"Rue des Archives" nous plonge dans la mémoire de l'audiovisuel. Cette semaine, place à l'histoire de la Grande Mosquée de Paris, célèbre institution parisienne, dont la construction a débuté il y a 100 ans.
Il y a 100 ans, la première pierre de la Grande Mosquée de Paris était posée, à deux pas du jardin des Plantes dans le Ve arrondissement. Quatre ans de travaux furent alors nécessaires pour achever sa construction, avant son inauguration, en 1926, en présence du président de la République Gaston Doumergue, et du sultan du Maroc.
L'institution, fréquentée par des dizaines de milliers de visiteurs chaque année, en plus des fidèles, est bien connue des Parisiens. Mais son histoire sans doute moins.
Durant la Première Guerre mondiale, "ce qui a motivé la création de cette mosquée en plein coeur de la capitale, c'est de donner des gages de remerciement aux musulmans tombés sur le front", explique Dorra Mameri-Chaambi, chercheuse à l’École des hautes études en sciences sociales.
Une raison officielle, à laquelle s'ajoute une aspect plus officieux, précise la chercheuse, auteure d'une thèse de doctorat sur le rôle joué par la Grande Mosquée de Paris dans l'islam de France. "La France voulait être confortée en tant que puissance musulmane d'Europe, face aux autres puissances impériales européennes et colonisatrices", poursuit-elle.
Sultans de Turquie et du Maroc, présidents français... Ils s'y sont rendus
La construction a été en partie financée par des fonds publics. "La première impulsion a eu lieu par le gouvernement français de l'époque", explique Dorra Mameri-Chaambi. En 1920, le rapporteur de la loi de finances, Edouard Herriot, député radical, grand partisan de la laïcité, fait voter un octroi de 500 000 francs au projet... 15 ans après la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat.
Les travaux débuteront alors en 1922, sur un terrain octroyé par l'Assistance publique. Des travaux pour lesquels "les musulmans de l'Empire colonial ont été invités à verser leur obole", explique la chercheuse.
Dès son inauguration, la Grande Mosquée de Paris, dirigée par Kaddour Benghabrit, reçoit la visite de dignitaires du monde entier. Sultan de Turquie en exil, sultan puis roi du Maroc, bey de Tunis... Et bien sûr, présidents de la République française.
"Mosquée réclame" pour Messali Hadj
Théologien, mais aussi diplomate, le premier directeur de l'institut Kaddour Benghabrit veut d'emblée faire de la Grande Mosquée un lieu de dialogue, entre musulmans et non-musulmans, au sein de l'Empire colonial français.
Une "belle endormie", qualifiée même de "mosquée réclame" par le militant nationaliste algérien Messali Hadj... L'institution n'est pas forcément bien perçue par la communauté musulmane, jusqu'au tournant des années 80.
"La Grande Mosquée de Paris reste une institution symbolique par excellence", analyse Dorra Mameri-Chaambi. "En revanche, face au pluralisme dans la représentation de l'islam en France, elle assume une place tout-à-fait discutable."
"La Grande Mosquée de Paris n'est pas au sommet du minaret de l'islam en France."
Dorra Mameri-Chaambi, chercheuse à l’École des hautes études en sciences sociales"Rue des Archives", 21 octobre 2022
Mais la chercheuse de conclure : "Elle garde la force de son symbole."
? "Rue des Archives", c'est chaque vendredi, à 11h50, sur France 3 Paris Île-de-France. Retrouvez l'intégralité du numéro #7, consacré à l'histoire de la Grande Mosquée de Paris.