Marche pour Adama à Paris malgré l'interdiction : "Notre liberté a été bafouée", dénonce Assa Traoré

Malgré l'interdiction de la marche pour Adama Traoré à Paris, 2 000 de personnes se sont rassemblées dans le calme place de la République samedi 8 juillet après-midi. Yssoufou Traoré, violemment interpellé à la fin de la marche, est sorti de l'hôpital dimanche. Son avocat a porté plainte pour violences volontaires.

Plus de 2 000 personnes se sont rassemblées à Paris samedi 8 juillet après-midi, en mémoire d'Adama Traoré, et ce, malgré l'interdiction de la préfecture de police émise plus tôt dans la journée.  

Assa Traoré, sœur d'Adama et figure du combat contre les violences policières, avait annoncé qu'elle serait présente samedi à 15h place de la République. Jeudi, un arrêté pris par le préfet du Val-d'Oise avait interdit la marche prévue à Persan et Beaumont-sur-Oise, en mémoire d'Adama, décédé peu après son interpellation par des gendarmes le 19 juillet 2016.

Peu avant 15h samedi, Assa Traoré a pris la parole debout sur un banc de la place, entourée d'un important dispositif des forces de l'ordre. Elle a dénoncé "une interdiction politique" de ce rassemblement. "On veut cacher nos morts et les violences policières. [...] On veut cacher le déni de justice, et le silence de l'État français face à nos morts", a-t-elle estimé. 

"Sa police est raciste, sa police est violente"

"On marche pour la justice et contre l'impunité policière, pour la liberté et la démocratie. Aujourd'hui, notre liberté a été bafouée", a-t-elle ajouté devant plusieurs élus parmi lesquels la cheffe de file des insoumis à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, les députés LFI Eric Coquerel et Louis Boyard, et Sandrine Rousseau (EELV).

"La France ne peut donner de leçons de morale à aucun autre pays. Sa police est raciste, sa police est violente. En France, on n'a pas le droit de marcher, mais on laisse marcher des extrémistes et des néo-nazis", a dénoncé Assa Traoré. "Personne ne peut nous interdire de marcher, de nous rassembler, de donner les noms de nos morts, de défendre notre liberté, notre pays. Nous défendons la démocratie de notre pays", a-t-elle encore déclaré avant que d'autres familles de victimes ne prennent la parole. 

Peu après, les forces de l'ordre ont demandé aux gens de se disperser et quelques bousculades ont eu lieu, alors que les manifestants scandaient "Justice pour Nahel", ont constaté des journalistes sur place, qui ont vu des personnes se faire verbaliser. 

"Pas de justice sans réforme profonde de la police"

Les manifestants sont ensuite partis en cortège, dans le calme, en direction du boulevard Magenta. Assa Traoré a de nouveau pris la parole pour remercier les participants et a demandé à tout le monde de se disperser, précisant que la manifestation était terminée. 

"Macron avait promis 100 jours d'apaisement. À force d'interdictions de manifester, [...] la France est maintenant au ban des démocraties", a commenté le député insoumis de Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel, présent dans le cortège. "Il n'y aura pas de justice sans réforme profonde de la police", a, de son côté, souligné la députée écologiste Sandrine Rousseau. Le rappeur Hatik était également présent, arborant un tee-shirt "Justice pour Adama". 

La présence de députés insoumis et écologistes au rassemblement fait beaucoup réagir la droite et le camp présidentiel qui accuse LFI de sortir du "champ républicain". La France insoumise estime, elle, qu'elle se devait d'être "aux côtés de la famille".

"Je suis atterrée de voir des élus de la Nation, arborant l'écharpe tricolore, mutiques et souriants en entendant des manifestants scander 'tout le monde déteste la police'", a tweeté dimanche la présidente Renaissance de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. "La provocation est évidente [...], elle est double quand vous êtes un élu de la République", a abondé Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance au Palais-Bourbon.

Yssoufou Traoré interpellé violemment

À la fin du rassemblement, Yssoufou Traoré, frère d'Assa Traoré, et un proche du comité Adama ont été violemment interpellés par des policiers de la BRAV-M comme le montrent ces images filmées par un journaliste de Loopsider. On peut voir Yssoufou Traoré résister puis être plaqué et maintenu face au sol par plusieurs policiers. Une femme a également été violemment poussée et est tombée sur le trottoir, comme en témoigne la vidéo

Deux personnes ont été interpellées ce samedi pour "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique", commises place de la République à Paris, a annoncé la préfecture de police de Paris dans un communiqué en fin de journée.

