Le site Réseau Libre a réitéré ses menaces de mort, et cette fois contre plusieurs figures politiques franciliennes de gauche dont le sénateur Ian Brossat, le député Alexis Corbière ou encore l'ex-députée Rachel Kéké. L'avocat Yassine Bouzrou est également concerné.
"Je suis très inquiète, je ne sais pas si quelqu'un va me poignarder quand je vais sortir dans la rue", nous confie Rachel Kéké, d'une voix emplie d'émotion. Lundi, l'ex-députée LFI du Val-de-Marne a été la cible de menace de mort, émise sur le site d'extrême-droite Réseau Libre, hébergé en Russie.
"C'est la première fois que je reçois des menaces de mort", confie l'ex-élue, qui craint d'être plus vulnérable depuis la fin de son mandat. "Je ne sais pas si je peux toujours être protégée. Si j'avais toujours mon mandat d'élue, peut-être que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ou que le Premier ministre Gabriel Attal auraient pu m'apporter leur soutien."
Avocats, journalistes et politiques visés
Les insoumis Manuel Bompard et Alexis Corbière, le sénateur communiste de Paris Ian Brossat et l'avocat pénaliste Yassine Bouzrou - qui a défendu la famille de Nahel et celle d'Adama Traoré - ont également été mentionnés dans cette publication et leurs adresses personnelles publiées. La publication appelle à "attaquer régulièrement" des "cibles qui assument leur statut d'ennemi". Plusieurs professions sont visées : "avocats, journalistes, associatifs et politicards de second ordre".
Léon, le pseudonyme utilisé par l'auteur de la publication, appelle ses adeptes à des actes violents et au meurtre, au lendemain des élections législatives anticipées, qui ont placées les partis de gauche en tête.
Avant que sa publication ne soit rendue indisponible, on pouvait ainsi lire : "Soit on prend acte et on décide de laisser faire en se contentant de se protéger avec les siens, soit on décide de mettre au pas ce troupeau de connards avec les seules méthodes restantes et que je vous laisse imaginer."
L'auteur propose donc d'"éliminer" ses "ennemis" et précise "pas besoin obligatoirement d'armes à feu". Selon lui, "un bon couteau de cuisine, voire une arbalète, voire un manche à balai" seraient suffisants.
"Ils cherchent à éliminer leurs opposants"
Pour le sénateur de Paris Ian Brossat, ces menaces "révèlent le vrai visage de l'extrême-droite". Interrogé au micro de France 3, il témoigne : "Ces gens-là n'ont pas accepté le résultat des urnes. À défaut d'avoir gagné pacifiquement, ils ont été défaits et ils cherchent à éliminer leurs opposants".
Tout comme Rachel Kéké, Ian Brossat a décidé de porter plainte. Pour le sénateur, la montée du Rassemblement national lors de des dernières élections explique la libération de tels propos : "Ces gens considèrent qu'ils sont chez eux car les idées du Rassemblement national se sont répandues. On nous a fait le récit de la dédiabolisation du parti mais c'est une fable, ces gens portent en eux la haine et la violence."
Je découvre avec inquiétude qu'un site d’extrême droite, qui appelle à tuer des élus de gauche et avocats, publie mon adresse...
— Alexis Corbière (@alexiscorbiere) July 8, 2024
Ces menaces doivent cesser.https://t.co/32uiNbJkcz
La semaine dernière, Réseau Libre avait également publié une "liste (très partielle) d'avocats à éliminer". Une centaine d'entre eux, principalement aux barreaux de Caen et de Paris, était nommément visée pour avoir signé une tribune contre la potentielle arrivée au pouvoir du Rassemblement national.
Attrape-moi si tu peux
Si l'identité du ou des auteurs du site Réseau Libre reste inconnue, plusieurs pistes sont envisagées. "Il y a un vrai flou autour de sa personne", explique le spécialiste en cybersécurité Damien Bancal. La théorie privilégiée est celle d'un Français, partisan de l'extrême droite, qui aurait fui en Russie. Selon une information de Libération, les autorités françaises auraient tenté de l'extrader, en vain.
"Le fait que le site soit stocké en Russie, un pays en guerre, fait que les autorités ne peuvent pas se déplacer. Clairement, il n'y a aucune coopération judiciaire locale possible", détaille Damien Bancal. Les autorités françaises ont toutefois une marche de manœuvre : elles peuvent infiltrer le réseau pour tenter de remonter aux auteurs. Une option "possible, mais assez compliquée", selon l'expert.
L'autre option, plus facilement réalisable, consiste pour les autorités judiciaires à contacter les opérateurs français pour leur demander d'empêcher l'accès au site, toujours selon Damien Bancal. Des pratiques récemment mises en œuvre en Nouvelle-Calédonie, où l'accès au réseau TikTok avait été interdit, car considéré comme étant un vecteur de communication au moment où les îles étaient en proie aux violences.
Une solution qui resterait toutefois temporaire puisque l'auteur du site n'aurait qu'à récréer un site internet pour continuer à propager ses menaces, sa propagande et autres fake news. Une véritable Hydre de Lerne.