Le dispositif Covisan prêt pour le déconfinement

"Casser la chaîne de transmission en détectant et isoler les porteurs du virus", c'est la mission du dispositif Covisan mis en place par l'AP-HP. En test depuis plusieurs semaines en Île-de-France, il entre pleinement en action à partir d’aujourd’hui. 

Covisan est un dispositif mis en place par l’AP-HP pour lutter contre la propagation du coronavirus. Il regroupe de multiples partenaires comme des municipalités, la ville de Paris, l’Agence régionale de santé, des médecins, des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), des centres médicaux-sociaux municipaux, ou encore des associations, Médecin Sans Frontières, la Croix-Rouge Française et des entreprises comme le groupe hôtelier Accor.

Son objectif : sécuriser le déconfinement en diagnostiquant des personnes atteintes du Covid-19 qui ne nécessitent pas d’hospitalisation et les aider à ne pas contaminer leur entourage, isolées chez elles ou à l’hôtel. Le professeur Renaud Piarroux, chef de service de Parasitologie à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris qui supervise ce dispositif, espère "de ne pas avoir de deuxième vague ou au moins, de limiter l’essor de la maladie de manière à ce que l’on ait le temps de réagir".

Le nerf de la guerre de Covisan est à Paris mais il s'appuie sur des structures médicales déja existantes comme les centres médicaux sociaux ou les CPTS, les communautés territoriales de santé. Des centres de dépistage Covid-19 et des équipes mobiles se déplaçant à domicile ont été constituées.

Le centre Covid-19 d'Aubervilliers

A Aubervilliers, en Seine-saint-Denis, le centre municipal de santé est l'un des premiers à avoir ouvert un espace dédié aux consultations Covid-19.

"Notre centre ambulatoire Covid regroupe une quinzaine de personnes, des médecins municipaux salariés de la ville, des médecins libéraux, des infirmiers, des médiateurs de santé ou des assistantes sociales. L’équipe est pluridisciplinaire et c’est cela l’intérêt du dispositif. Car il y a un volet médical et social. Le centre accueille des patients et nous nous déplaçons à leur demande", explique Fabrice Giraud, le directeur de la Santé de la Ville d'Aubervilliers en Seine-Saint-Denis.

Nous n’attendons pas que les malades viennent à nous. Nous allons vers eux

C'est le docteur Tania Kandel qui coordonne le dispositif Covisan pour la ville, en liaison avec l’hôpital Avicennes de Bobigny. Pour elle, il s’agit de repérer au plus tôt les malades du Covid-19 : "Un certain nombre de malades viennent à nous, au centre municipal. Ils peuvent être testés et accompagnés si besoin. Mais à Aubervilliers, 45 % de la population est pauvre. Il y a des travailleurs pauvres, des foyers de migrants ou des squats. Beaucoup de gens sont en situation précaire. Certains n’ont pas de médecin pour des raisons financières ou n’ont pas d’accès au droit. On ne peut pas attendre que les malades viennent à nous", souligne t-elleEt de poursuivre : "Nous avons fait beaucoup de communication auprès des associations des professionnels de santé, les infirmiers, les pharmaciens, les responsables de structures d’hébergement en expliquant comment repérer les malades et nous les orienter. Nous avons fait un travail de sensibilisation : le centre de santé accueille tout le monde sans distinction, sans discrimination ou stigmatisation. C’est une des spécificités d’Aubervilliers. Nous allons vers eux."

 "Nous sommes dans l’accompagnement de l’ensemble des besoins. On ne peut pas aller dans un foyer et distribuer des masques et repartir. Il faut répondre à d’autres questions, comment manger en étant en quatorzaine ? Comment éviter les violences au sein d’une famille ? On s’adapte à la réalité, on fait au mieux avec ce que les gens peuvent faire de mieux", affirme Tania Kandel, docteur en santé publique.

Je suis soignante avant tout. Je ne suis pas flic

Delphine Leclerc est infirmière sexologue à l'hôpital Avicenne et volontaire pour travailler au centre Covid-19 d'Aubervilliers depuis l'ouverture de ce  centre. Son travail : aller à domicile pour faire de la prévention et pour tester des personnes potentiellement atteintes par le virus. A raison de deux visites par jour en moyenne, elle a les mains dans le "cambouis"  pour reprendre ses mots. "Ce n'est pas simple pour certaines familles d'accepter notre visite. Cela peut être vécu comme une intrusion. Les gens n'ont pas des conditions de vie facile. Et ils ne sont pas toujours à l'aise. Certaines familles vivent dans de petits appartements, d'autres en foyer. Je ne gare pas ma voiture siglée AP-HP trop près. Je n'arrive pas chez eux avec une blouse pour ne pas les stigmatiser. Il faut savoir leur parler et expliquer des choses qui ne sont pas simples médicalement". Delphine Leclerc l'affirme, "Je suis soignante et bienveillante avant tout. C'est le sens de mon engagement dans le projet Covisan. Je ne suis pas flic. Je ne veux pas être confondue avec "les brigades sanitaires" du dispositif gouvernemental de traçage du virus". Même son de cloche pour Tania Kandel : "Il ne faut pas confondre le dispositif Covisan avec le dispositif gouvernemental mis en place par l’Assurance maladie. J’ai peur que le vocabulaire guerrier utilsé soit délétère pour Covisan", alerte-t-elle. 

