Selon ce chercheur de l'Institut Gustave-Roussy (Val-de-Marne), on ne connaît pas l'efficacité des vaccins sur ces variants. Ceux fonctionnant à ARN Messager pourraient néanmoins être rapidement adaptés.
Selon le dernier bilan épidémiologique (qui a observé la semaine du 5 au 11 avril, "la circulation du SARS-CoV-2 en Île-de-France se maintenaient toujours à un niveau très élevé en cette troisième vague de l’épidémie". Pire, "la pression hospitalière restait très soutenue dans la région sans signe de fléchissement".
Ainsi le taux d'incidence reste élevé pour 555 cas pour 100 000 habitants. Cette situation s'explique notamment par la présence de "variants préoccupants, suspectés plus transmissibles et responsables de cas plus sévères".
Le variant britannique représente ainsi la grande majorité des nouvelles contaminations et celui sud-africain, 4,5 % (en légère augmentation). Seul espoir : la vaccination augmente petit à petit. A l'heure actuelle 14,1 % des Franciliens ont reçu au moins une dose.
Aymeric Silvin, chercheur en immunologie à l'Institut Gustave-Roussy situé à Villejuif dans le Val-de-Marne, suit de près la situation dans l'Hexagone.
Quels sont les principaux risques posés par les variants ?
Le variant britannique est aujourd'hui majoritaire. Il semble qu'il représente 82% des contaminations à l’heure actuelle. Le variant sud-africain est présent sur le territoire mais n'est pas en train de prendre le dessus pour le moment.
Le variant brésilien est un tout autre problème. On a très peu d'informations dessus. A l'heure actuelle, des mesures sanitaires inadaptées au Brésil en font un "incubateur" au coronavirus et des variants se multiplient là-bas. Si deux variants infectent une même personne, cette dernière peut être la source de recombinance, c’est-à-dire que ces deux virus vont s'associer pour n'en former plus qu'un. C'est ce qu'il s'est passé en Inde à New Delhi. C'est très inquiétant et révélateur de l’importance des mesures sanitaires.
A l'heure actuelle, le variant sud-africain semble être sous contrôle puisque le vaccin Pfizer et Moderna sont efficaces. Nous n'avons que peu d'informations sur l'efficacité des vaccins sur le variant brésilien. Et sur le recombinant indien, on ne sait pas du tout. Le recombinant indien et le variant brésilien représentent les plus grandes questions aujourd'hui. S'ils ne sont pas plus infectieux que le variant britannique, ils ne prendront pas le dessus. Il faudrait qu'ils soient plus infectieux que celui-ci pour le remplacer.
Pourquoi est-il si difficile de lutter contre les variants ?
Nous avons d'abord lutté contre la souche primaire, originale. Nous avions des systèmes : la distanciation, le port du masque, le confinement. Nous avons réussi à faire complètement chuter la dissémination du virus au cours de la première vague. A Paris, les gens avaient pris leurs habitudes et cela fonctionnait relativement bien.
Lorsque la deuxième vague a commencé, elle a mis du temps à se développer parce que la majorité des habitants ont suivi les gestes barrières. Le problème du variant britannique est que ce n'est plus exactement le même virus. Il infecte beaucoup plus facilement et les gestes barrières ne suffisent plus vraiment. Il faudrait augmenter la distanciation de 2 mètres au lieu d'un mètre et accepter de se rencontrer seulement en plein air. La contamination peut se passer très vite en milieu fermé et l’épuisement psychologique fait que l’on accepte de faire quelques exceptions. Ce qui est très dur pour les gens à comprendre, c'est que le virus évolue et les règles changent de manière à suivre cette évolution.
Or, le risque que l'on prend en ne contrôlant pas l'infection en France, c'est la naissance d'un variant qui pourrait être plus infectieux et peut-être plus mortel sur une tranche d'âge qui jusqu'à présent n'était pas en danger. Pour le moment, ce n'est pas le cas. Et malgré l'épuisement, les Français essaient de suivre au maximum les règles, ce qu'il faut continuer.
