Avec la reprise de l'épidémie, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris envisage l'annulation de congés pour les personnels soignants. Si les médecins reconnaissent l'urgence de la situation sanitaire, ils s’inquiètent des conditions de travail toujours dégradées.
La pression hospitalière s'intensifiant à Paris et dans la petite couronne, Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a déclaré lundi sur Franceinfo qu'il souhaitait que "certains [personnels de l'hôpital] puissent renoncer à leurs vacances". Dans la foulée, il a annoncé que des mesures d'incitations seraient mises en place. Des mesures qui n'ont pas été détaillées mais qui reposent sur le triptyque garde d'enfants, d'heures supplémentaires et rachat de jours.
Arnaud Chiche, médecin anesthésiste-réanimateur président du "collectif Santé en danger" est en colère. "Martin Hirsch, n’a pas le choix", explique-t-il, "la suppression des vacances c’est la seule solution qui reste au gouvernement". Malgré des mois de pandémie de la Covid-19, le manque de moyens mis dans la santé, est toujours le même. "Le système français est sinistré", poursuit-il, "l’hôpital est en tension chronique depuis des années et dès qu’il y a un afflux de patients, on est dans l’impossibilité de faire face". "On compte alors, sur la bonne volonté des gens, leur dévouement... Les soignants sont fatigués de cette course sans fin".
Arnaud Chiche dont le collectif Santé en danger, revendique 154 912 personnes sur Facebook, considère que sa mission de médecin est de répondre présent face à cette crise sanitaire. "Je sais qu’on va faire le job", assure-t-il tout en s’agaçant de l’indifférence des pouvoirs publics. "Ça fait deux mois et demi que je demande à être reçu par le gouvernement". "De mars à septembre qu’est-ce qui a été fait pour pallier le manque de personnels à l’hôpital? Pas grand-chose !" répond-il. Et de poursuivre "le métier de soignant n’est pas attractif, ce n'est pas assez payé... On travaille dans des conditions ingérables. Comment voulez-vous attirer des gens dans ces conditions?"."Je sais qu'on va faire le job"
Une compensation financière
"Les personnels qui renonceront à leurs vacances devront être convenablement rétribués", explique Arnaud Chiche. Le collectif Santé en danger demande le versement immédiat d’une prime de 1 500 euros pour les soignants qui devront renoncer à leurs congés, ainsi qu’une augmentation de salaire immédiate à la hauteur de 300 euros, afin "d’aligner les revenus sur ceux des personnels soignants en Europe". "Si une semaine de congé est annulée" poursuit Arnaud Chiche "il faut qu'elle soit doublée c’est-à-dire que si on l'on pose cinq jours on doit en récupérer dix". Et enfin dernier point important, insiste-t-il "Martin Hirsch doit organiser les vacances des soignants". "Je veux qu’il réserve un centre de vacances" pour répondre à la question des soignants qui s'interrogent "comment on va me rendre ce temps, que je n'ai pas passé avec mes proches ?". "Il y a un risque de maladie, aujourd'hui il faut arrêter de jouer avec la santé des soignants et interférer sans arrêt sur leur vie privée", assène-t-il.Plutôt que de faire des mesures à la petite semaine, "d'obliger les soignants à renoncer à leurs vacances, ce qu'il faut c'est investir dans la santé, il faut ouvrir des lits, embaucher des soignants". "Le gouvernement doit investir dans la santé, c’est sa responsabilité". "J’appelle la classe politique de tous bords à réagir, pour sauver l’hôpital public."
Une décision politique
"Le besoin du patient passe avant tout", reconnaît de son côté Jean-Jacques Zambrowski, médecin hospitalier et professeur à l'université Paris-Descartes. Pour lui, la priorité c'est de répondre à l'urgence sanitaire et de sauver des vies. "Il faut répondre à l'urgence de la situation mais après je comprends le malaise que ressentent les personnels hospitaliers et la légitimité de leurs revendications". "Depuis des années, les hôpitaux crient famine, on n'a pas le personnel suffisant, on bidouille avec le matériel mais pour le personnel, c'est plus compliqué". "Assurément, les professionnels qui travaillent à l’hôpital ne sont pas payés à la hauteur de leur qualification et du coup on a beaucoup de mal à recruter", explique-t-il."Depuis des années on a voulu faire des économies sur la santé et non pas une économie de la santé", explique Jean-Jacques Zambrowski. "Il faudrait avoir une vraie politique de santé qui se fonde sur la réalité du système d'aujourd'hui et non pas sur celui des années 70. Les décisions sont dans les mains des politiques", martèle-t-il, "on a des idées mais la solution ne nous appartient pas".