Chaque vendredi, "Rue des Archives" nous plonge dans la mémoire de la télévision. Cette semaine, place à l'histoire de La Défense, le plus important quartier d’affaires d’Europe, fréquenté par 180 000 salariés. Une zone en mutation permanente depuis les années 50, où les gratte-ciels de verre et de béton ont remplacé les bidonvilles.
Quel point commun y a-t-il entre Simone Signoret, dans les rues de Courbevoie, et les aventures meurtrières de Jean Carmet dans la froideur d'une ville inachevée ? Un seul et même arrière-plan s'invite dans ces deux films majeurs : le quartier de La Défense, en construction. Nous sommes en 1971, dans "Le Chat" de Pierre Granier-Deferre. En 1979, dans "Buffet froid", de Bertrand Blier.
Mais cette partie de l'Ouest parisien n'a pas attendu les années 70 pour se transformer, et faire de cette zone pavillonnaire et industrielle le premier quartier d'affaires d'Europe, entièrement dédié à l'économie tertiaire.
Dès 1958, le Cnit, le Centre des nouvelles industries et technologies, voit le jour, à deux pas du rond-point de La Défense. Une immense cathédrale de béton de 50 mètres de haut et 218 mètres de portée, défie les bidonvilles de Nanterre, vestiges de l'après-guerre.
La statue de 1883, érigée par le sculpteur Louis-Ernest Barrias, symbolisait la défense de la capitale face aux envahisseurs prussiens, durant la Guerre de 1870. Elle est progressivement avalée par la dalle de béton.
A la manœuvre, l'Etat entend faire de cette partie de la région parisienne un haut-lieu de la modernité, suivant les préceptes de l'urbanisme de dalle. Le Corbusier et la charte d'Athènes sont passés par là. Dans la ville moderne, les fonctions doivent être séparées dans l'espace : le trafic automobile, les déchets, le travail, la vie quotidienne...
"Les théories de l'époque souhaitaient tourner le dos aux villes traditionnelles, perçues comme sales et dangereuses", explique Pierre-Yves Guice, directeur général de Paris La Défense, l'établissement qui a pris la suite de l'Epad, dont le rôle fut central dans le développement du quartier.
Giscard d'Estaing passe son tour
Après le boom des années 60, les années 70 seront plus incertaines. La crise économique ralentit l'essor du quartier. La Défense compte 600 000 mètres-carré de bureaux inoccupés en 1973. Quant à la fascination pour les immeubles de grande hauteur, elle n'est plus la même. Le président Valéry Giscard d'Estaing veut même lutter contre "l'enlaidissement" des paysages urbains.
Entre la tour Lumière Cybernétique de Nicolas Schöffer, et la tour Tourisme TV de André et Jean Polak, La Défense échappe à des projets architecturaux côtoyant des hauteurs inédites en France. La première devait voir le jour à proximité du Cnit. La seconde, à la tête de La Défense, là où se trouve la Grande Arche aujourd'hui.
Une nouvelle vie de bureau
La naissance de La Défense signe le début de la vie de bureau, dans les tours, loin du sol et des rues animées de la ville. Les cols blancs ont dû changer leurs habitudes, composer avec la cantine et des bureaux aseptisés. Dans un reportage de 1977, une employée témoigne : "A l'extérieur, le cadre n'est pas des plus encourageants. Il faut éviter d'être dépressif."
"Les tours de la première génération, dans les années 60 et 70, étaient conçues comme des machines. On devait être détaché des préoccupations de la vie quotidienne", confirme Pierre-Yves Guice. "L'avènement des tours, c'est aussi celui de l'open space, de l'informatique, de la téléphonie." Autant de choses avec lesquelles nous composons aujourd'hui, comme des évidences.
? "Rue des Archives", c'est chaque vendredi, à 11h50, sur France 3 Paris Île-de-France. Retrouvez l'intégralité du numéro #2, consacré à l'histoire de La Défense.