Quelle serait la bonne stratégie pour lutter contre le virus ?
Chaque pays a ses propres règles. En France, elles sont établies par le gouvernement français, de la même façon au Royaume-Uni ou au Brésil. Le problème d'un virus est que plus il va contaminer de personnes, plus la probabilité qu'il mute augmente. En mutant, il peut accumuler des mutations qui vont lui être délétères et être moins infectieux ou moins mortel. L'autre probabilité est qu'il mute et que ces mutations affectent des régions stratégiques dans son génome qui font qu'il devient plus infectieux. C'est le but d'un virus d'infecter le plus d'hôtes possibles afin d’assurer sa survie. Et parfois il peut devenir plus mortel ce qui n'est pas réellement à son avantage parce que s'il tue ses hôtes, il ne pourra pas se disséminer et survivre.
Lorsque certains pays ne mettent pas en place de confinements et laissent les populations sans règles sanitaires correctes, on prend le risque que le virus mute à l'intérieur des personnes infectées, dans un sens ou dans l'autre. La plupart du temps, ceux que l'on observe sont ceux plus infectieux ou plus mortels.
C'est très inquiétant parce que la pandémie n'est pas sous contrôle et malheureusement, à l'heure actuelle, les pays qui la contrôlent sont des pays qui ont mis en place des règles sanitaires drastiques et ont fermés complètement leurs frontières. Même en faisant cela, il est important de penser à l’échelle mondiale et ces solutions sont à court terme car est-on capable de soutenir la fermeture des frontières pendant des années ? Et si les vaccins ne protègent pas contre les nouveaux variants, ces pays se retrouveront dans la même situation qu'au début de l’épidémie. La meilleure stratégie est la vaccination mondiale réalisée à l’unisson ce qui semble malheureusement aujourd’hui utopique au vu de l’inégalité d’accès au vaccin. Une pandémie n’a que faire du patriotisme ou de l’individualisme. L’Europe, qui jusqu’à présent a fait l’effort de penser en commun, doit aujourd’hui se faire la voix de l’accès au vaccin pour tous auprès des autres puissances mondiales afin de mettre un terme au plus vite à cette pandémie.
Les vaccins représentent-ils une solution à long terme ?
Les vaccins représentent un énorme espoir. Il faut insister sur le fait que cette pandémie a ouvert les portes aux vaccins par ARN messager dans le cadre d’une infection virale. Ce type de vaccination donne une adaptabilité très rapide à l'évolution du virus. Demain, s'il venait à y avoir un virus complètement différent, on serait capable de produire un vaccin dans l'espace d'un mois. Mais est-on capable de produire assez de doses pour tous ?
Les vaccins AstraZeneca ou Janssen sont des adénovirus qui contiennent du matériel génétique du coronavirus. Le virus entier n'est pas fait pour infecter fortement l'homme mais l'infecter pour l'immuniser. Le vaccin à ARN Messager ne contient pas de virus. Un ARN Messager, aujourd'hui, peut être synthétisé en plusieurs heures. Si le virus mutait trop, les vaccins classiques pourraient être dépassés et pour en recréer un, il faudrait au moins 6-8 mois. Alors que ceux à ARN Messager pourrait être recréés en un mois. Même si nous devions nous faire vacciner régulièrement comme cela se passe pour la grippe, cette technologie reste une énorme avancée pour l’humanité.
Il faut garder espoir, on a des vaccins et des technologies qui nous permettront de nous adapter rapidement. Il faut aussi penser aux médecins et aux personnels qui travaillent dans les hôpitaux afin de leur exprimer notre gratitude immense. Surtout, il ne faut pas oublier d’avancer tous la main dans la main en favorisant l’accès aux vaccins partout dans le monde afin de stopper la propagation du virus et pouvoir envisager une vie sans masque et contraintes sanitaires sur du long terme.