« L'important c'est de participer » la devise des JO est aussi celle de Giampiero Mancinelli. 25 ans d'athlétisme, des médailles en amateur et 5 participations aux Gay Games. Loin de l'esprit de compétition, il sera à Paris pour partager et vivre des sensations uniques : le sport fait des miracles.
Tout commence en 1991, quand il arrive aux Etats-Unis. A San Francisco. Giampiero Mancinelli n’a qu’une idée en tête : se mettre au sport. Avec une préférence pour le foot et l’athlétisme. Et une peur, celle d’être rejeté à cause de son inexpérience et de l’homophobie qui existe dans le monde du ballon rond.
« Enfant, je me contentais de suivre les matches à la télé. J’étais inconsciemment bloqué. Je venais d’une petite ville italienne et je pensais que j’étais seul au monde. Je n’arrivais pas à penser au sport même si j’en rêvais. »
Le sport LGBT peut être synonyme de liberté
Sa thèse en poche, il se met à bosser et ne sort pas beaucoup, mais commence à jouer au foot avec l’équipe de son boulot. Au départ il son homosexualité. Très vite il entre en contact avec les Clubs LGBT de San Francisco et découvre la liberté. « Tout à coup, un nouveau monde s’est ouvert à moi. Je ne pensais pas que cela puisse exister ». Au sein de son club de foot, il découvre la bienveillance, la solidarité et l’entraide. Et des amis. Loin de l’esprit de compétition.C’est à cette période qu’il entend parler pour la première fois des Gay Games. « Ceux de 1998 étaient à Amsterdam mais mon équipe de foot n'y allait pas. C'était la première fois que les Gay Games n'étaient pas aux Etats-Unis ou au Canada. Je voulais vraiment y aller alors j'ai cherché une équipe. Finalement j’ai trouvé l’équipe de foot de Los Angeles qui cherchait des joueurs et je suis parti là-bas avec eux »
L’émotion des premiers Gay Games à Amsterdam
La cérémonie d'ouverture dans le stade de l’Ajax à Amsterdam le bouleverse.Pour ces premiers Gay Games, je ne savais pas à quoi m'attendre. Mais j’étais très excité d’y aller. C’était mes JO à moi…rien de moins.
« C’était fou d’être là. Les gens, la musique, la joie. Pour la cérémonie d’ouverture, nous avons défilé par pays et c'était magique. »
Les Gaygames de Paris 2018, c'est parti avec la traditionnelle marche en l'honneur des victimes du SIDA, ce matin de l'hôtel de Ville jusqu'au Carrousel du Louvre
Porté par cet esprit, en rentrant c’est la révélation : « J’ai rejoint une équipe d’athlétisme fondée par Tom Wadell le fondateur des GG.
L’italien timide se transforme en sportif aguerri et libre. Il s’entraîne avec eux et depuis, participe à tous les Gay Games.J’avais l'impression de m'inscrire dans l'histoire du sport et des mouvements LGBT. Ils m'ont accueilli de façon magnifique. J'ai adoré. C’était simple. Évident.
« Ce que j'aime avec l’athlétisme, c’est que tout le monde peut participer peu importe son niveau. Et tout le monde gagne contrairement au foot où la sélection existe de fait. En athlétisme personne ne perd."
Les derniers sont applaudis comme les premiers. davantage parfois.
Le sport comme nouvelle famille
Les Gay Games sont devenus l’addiction de Giampiero. Une famille même, qui lui permet de réaliser son rêve : faire du sport dans la plus grande bienveillance. Et ça c’est déjà un miracle pour lui.« On se revoit à chaque GG et les anciens accueillent les nouveaux. C’est familial, c’est l'inverse de la compétition. Et la solidarité reste le plus important. »
Pour Giampiero, le sport aujourd'hui a perdu l'esprit de Coubertin. « Il faut gagner, il faut gagner. On a recours même recours au dopage pour gagner. Alors qu’aux Gay Games, c'est le sport pour le sport, l'amitié et la paix. Vraiment les premières valeurs de Coubertin pour les JO. Le fait que ce soit des gays qui l'organisent c'est marginal. C'est pour le côté historique. Quand on connait ce type de rejet, ce sont des valeurs qui nous tiennent à cœur. »
Il fonde une association friendly, pour combattre l'exclusion et la peur
Quand Giampiero arrive à Marseille, il y a dix ans, il cherche à recréer l’esprit Gay Games et sa bienveillance. En 2013, il fonde l'association MUST. Marseille United Sport pour Tous.
Et le « Pour Tous » c’est le plus important.
Ce n’est pas du communautarisme, surtout pas. Tout le monde doit pouvoir venir se défouler, donner le meilleur de lui-même, être soutenu par Tous. Ne pas être exclu.
