"Justice pour Julie" : "Ne pas reconnaître le crime de viol, c’est une injustice totale, il faut nommer les choses"

Plus d’une centaine de manifestantes se sont rassemblées mercredi soir devant le ministère de la Justice. Cette manifestation "en soutien à Julie" survient alors que la justice a rejeté la demande de la jeune femme de voir ses agresseurs présumés, des pompiers, être jugés pour "viol".

"Cour de cassation : donnez-nous raison", "pompiers : 20 violeurs en liberté, justice calcinée ?", "20 pompiers violeurs"… Munies de nombreuses pancartes, plus d’une centaine de manifestantes se sont regroupées mercredi 18 novembre devant le Ministère de la Justice, place Vendôme, pour demander "justice pour Julie".

Les Femen, l’Alliance des Femmes, Osez le féminisme !, le Collectif National pour les Droits des Femmes… Plusieurs collectifs féministes avaient appelé au rassemblement, "contre la culture du viol", et "contre l'impunité".


Suite à la manifestation, Corinne Leriche, la mère de Julie, a salué un "moment intense de partage, de cris, de discours, d’émotions, de solidarité entre femme de tout âge", sur Facebook : "Toutes ensemble pour crier : «Justice Pour Julie». Vous étiez toutes là : les associations, les militantes, les colleuses, les influenceuses, les FEMEN, les Amazones, les jeunes féministes, les journalistes et photographes engagés pour réclamer justice pour Julie. Merci infiniment pour Julie. Nous allons toutes les deux puiser force et courage dans votre détermination, votre indignation, votre humanité pour continuer ce combat redoutable."
 
Pour rappel, Julie (un nom d’emprunt) accuse 20 pompiers de l'avoir violée alors qu'elle avait entre 12 et 14 ans – les faits se seraient produits de 2008 à 2010. La manifestation mercredi soir a été organisée suite à une décision de la cour d'appel de Versailles, le 12 novembre dernier, qui a rejeté la demande de la famille de requalifier les faits commis par les agresseurs présumés en "viol".
  La justice a en effet estimé que les trois hommes poursuivis à ce stade - initialement mis en examen pour viol sur mineure, une infraction passible des assises - devaient être renvoyés en correctionnelle pour être jugés pour "atteinte sexuelle". Une requalification expliquée, selon l’instruction, par un manque de preuves permettant d'établir le défaut de consentement.

"Une proposition de loi pour que soit qualifiée de viol toute relation sexuelle majeur.e/mineur.e"

A l’époque des faits, l’adolescente - victime de crises de spasmophilie et de tétanie  - suivait un traitement médicamenteux lourd. Elle a ainsi reçu plus de 130 fois la visite de pompiers, entre 2008 et 2010. Lors d'un entretien en 2019, Corinne Leriche expliquait à France 3 Paris IDF que "Julie à l'époque avait 12 ans et demi lorsqu'elle avait rencontré son premier agresseur, son premier pompier, qui l'a faite en intervention, qui connaissait son âge, tout d'elle" : "Il l'a violée une première fois, quand il était seul avec elle puis en réunion avec ces deux autres pompiers alors qu'elle avait 14 ans, qu'elle allait très très mal."L’adolescente a eu des rapports sexuels avec 20 pompiers, âgés d'une vingtaine d'années et provenant en majorité de la caserne de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). D’après la défense, c’est Julie qui serait entrée en contact avec certains d'entre eux via les réseaux sociaux. Selon la mère de Julie, "on ne peut pas dire qu'elle était consentante de quoi que ce soit".
Place Vendôme, les manifestantes ont reclamé l'instauration d'un âge minimum légal en dessous duquel un rapport sexuel serait présumé non consenti. Présente lors du rassemblement, la sénatrice de l'Oise Laurence Rossignol a annoncé qu’elle déposerait "de nouveau une proposition de loi pour que soit qualifiée de viol toute relation sexuelle majeur.e/mineur.e." "La loi Belloubet/Schiappa est un échec et une faute", a dénoncé l’ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes.
"En tant que féministes, on était là pour épauler Julie et Corinne Leriche, raconte à France 3 Paris IDF la militante Marguerite Stern, à l'origine du mouvement des collages contre les féminicides. La décision de la cour d’appel est inadmissible. L’"atteinte sexuelle" est tout sauf claire, il faut changer la loi. Plusieurs personnes ont pris la parole pour demander à ce que le consentement sexuel soit placé à l’âge de la majorité sexuelle, à 15 ans."

"Aujourd’hui, Julie est une femme absolument détruite, elle a fait plusieurs tentatives de suicide, déplore Marguerite Stern. Que la justice entende sa peine : Julie a besoin de se réparer, de se reconstruire."

Ne pas reconnaître le crime de viol, c’est une injustice totale, il faut nommer les choses

Elisabeth Nicoli, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie, était aussi présente au rassemblement : "Toutes les associations étaient là, main dans la main. Nous avons lutté pendant des années pour obtenir des droits, mais nous avons encore à faire face à l’impunité, au déni de justice. Comment ne pas être présente aux côtés de cette mère et de son combat pour sa fille ? Si justice n’est pas rendue, ce n’est pas admissible. Le droit doit avancer et surtout les mentalités doivent changer. Ne pas reconnaître le crime de viol, c’est une injustice totale, il faut nommer les choses. Certains parlent de "culture du viol", nous disons qu’il faut mettre fin à l’"inculture du viol" et développer la culture de la parité."

A noter qu’en parallèle de l’action menée devant le ministère de la Justice, une "manif virtuelle" était également organisée sur les réseaux sociaux. Une pétition est par ailleurs toujours en ligne pour demander la requalification des faits en "viol". 234 564 signatures ont été rassemblées à ce stade. Hors norme, cette affaire a eu une instruction particulièrement longue : la première plainte remonte à août 2010. Julie est désormais âgée de 25 ans.
 
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