Fondé en 1913, dans le 16e arrondissement de Paris, le Ranelagh Baseball a fermé ses portes durant près de 100 ans. Depuis 2021, un groupe de bénévoles tente de raviver la flamme de ce qui fut la première équipe francilienne de baseball. Rencontre avec un groupe de passionnés.
Hippodrome d'Auteuil, la scène est surprenante. Là où se disputent d'habitude des courses de chevaux au grand galop, on croise l'espace d'un après-midi, des sportifs dans une tenue inhabituelle.
Casquette sur la tête, bombers pour certains, quand d'autres sont équipés d'un masque avec une grille. Ces sportifs, ce sont les joueurs du Ranelagh Baseball Club. Ils viennent s'entraîner en vue de leur match d'exhibition prévue ce dimanche à 14h30 contre le PUC. "On est ici avant tout pour se faire plaisir", note Bertrand Maire qui a refondé le club bénévolement en 2021.
En effet, les sourires et la bonne humeur gagnent les joueurs lorsqu'ils trouvent enfin un carré de pelouse pour lancer et frapper quelques balles. "Cela fait partie de la vie du club, nous n'avons pas de terrain à nous, alors on trouve des solutions pour continuer à jouer", sourit Stéphen Saint-Guirons, un des cadres de l'équipe. Une absence d'infrastructures adaptées qui témoigne, selon les amateurs du sport de balle américain, d'un manque de considération pour un club pourtant centenaire.
Premier club de baseball francilien de l'histoire
C'est avec l'arrivée des premiers Américains en France au moment de la révolution industrielle que le baseball s'exporte en France. Ce sport de batte et de balle inspirée de la thèque française et du schlagball allemand est d'abord pratiqué comme une occupation par les soldats de la Guerre de Sécession dans les années 1860. Il se structure ensuite en tant que discipline sportive dans les dernières décennies du XIXème siècle. Au tournant du 20ème, celui-ci connaît un essor en Europe. Cet élan de popularité pousse deux frères du 16ème arrondissement à fonder en 1913, le Ranelagh Baseball Club.
"C'est le premier club de baseball qui a vu le jour en Île-de-France. Ils l'ont fondé avec l'idée d'établir un club symbolique de l'amitié franco-américaine. Cette idée a été renforcée après la Première Guerre mondiale, car beaucoup de gens en France considéraient que le modèle américain était un modèle à suivre", raconte Bertrand Maire. Dans les années 1920, de nombreuses équipes s'organisent à Paris pour former la Paris Baseball League, à laquelle prend part le club du 16ème .
Composé de joueurs français et américains, le Ranelagh est paradoxalement mis à mal par la création de la Fédération Française de Baseball. Dans sa volonté de créer un championnat de France, la nouvelle instance limite le nombre de joueurs étrangers qu'une équipe peut aligner. "Le club s'est arrêté à cause de cela, au début des années 1930, car cette mesure allait à l'encontre du dessein originel des fondateurs", explique Bertrand Maire, l'initiateur du Ranelagh, nouvelle version.
Une refondation autour d'une idée cosmopolite
Plus de cent ans après la création du club, l'idée de lui redonner vie traverse l'esprit de Bertrand Maire lors d'un confinement en 2021. "J'avais envie de rejouer au baseball que je pratique depuis mon enfance. J'ai donc lancé l'idée de fonder un club auprès de mes amis baseballers ", lance l'ancien international français. Et c'est justement en se plongeant dans les archives de son sport, que ce cadre de l'INA, Institut national de l'audiovisuel, découvre l'existence du Ranelagh Baseball Club.
"En tant qu'habitant du 16ème arrondissement, je trouvais que c'était une bonne idée de remettre au goût du jour ce club historique" en gardant l'esprit d'une équipe cosmopolite. "Cela correspond à ma vision du sport. On doit créer un dialogue entre les pays à travers la performance".
Les membres-fondateurs se lancent alors dans un porte-à-porte pour attirer de nouveaux membres. Andy Mccough, originaire de Pennsylvanie et issu d'une famille de baseballers "J'ai beaucoup aimé l'innocence avec laquelle on joue ici. Aux États-Unis, tout est basé sur la performance dès le plus jeune âge. En France, on cherche avant tout à se faire plaisir", explique-t-il.
Celui-ci note une autre différence avec le jeu aux USA. "Ici, on se concentre sur les fondamentaux. Ce qui est important, car avant de vouloir marquer des points, il faut s'assurer que votre technique de lancer et de frappe soit bonne", insiste celui qui pratique le sport depuis l'âge de quatre ans.
Les États-Unis, c'est aussi la patrie de Christian Diaz, pourtant né à Moscou et ayant vécu au Panama et aux Pays-Bas. Il a repris le base-ball à Paris après plus de 20 ans d'arrêt. "J'avais pris une balle dans l'œil lors d'un match", se souvient-il. Il découvre le Ranelagh Baseball Club par le biais d'un voisin. "Jamais je n'aurais pensé qu'on joue au baseball à Paris, mais j'ai décidé de me rendre à un entraînement, et j'ai accroché tout de suite avec les autres".
Cette équipe à l'allure internationale compte au total 26 joueurs issus de 9 pays différents !
"Nous souhaitons réimplanter le baseball dans un de ses fiefs d'origine"
Depuis 2021, l'équipe cosmopolite alterne entraînements et matchs d'exhibition. "On s'organise entre nous en ramenant le matériel, il n'y pas vraiment d'entraîneurs, on se réfère à Bertrand, car c'est lui qui a le plus d'expérience", indique Christophe Leclercq qui a rejoint le club parisien en mars 2021. Les positions sur le terrain sont définies selon les spécificités de chacun. "Certains sont à l'aise à la course et s'occupent de frapper, ceux qui ont un bras plus puissant sont lanceurs, et ceux qui ont les meilleurs réflexes sont les attrapeurs", poursuit-il.
Dans l'avenir, Bertrand Maire souhaite développer la formation des jeunes à son sport qui compte aujourd'hui 15 000 licenciés en France. "C'est important pour nous d'attirer du monde chez les enfants et adolescents, afin de montrer que le baseball peut attirer à n'importe quel âge."
Autre objectif, à plus long terme, organiser un match de baseball lors des JO de Paris 2024. Une façon de rendre hommage à la première rencontre de baseball olympique organisée à Colombes il y a 100 ans. "Le Ranelagh avait fait une démonstration contre une équipe américaine. Ce serait un joli clin d'œil à l'histoire..."
Au-delà des ambitions olympiques, le club souhaite désormais bénéficier d'une licence pour intégrer le circuit compétitif et à terme le championnat de France. "L'objectif est de réimplanter notre sport dans un de ses fiefs d'origine en France", conclut Bertrand Maire.
La rencontre de ce dimanche contre le PUC est à suivre à l'Hippodrome d'Auteuil à 14h30.