant à Montreuil (Seine-Saint-Denis, ndlr) en couple." Comme Anne-Marie, de nombreux fonctionnaires peinent de plus en plus à se loger. Selon le ministère de la Fonction publique, en 2023, à peine 20% des demandes de logement social ont été satisfaites dans la fonction publique d'Etat (21 000 logements attribués pour 105 000 demandes).

Une situation "insoutenable"

Pour tenter d'apporter des solutions, le gouvernement a créé en 2023 un Comité interministériel du logement des agents publics (Cilap), qui s'est réuni mercredi pour la troisième fois, au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. "Réunir le Cilap à Bordeaux, ce n'est pas anodin", souligne le ministère de la Fonction publique. 

Le député Renaissance David Amiel, chargé en novembre d'une mission sur le logement des agents publics, a en outre présenté mercredi ses conclusions à Stanislas Guerini et Guillaume Kasbarian, le ministre délégué au Logement.

En matière de logement, la situation des fonctionnaires est "insoutenable", alerte-t-il dans son rapport final. David Amiel propose plusieurs pistes, comme l'extension de la garantie Visale (caution gratuite) à certains fonctionnaires de plus de 30 ans, la réservation aux agents publics de quotas de logements sociaux et intermédiaires ou la création d'un Action Logement du secteur public.

"Deux fois en prison"

Cité dans son rapport, un surveillant de la prison de la Santé à Paris estime être "deux fois en prison. Dans la journée, quand je travaille" et "le soir, quand je rentre chez moi", se désole-t-il.

Le rapport de David Amiel chiffre à une centaine de millions d'euros l'effort financier supplémentaire que devraient fournir les employeurs de la fonction publique d'Etat en matière de logement.

Selon le gouvernement, "les ministres vont regarder avec beaucoup d'attention chacune des recommandations, certaines vont faire l'objet de déclinaisons réglementaires (décrets ou arrêtés, ndlr) et d'autres devront donner lieu à des modifications législatives", par exemple dans la réforme de la fonction publique portée par Stanislas Guerini et attendue à la rentrée. 

"Le logement représente près de 20% du budget des Français aujourd'hui", chiffrait l'exécutif en juillet. 
Or la valeur du point d'indice, qui sert à calculer le traitement (salaire de base) des fonctionnaires, a été quasiment gelée entre 2010 et 2022.

S'éloigner de la capitale pour trouver un logement 

Avec un pouvoir d'achat en berne, "de nombreux agents publics" ont été contraints de se loger plus loin de leur lieu de travail et d'effectuer "parfois plus de deux ou trois heures de transport" au quotidien, soulignait le gouvernement à l'été 2023.

Pour Clément, enseignant dans une université parisienne, "le fond du problème, c'est que le salaire ne suit pas du tout". Cet agent contractuel payé 2 800 euros nets par mois, auxquels s'ajoutent 8 000 euros de primes annuelles, a passé "huit mois à chercher" un logement T3 (avec deux chambres) pour pouvoir accueillir l'enfant qu'il a eu avec son ex-compagne.

Les initiatives du gouvernement en matière de logement sont surveillées de près par les syndicats. 
Mi-décembre, la FGF-FO (2e syndicat) jugeait ainsi qu'il y avait "urgence à mettre en place une vraie politique de logement globale".

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