Derrière ce chiffre impressionnant, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui peuvent se nourrir grâce à l'association qui lance sa 38e campagne ce mardi.
Choisir entre "se nourrir et se chauffer" : s'alarment les Restos du Cœur. "Les premiers effets de la crise inflationniste se font déjà sentir", souligne l'association fondée par Coluche.
"On a déjà constaté lors de la campagne de cet été une augmentation des personnes accueillies et des repas distribués de 8% sur l'été 2022 par rapport à l'été précédent au niveau national comme en Île-de-France", indique Serge Malet, responsable des Restos en Île-de-France.
Au niveau national, 60% des bénéficiaires (au lieu de 50% un an plus tôt) vivent dans l'"extrême pauvreté", c'est-à-dire avec moins de la moitié du seuil de pauvreté (551 euros par mois). Quelque 30% n'ont même aucune ressource.
Adaptation des règles d'admission
Pour mieux tenir compte de l'inflation, l'association vient d'adapter ses règles : pour évaluer si une personne est éligible à une aide, elle prend désormais en compte non seulement ses revenus et son loyer, mais aussi ses frais de chauffage.
"On se prépare à un hiver qui va probablement être compliqué, à cause de l'inflation et du prix de l'énergie notamment. On pense que l'on va avoir de nouvelles personnes accueillies, notamment autour des étudiants", poursuit Serge Malet.
Il s'appuie sur le constat réalisé l'été dernier où les deux nouveaux centres de l'Essonne, situés à Évry et à Orsay, ont vu la population étudiante augmenter fortement (la moitié des personnes accueillies aux Restos ont moins de 25 ans).
Autre population très fragile : les femmes avec enfant. Elles représentent un quart des bénéficiaires qui poussent les portes de l'association. "Le prix des couches, des laits en poudre sont des denrées très coûteuses", déplore Serge Malet.
Ainsi, sur la campagne d'été, 11 millions de repas ont été distribués en Île-de-France pour 161 000 personnes accueillies. Et les inscriptions sont en hausse : de 5 à 6%, ce qui pourrait porter à 15 millions le nombre de repas livrés sur cette campagne.
Les dons en baisse
Du côté des bénévoles et des dons, l'inquiétude règne également. L'an dernier, le traditionnel concert des Enfoirés a dû être enregistré sans public à cause du Covid, ce qui a créé un manque-à-gagner de 4 millions d'euros pour l'association (sur un budget total d'environ 200 millions), que les pouvoirs publics n'ont pas compensé.
"Les bénévoles, on en a gardé beaucoup, même après la crise de la Covid. Mais nous avons beaucoup de bénévoles qui sont non-imposables et ils vont avoir des difficultés à se déplacer. Pas à Paris, mais sur de grands départements comme l'Essonne ou la Seine-et-Marne où ils doivent prendre leur voiture", affirme le responsable des Restos du cœur en Île-de-France.
"Cela crée une inégalité entre nos bénévoles modestes et les autres", déplore le président de l'association, Patrice Douret, qui réclame au gouvernement, depuis des années, que la réduction des frais de carburant soit transformée en crédit d'impôt, pour bénéficier aussi aux bénévoles modestes.
Une demande qu'il aura l'occasion de réitérer mardi au ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe, attendu dans un centre de distribution d'Asnières-sur-Seine, près de Paris, pour le lancement de cette 38e campagne.