Car chercher les personnes contact est aussi une mission sensible du centre Covisan d'Aubervilliers : essayer de retrouver des personnes qui auraient été en contact avec un patient malade. Des membres plus éloignés de la famille, des voisins. Pour l'équipe du centre d'Aubervilliers, cela demande d’établir une relation de confiance. "En ce qui concerne les cas contacts, les gens ont peur de la stigmatisation, la plupart nous disent qu’ils vont en parler à leur proches et revenir vers nous après. On perd 12 heures mais c’est le prix à payer pour garder la confiance des gens", confie le docteur Giraud. 
 

Des communautés de soignants partenaires de Covisan

A Paris, les CPTS, (Communautés professionnelles territoriales de santé, créés il y a plus d'un an pour répondre au manque de médecins) font partie du dispositif Covisan. Il en existe plusieurs. Dans les XXe, XIIIe, XIVe ou Ve arrondissements de la capitale. En première ligne : les médecins généralistes consultés à leur cabinet par leurs patients pour être dépistés et soignés.

Nous sommes tous des soignants de l’arrondissement, ce sont nos patients habituels. Nous avons un lien de confiance.

La CPTS regroupe tous les professionnels de santé de l’arrondissement. "Nous sommes 80, médecins, infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes, orthophonistes", détaille le docteur Denis Lemasson, médecin généraliste et membre de la CPTS du XVIIIe arrondissement. C’est lui qui a été en charge du développement des équipes mobiles dans ce quartier parisien. Quatre binômes de deux, étudiants en médecine et professionnels de santé pouvant faire jusqu’à cinq visites à domicile par jour.

Tout comme à Aubervilliers, le dispositif est similaire ici. "Les équipes se déplacent chez une personne, à la demande du généraliste et avec l’accord du patient pour le tester, lui ou ses proches, distribuer des masques et du gel et aider à organiser le confinement à domicile ou à l’hôtel", explique le docteur Denis Lemasson. Pour lui et ses confrères, pas question de parler debrigades sanitaires". Terme jugé "trop militaire" et "contre-productif" selon le praticien, ancien membre de Médecins sans frontières.

"Nous sommes là pour soigner les gens et aider les gens à se protéger. Il n’y aucune obligation. Rien n’est imposé. Si les gens ne veulent pas de visite à domicile, nous n’insistons pas. Les équipes mobiles sont des soignants soumis au secret médical, ce ne sont pas des bénévoles", poursuit Denis Lemasson.

Nous sommes tous des soignants de l’arrondissement, ce sont nos patients habituels. Nous avons un lien de confiance. Et c’est cela qui va renforcer l'adhésion au dispositif. Si on ne travaille pas comme cela, les gens vont avoir peur et le combat contre l’épidémie ne marchera pas", conclu t-il. 

Autre aspect du dispositif Covisan, l’hébergement à l’hôtel

Dans le XXe arrondissement, à proximité de l’hôpital Tenon, un hôtel d’une capacité de 25 chambres est prêt à accueillir ses premiers patients dès aujourd’hui. La Croix-Rouge française en est l’opérateur.

"Nous sommes en charge de la vie quotidienne des résidents dans le respect des gestes barrières, de la restauration via un prestataire, en passant par la blanchisserie ou la désinfection des lieux, du ménage on encore des achats de tous les jours pour les résidents", détaille Marc Zyltman, administrateur national de la Croix-Rouge Française. "Des bénévoles vont également prendre en charge les visites pour les personnes accueillies", précise t-il. "Nous assurons aussi le suivi médical et sanitaire des personnes accueillies. Il y a aura une infirmière la journée pour les soins du quotidien en liaison avec les médecins de Covisan". 

"La Croix Rouge Française sait gérer", assure Marc Zyltman, forte de son expérience à Carry-le-Rouet dans les Bouches-du-Rhône où elle s’est occupée des Français rapatriés de Chine et hébérgés dans une résidence de vacances au début de l’épidémie.

Repérer, suivre, isoler, accompagner, rassurer... le dispositif Covisan assure se vouloir complet pour la suite de l'épidemie. Pour l'heure ce dispositif n'existe qu'en Île-de-France. 
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