Gay Games : Stephen Kovacev le miraculé du SIDA participe pour la 8ème fois

Stephen Kovacev est un survivant. Séropositif dès 1988, il court son premier marathon aux Gay Games de Cleveland en 1990. En 1997, il est le 1er malade du SIDA à finir un marathon. Après un cancer, il participe à ses 8èmes jeux à Paris.

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Stephen vous regarde et toutes les questions s'évaporent.

Il est le survivant. L'un des derniers parmi les "long time survivors".  Ces rares malades de longue date au pire moment de l'épidémie du SIDA avant 1995. Ceux qui sont toujours là quand la plupart des séropositifs développant le HIV ne durait pas plus de trois mois.
"Vous savez nous sommes tous en sursis" m'explique t-il aujourd'hui.

Là, sur son lit d'hôpital en 1995 il était prêt à partir. 

You lost the will to live. Tu es déjà passé de l'autre côté, tu as perdu l'envie de vivre.

Lui dit sa guide spirituelle;  "qu'est ce qui pourrait te donner envie de continuer, Stephen ?" Sur la terrasse parisienne ensoleillée de ce mois d'août caniculaire, le visage sans fantôme ni stigmate du miraculé n'a rien oublié du moment où il touchât le fond pour revenir parmi les vivants : 

"courir à nouveau un marathon et faire l'amour une dernière fois, je lui ai dit ça mais au fonds, je n'avais qu'une envie reprendre la maxime de Frida Khalo : j'espère que l'issue est joyeuse; et j'espère ne jamais revenir". 

Un vie comme dans les chroniques de San Francisco

Quand Stephen déroule toute sa vie, on dirait du Armistead Maupin, sans San Francisco ni Rock Hudson mais avec New-York comme décor,  les fantômes du studio 54, les étés sous LSD à Provincetown, la révolution des travesti(e)s de Stonewall. Le petit gars de Boston aurait très bien pu écrire les mots de Maupin à sa mère, histoire de remercier son père catholique de l'avoir renvoyé -à 18 ans tout juste- de chez lui après l'avoir surpris avec le premier garçon de sa vie.

Etre gay m’a appris la tolérance, la compassion et l’humilité. M’a montré le potentiel infini de la vie. M’a fait rencontrer des gens dont la passion, la générosité et la sensibilité ont été constamment pour moi une source d’énergie. Être gay m’a fait entrer dans la grande famille humaine maman, et je m’y plais, je m’y sens bien.


En 1972, il suit à New-York l'étudiant en art dramatique qu'il avait croisé sur les quais du port de Boston. Jean faisait son service militaire dans les Coast Guard. Pour vivre, Stephen travaille "au bureau de l'harmonisation ferroviaire" le jour ; la nuit c'est la défonce -" j'ai toujours été à la recherche de spiritualité, le LSD c'était mon truc". Le reste du temps, il y avait les réunions de la "Gay Activist Alliance" avec les vétérans flamboyants de Stonewall. "En faisant son coming out, à l'époque, on perdait tout en Amérique, la famille, le boulot, tout... On était uniquement protégé dans le guetto du Village", rappelle Stephen. 

1982, l'amour de sa vie, Kevin. L'année des premiers Gay Games

C'est la fin du mois d'août à Provincetown. Stephen tombe sur un article du "Bay Window" la feuille gratuite locale. Quel été décidément, l'amour de sa vie Kevin l'a choisi et ce discours de Tom Wadell. L'ancien décathlonien des jeux des Black Panthers à Mexico en 1969. inaugure les premiers Gay Games à San Francisco. "Être out et concourir en étant partie intégrante de la communauté. C'était un rêve". 
 


Seulement voilà Kevin et Stephen doivent arrêter ce long summer of love avant d'envisager de participer. 

"Au lycée, le prof d'athlétisme n'a pas voulu de moi dans l'équipe alors que j'étais le plus rapide. J'ai toujours été une boule d'énergie, j'étais doué. La course m'a permis de décrocher du LSD. Le running est devenu ma nouvelle drogue". Kevin, à l'époque l'un des barman du mythique Studio 54, arrête les prises quotidiennes de Cocaine en devenant végétarien. 
Les deux amants ouvriront ensemble le premier restaurant Vegie dans l'East Village -"Manhattan Live" - en 1985.
 


En 1989, c'est le premier marathon pour Stephen à Boston : 3H30. Objectif les troisièmes Gay Games à Vancouver l'année suivante. Une fête.

1990 : Vancouver

L'enfer. Kevin est malade. Son SIDA déclaré. Il n'a pas la force d'accompagner Stephen au Canada. 
"Kevin était heureux d'entendre ma voix au téléphone, une fois la ligne d'arrivée franchie" sur la terrasse de Beaubourg le regard indestructible du héros se voile.

C'était très triste. Je n'étais pas certain que les Gay Games puissent survivre au SIDA. Tout le monde mourait. L'amour de ma vie ne pouvait pas être là. Kevin est mort trois mois après le marathon. 

Retour parmi les vivants

"I Was dying, it was a peaceful place. Je mourrais c'était un endroit tranquille" sur son lit en soin intensif Stephen résiste encore, il refuse toujours de prendre ces pillules d'AZT qu'on lui tend. Pas question de ce qu'il considère comme un poison. Depuis le début de son SIDA avec Kevin ils ne se soignent qu'avec des plantes en médecine parallèle. Bien lui en a pris. On le sait aujourd'hui : le premier médicament présenté comme capable à l'époque de bloquer le virus s'est révélé totalement inefficace et toxique. 

Une renaissance
Début 1996, avec une charge de lymphocythes T4 à 0, seules les thérapies holistiques l'aident à survivre. "J'ai réalisé grâce à mes maîtres que j'avais envie de vivre à nouveau et les combinaisons thérapeutiques sont arrivées, j'ai dépensé mes dernières économies et un an plus tard, j'étais le 1er malade du sida dans le monde à finir un marathon et avec une Charge de 450 T4. Une renaissance incroyable. Après ça c'était tellement spectaculaire qu'on m'a sélectionné pour participer à traverser l'Atlantique à la voile de Californie Jusqu'à Hawai  j'étais dans une équipe de malades du SIDA "les survivants". Nous avons été les héros d'un documentaire de HBO "Rock the Boat." Il a gagné l'oscar à Hollywood.".

À nous Paris

L'année dernière, une infection aux papillomavirus, l'oblige à un traitement contre le cancer. Ses défenses immunitaire plongent. Il retrouve ce corps des victimes du Sida qu'il connaît bien et pour l'avoir combattu en s'imposant des séances quotidiennes de body building au début de la trithérapie. Pas question de baisser les bras, Stephen sera à Paris quoiqu'il arrive. 
Les Gay Games, comme l'a dit Tom Wadell, "ont été créés pour changer le monde. Et nous avons réussi à changer le monde. Aujourd'hui les athlètes sélectionnés aux Jeux Olympiques sortent du placard pendant les JO. C'était totalement impossible au temps de Tom Wadell et du mien."
 

Pour le marathon des 10èmes Gay Games à Paris, Stephen n'a qu'un objectif : arriver à franchir la ligne d'arrivée. 

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