Le directeur général de la COSEM, qui possède 8 centres à Paris et 1 dans l'Essonne, est accusé d'avoir fait "main basse" sur ce groupe de santé privé, financé par la Sécurité Sociale.
Pas un mot. Au terme de trois heures de réunion, les représentants syndicaux descendent l’escalier en colimaçon à pas feutrés. Ce mardi 25 avril, en face de la gare Saint-Lazare, les locaux flambant neufs du siège de la Cosem voient s’échapper un à un les protagonistes d’un Comité Social et Economique hors norme.
Dans une salle de conférence, les représentants syndicaux parlementent avec le médiateur et quelques membres de la direction. A côté, Daniel Dimermanas, Directeur Général, reste prostré dans son bureau. Quelle fut la teneur des échanges ? Quelles explications apportées au signalement pour fraude fait par certains salariés au Parquet National Financier ? Silence. Direction et élus viennent de signer un protocole de confidentialité.
Depuis des semaines, la presse détaille la gestion financière chaotique de la Cosem. Mi-avril, des salariés ont adressé un signalement au Parquet National Financier (PNF). Dans cette lettre, ils dénoncent des faits pouvant être qualifiés d'abus de confiance, de prise illégale d'intérêt, d'escroquerie à la Sécurité sociale et de harcèlement moral, selon leur avocat Maître Jérôme Karsenti. Après une première analyse, le PNF s’est dessaisi de l’affaire au profit du parquet de Paris.
Salaires exorbitants, emplois fictifs et frais de bouche
Dans cette lettre, la gestion financière de la Cosem (Coordination des Œuvres Sociales et Médicales), un groupe médical associatif à but non lucratif, est épinglé pour sa gestion financière. "Dans un contexte social tendu, les élus ont demandé pour la première fois à avoir les comptes de 2021 et ils ont constaté ce qu'ils considèrent comme des malversations financières", a rapporté l’un d’eux sous couvert d’anonymat.
Ils dénoncent les salaires exorbitants versés à Daniel Dimermanas, Directeur général depuis 2010 et à ses fils, les emplois présumés fictifs de leurs épouses et des notes de frais disproportionnées : plus de 285.000 euros pour trois personnes en 2021. Ils ciblent aussi l'achat d'une voiture de luxe, une Jaguar, et la rémunération de personnels travaillant pour des filiales. Incompatible selon les élus avec les valeurs de la Cosem, créée en 1945 par Sigismond Hirsch, un médecin résistant. L’association qui compte aujourd’hui 16 centres en France (8 sur Paris et 1 en Essonne) pratique des honoraires de secteur 1.
Une vente immobilière en question
En épluchant les comptes, les élus du CSE relèvent également un montage financier suspect. Une "cession d’immobilisation" pour 28 millions d’euros. Daniel Dimermanas aurait pris possession d'une partie de l'imposant patrimoine immobilier parisien du Cosem. Avec ses deux fils, il a racheté la société Eden qui détient l'immobilier de la structure en contractant un "crédit vendeur in fine à échéance de 10 ans". Le procédé est simple : l’acheteur doit rembourser son bien d’un seul coup au bout de dix ans et non pas tous les mois, comme un crédit classique. Pour la Cosem, il n'y a aucune garantie de remboursement.
Des accusations qui ont meurtri Daniel Dimermanas, ancien dentiste et à la tête de la structure depuis 2010. Il dénonce l’acharnement de la presse contre lui et sa famille. "La direction du Cosem (…) n’entend pas faire de commentaire et fournira le cas échéant ses réponses à la justice si celle-ci devait être saisie. Elle apportera les preuves qui établissent notamment qu’aucun emploi fictif ne peut être reproché à quiconque", a mentionné la direction par communiqué de presse.
De son côté la CPAM de Paris confirme avoir reçu un signalement anonyme de suspicion de fraude. L’organisme a signalé les faits au Parquet de Paris. Pour le moment, aucun préjudice financier n’a été identifié ce stade par l’Assurance Maladie. Des investigations sur les remboursements effectués sont en cours.
Dans les couloirs du siège de la Cosem, les visages des salariés sont graves. Chacun attend les suites judiciaires et s'inquiète pour la solidité financière de cet organisme privé. "On a peur pour notre avenir et nos emplois", nous révèlent deux salariés.