« Quand il y a un nouvel adhérent, peu importe son aspect physique et son histoire, les référents et les entraîneurs bénévoles savent qu’il doit être bien accueilli. Tout de suite on lui fait la bise. J’ai découvert en France l’importance de la bise. Quand les gens arrivent ils s'habituent à se faire la bise. Cela crée tout de suite de la proximité physique, cela veut dire : tu es en famille, tu fais partie du club. C'est pour cela qu'il y a beaucoup d'hétéros qui se sont inscrits. Notre club est friendly, dans les deux sens. »
La visibilité et la valeur de l’exemple
Giampiero se démène pour partager et rendre visible son association. Ils organisent des apéros l’été sur la plage du Prophète, tous les mercredis soirs.
On est entre 30 et 70. On plante un drapeau Gay sur la plage.
"La première fois que j’ai installé ce drapeau, je me suis interrogé sur les réactions possibles. Sur cette plage, il y a tous les âges, tous les milieux et toutes les religions…Et rien ne s’est passé !!! On joue au volley, à la pétanque sur le sable, les gens nous sourient nous regardent. Les gens ne sont pas opposés. Les idées reçues doivent être combattues par tous les moyens ». Même par petits pas...
Ces apéros sont un pas vers l'acceptation. La visibilité est essentielle pour l’exemple, le modèle. « Les gens qui n’osent pas sortir du placard nous voient aussi. Si des homosexuels se tiennent main dans la main dans la rue et croisent quelqu'un qui a du mal à s'exprimer et assumer, cela lui réchauffe le cœur. Un tee shirt avec le drapeau gay donne une image positive de la ville. Soit c'est un touriste comme nous, soit il se dit : tiens, c'est une ville tolérante... une ville pas si dangereuse que ça. »
Et parfois, des miracles
Dans son association, Giampiero assiste à des petits miracles. Comme cet homme qui débarque un jour dans son association, sans savoir que c'est une association LGBT Friendly. Hétéro, musulman converti, assidu du stade Vélodrome, il vient pour jouer au foot. Puis il se rend enfin compte que c’est une association LGBT. « je me souviens de ce jour là. On allait jouer au foot en voiture. A l’arrière sur la banquette, il y avait deux transsexuels et cet homme posait des questions basiques, très décalées. Je me suis dit « ça va pas être possible ». Au fur et à mesure, on a fait son éducation. Il m'a avoué qu’au départ il pensait que tous les gays étaient des malades et qu'il fallait les tuer, aujourd'hui il est investi et référent pour le foot. Il distribue des flyers sur le Vieux Port pour promouvoir notre asso LGBT friendly, c'est un truc de fou....un miracle. »
Car à Marseille, comme dans beaucoup d'autres villes, il y a encore du chemin…
La ville commence à s’ouvrir même s’il reste encore beaucoup de peur dans la communauté LGBT. Avec parfois des actes homophobes violents. A titre personnel, cette violence il l’a connu il y a 10 ans.
Cela fait 3 mois que Giampiero se promène main dans la main avec Elie dans les rues. Ils s’embrassent ici ou là et n’ont jamais eu d’altercation avec les passants. Sauf une fois, quelqu’un qui a craché parterre à côté d’eux. « Un acte isolé, car il y a plutôt de la sympathie, de la curiosité bienveillante. Je pense que les gens commencent à s’habituer à notre communauté. »J’embrassais mon amant de l’époque en bas de mon immeuble. On a reçu des projectiles et des objets en métal.
A Marseille la Gay Pride reste confidentielle.
« Quand on distribue des tracts pendant la parade, certains nous regardent encore droit dans les yeux en prenant nos tracts et les laissent tomber par terre devant nous en nous fixant…»
L’éducation essentielle dès le plus jeune âge
Giampiero le sait bien, le foot est encore le théâtre de l’homophobie ordinaire. Il n' y a qu'à écouter les chants dans les stades. Où le supporter a une imagination sans fin pour caractériser chacun des adversaires autour du concept de la sodomie. « ils ne se rendent sûrement pas compte de ce qu'ils chantent, qu’ils utilisent un vocabulaire homophobe en chantant !!! »
Notre héros ne laisse pas passer les réflexions. « Un jour pendant un entraînement, j’ai entendu des gamins dire « on est pas des pédés » J’ai tout de suite répondu « moi oui » et je suis allé voir leur entraîneur qui m'a répondu « Ah, mais ce ne sont que des enfants ». J’ai répliqué « Justement, si on laisse faire à cet âge là, à 30 ans, ils risquent de tabasser des homos. »