Yssoufou Traoré, 29 ans, a été placé en garde à vue pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion. Selon une source policière, il a été blessé à un œil lors de son interpellation, et a fait un malaise dans les locaux du commissariat, ce qui a conduit à son transfert à l'hôpital. La garde à vue de Yssoufou Traoré a été levée à cause de son hospitalisation. A ce stade, la suite de la procédure n'est pas connue.

Selon une source proche du dossier, il est accusé d'avoir "porté un coup" à une commissaire de police sur la place de la République en début d'après-midi. Il a été reconnu plus tard rue du faubourg saint Martin.

Yssoufou Traoré est sorti de l'hôpital dimanche, l'œil tuméfié 

Dimanche 9 juillet à la mi-journée, Yssoufou Traoré est sorti de l'hôpital. Dans une vidéo postée sur le compte Twitter "La vérité pour Adama", il apparaît l'œil droit tuméfié et la manche du t-shirt déchirée. 

Selon un communiqué publié sur le compte Instagram d'Assa Traoré, le plaquage ventral qu'il a subi lors de son interpellation lui a occasionné "une fracture du nez, un traumatisme crânien avec contusion oculaire, des contusions thoraciques, abdominales et lombaires révélatrices". L'avocat de Yssoufou Traoré, Me Yassine Bouzrou, a annoncé dimanche avoir déposé plainte pour violences volontaires.

"Mon frère est mort exactement de la même façon"

Le deuxième homme arrêté samedi a été identifié comme Samir par les membres du comité Adama. Le rassemblement pour exiger sa libération devant le commissariat du Ier arrondissement de Paris, dimanche en début d'après-midi, s'est terminé dans le calme au bout de deux heures. Une cinquantaine de personnes y ont participé, dont les députés LFI Eric Coquerel, Jérôme Legavre et Thomas Portes, et ont été rejointes par Yssoufou et Assa Traoré.

"C'est une injustice que j'ai subie", a estimé Yssoufou Traoré, affirmant avoir reçu un "uppercut bien voulu". "Ils [les policiers, ndlr] n'ont pas à faire ça", a-t-il ajouté. Sa sœur a dénoncé un "guet-apens", estimant que les images de l'interpellation avaient "réveillé beaucoup de choses. Mon frère est mort exactement de la même façon", a relevé Assa Traoré. Quant à l'accusation de coup porté à la commissaire, Yssoufou Traoré estime n'avoir "rien à (se) reprocher".

Trois journalistes brutalisés

Trois journalistes clairement identifiables ont également été repoussés avec brutalité par des policiers. Sur les images d'un journaliste du HuffPost, qui a été repoussé à coups de bouclier, on peut notamment voir un policier arracher délibérément le matériel d'un photographe. 

Reporters sans frontières (RSF) s'est ému d'une "violation inacceptable de la liberté d'informer".

Une enquête administrative a été ouverte pour faire la lumière sur les violences commises par des policiers sur plusieurs journalistes qui couvraient le rassemblement interdit.

Une procédure judiciaire engagée à l'encontre d'Assa Traoré

Par ailleurs, "le délit d'organisation d'une manifestation non déclarée étant manifestement caractérisé, une procédure judiciaire est engagée à l'encontre de l'organisatrice" Assa Traoré, indique la préfecture de police de Paris dans son communiqué.

Dans un arrêté mis en ligne dans la matinée, la préfecture de police avait justifié l'interdiction de ce rassemblement, non déclaré, comme "présentant des risques de troubles à l'ordre public". L'arrêté, signé par le préfet de police Laurent Nuñez, rappelle le "contexte tendu" et les "cinq nuits consécutives" de violences urbaines en région parisienne et dans la capitale, après le décès de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier le 27 juin à Nanterre.

Au total, 5.900 personnes, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, ont participé à des "marches citoyennes" empreintes de "deuil et colère" contre les violences policières dans plusieurs autres villes de France samedi 8 juillet. 

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